Face à l’intervention militaire de la Cedeao qui se précise de plus en plus, Yahya Jammeh est prêt à tremper les étendards gambiens dans la fange. Il a décidé de recruter chez les ex-mercenaires libériens et sierra-léonais pour gonfler les rangs de ses soldats évalués officiellement à 1 000 agents.

Yahya Jammeh, isolé et aux abois et qui veut perpétuer son régime de terreur, en est réduit à solliciter l’aide de petites gens peu recommandables ayant semé le chaos dans plusieurs pays ouest-africains. A 15 jours de la fin de son mandat, il se prépare à une éventuelle intervention militaire qui prend l’apparence de l’évidence : Il est allé solliciter les services d’ex-mercenaires libériens, sierra-léonais ou ivoiriens. «Jammeh est prêt à combattre jusqu’au bout et à dépenser de l’argent pour rester au pouvoir», a déclaré un ancien soldat libérien, recruté par ses services. Interrogé par Buzzfeed news, créé par le fondateur de Huffington Post, il fait partie d’une légion d’ex-mercenaires de Charles Taylor et aussi sierra-léonais recrutés par Jammeh pour faire face aux militaires de la Cedeao. Mégalomane excentrique, le Président Jam­meh ne lâchera pas le pouvoir sans mener à d’inutiles souffrances des milliers de personnes.
Théoriquement, les Forces armées gambiennes, qui ont renouvelé mercredi leur allégeance à M. Jammeh, ne comptent que 1 000 soldats. C’est l’équivalent d’un bataillon dans certains pays de la zone Cedeao. Pris de court, il a donc décidé de se rabattre sur ces mercenaires. Lesquels ne sont plus en service à cause de la stabilité qui règne dans toute la sous-région ouest-africaine de­puis la fin des rébellions libérienne, sierra-léonaise et ivoirienne. Cette offre est une bénédiction pour ces hommes. «Il y a environ 20 mille soldats et rebelles [libériens] déclassés dans tout le Liberia, le Ghana, la Sierra-Leone et la Côte d’Ivoire», a déclaré l’ancien commandant. «Ils sont tous très pauvres et vivent dans des camps de réfugiés. Là ils ont la chance de gagner de l’argent avec les compétences qu’ils ont, c’est-à-dire la guerre. Ils ne se soucient pas de quel côté se trouve la légalité. Personne ne se soucie de cela tant qu’ils sont payés», explique un ex-commandant de l’Armée libérienne, qui a rejoint Banjul, à Buzzfeed news. Ce n’est pas tout : «Il y a un vaste recrutement d’ex-militants ivoiriens et de mercenaires libériens en cours, dirigés par d’anciens officiers de Charles Taylor, a déclaré un officier supérieur des services de renseignement en Côte d’Ivoire à Buzzfeed News par téléphone. Ces recrutements se déroulent dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire, autour de San Pedro, Grabo, Tai et Toulepleu. Ces villes sont sur ou près de la frontière poreuse avec le Liberia, où les mercenaires ont souvent glissé durant la guerre civile de 2012 en Côte d’Ivoire.» Selon lui, les autorités ivoiriennes sont en train de travailler pour faire échouer ces opérations.

60 mille à 240 mille F Cfa par jour
Aujourd’hui, il y aurait entre 300 et 400 miliciens qui ont accepté ces offres moyennant 100 (60 mille F Cfa) ou 400 dollars (240 mille F Cfa) par jour. C’est un ancien général libérien, un fidèle de Taylor, en rupture de ban, qui joue au sergent recruteur en attirant en Gambie de vétérans de la guerre civile au Liberia et en Sierra-Leone. Il aurait rencontré Jammeh en mi-décembre. «C’est une occasion de se remplir les poches, il n’y a pas grand chose à faire de nos jours», a déclaré Koné Kader, un ancien militant ivoirien.
Ces recrutements sont confirmés par des experts et analystes ouest africains. «Des sources crédibles dans la région nous disent que Jammeh s’efforce à recruter d’anciens combattants libériens fidèles à Charles Taylor», révèle Alex Yearsley, directeur général de Martello Risk, un groupe de consultants en risques politiques basé au Royaume-Uni. Le Président Jammeh s’est résolu à solliciter ces tueurs professionnels à cause du refus de certains éléments du Mfdc qui n’ont pas accepté de prendre ses armes pour défendre sa cause. «Ils ont refusé de se battre pour Jammeh ainsi que des gens ciblés en Guinée Bissau», déclare une source sécuritaire proche de Jammeh.
Ce sont les derniers beuglements d’un taureau sur le chemin de l’abattoir. La Cour suprême, saisie d’un recours par Jammeh après qu’il a reconnu sa défaite et félicité son challenger Adama Barrow, doit vider ce contentieux électoral le 10 janvier prochain. Grâce à plusieurs arguties judiciaires, il a réussi à avoir une composition complète de la juridiction qui semble être taillée pour lui donner raison dans sa volonté d’invalider la Présiden­tielle du 1er décembre dernier. Déterminée à faire respecter le choix des Gambiens, la Cedeao a décidé d’installer Adama Barrow le 19 janvier. Il règne une ambiance de fin de règne à Banjul où le maître continue de sévir contre les fonctionnaires qui défient son autorité. Selon jeuneafrique, Yahya Jammeh a rappelé le 27 décembre son ambassadeur à Dakar, Momodou E. Njie, nommé seulement en août. Lequel l’avait publiquement appelé à transmettre le pouvoir pacifiquement à Adama Barrow. La direction de l’ambassade est désormais assurée par son premier secrétaire.
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