Gestion des Finances publiques : Sonko dénonce un «Makyallage» des chiffres

Une dégradation de la note souveraine du Sénégal par l’Agence Moody’s, à la suite de la sortie du Premier ministre Ousmane Sonko qui avait parlé de «scandale» concernant ce qu’il avait qualifié de «falsification» des chiffres de l’économie par le régime de Macky Sall. Qui, pour sa part, a battu en brèche. Tels sont, entre autres, les faits saillants marquant l’actualité économique en 2024.
Par Dialigué FAYE –
Abdoulaye Daouda Diallo, Amadou Ba, feu Mamadou Moustapha Ba et Macky Sall, au banc des accusés. Ils ont été tous cités par l’actuel Premier ministre, les reprochant d’avoir manipulé les données et ainsi détourné de l’argent public. «Nous étions loin de nous imaginer que les choses étaient aussi catastrophiques», avait lancé Ousmane Sonko, le jeudi 26 septembre 2024, lors d’une conférence de presse servant à dresser un état des lieux des Finances publiques trouvées par les nouveaux dirigeants. «Macky Sall, qui ne pouvait ignorer ces pratiques, Abdoulaye Daouda Diallo, Amadou Ba et Moustapha Ba devront expliquer aux Sénégalais comment ont-ils pu plonger le pays dans cette situation. Si on le fait, c’est parce que c’est indispensable, d’autant plus que nous allons demander aux Sénégalais de consentir à des sacrifices», avait déclaré M. Sonko. Le Pm avait aussi reproché au régime de Macky Sall d’avoir «menti au pays et aux partenaires en falsifiant les chiffres publics, en donnant des données erronées sur le déficit public qui est le double de ce qui a été annoncé. La dette publique est 10 points plus élevée que ce qui a été annoncé et de manière constante depuis 2019. L’exercice aurait pu remonter plus loin. Mais les 4 exercices nous suffisent pour voir à quel point le régime de Macky Sall a menti au Peuple, aux partenaires, a tripatouillé les chiffres pour donner une image économique, financière et budgétaire qui n’avait rien à voir avec la réalité. C’est d’une extrême gravité». Ainsi avait-il promis des enquêtes.
Suspension du programme du Sénégal avec le Fmi
Assis aux côtés du Pm, le ministre de l’Economie, du plan et de la coopération avait embouché la même trompette. «La dette publique du Sénégal et les déficits budgétaires ont été plus élevés que ceux publiés par les autorités sortantes et communiqués à nos partenaires durant la période 2019-2023», avait relevé Abdourahmane Sarr. Avant de préciser : «La dette publique a été annoncée en moyenne à 65, 9% du Pib durant la période 2019-2023, mais en réalité, elle a été en moyenne de 76, 3% du Pib en raison des déficits publics plus élevés que ceux publiés. Ainsi, en fin 2023 par exemple, la dette de l’Etat centrale hors secteurs parapublics est à 15 664 milliards, soit 83, 7% du Pib, alors qu’elle était annoncée à 13 772 milliards de francs Cfa, soit 73, 6% du Pib. Il s’agit donc d’un supplément de dette contracté et non publié de près de 1892 milliards, soit 10% du Pib de plus.» Même les partenaires financiers en avaient pris pour leur grade. Pour le chef du gouvernement, ces derniers avaient fermé les yeux sur ce qu’il a qualifié de «carnage financier». Mais beaucoup s’interrogeaient sur la place de l’actuel ministre des Finances et du budget dans cette affaire, puisqu’il était, alors, directeur de la Programmation budgétaire. Sans attendre longtemps, le ministère, via sa Cellule de communication, s’est fendu d’un communiqué pour laver à grande eau Cheikh Diba.
Ce dernier n’a pas été le seul à se blanchir. L’ancien chef de l’Etat avait choisi un journaliste de Bloomberg pour s’inscrire en faux contre les déclarations du Premier ministre. Il s’était étonné même d’avoir été jugé à partir d’un audit dont il n’avait jamais entendu parler. Ni aucun de ses ministres d’ailleurs, selon Macky Sall. Sur cette question des agrégats macro-économiques du Sénégal, le Président Sall avait affirmé aux confrères de Bloomberg que «les déclarations du Premier ministre sont fausses, totalement fausses». Et d’indiquer qu’à son départ, «les indicateurs économiques étaient au vert. Les résultats des investissements initiés par son gouvernement sont si visibles qu’il ne devrait même pas y avoir de débat sur la question».
Dégradation de la note souveraine du Sénégal
Suite à cet audit, qui a montré une «dégradation des Finances publiques du Sénégal, avec une dette publique atteignant 83, 7% du Pib en 2023 contre une prévision initiale de 73, 6%», le programme du Fonds monétaire international (Fmi) au Sénégal, d’un montant d’1, 8 milliard de dollars, a été temporairement suspendu. Cette suspension devrait permettre de renégocier l’accord en cours avec l’institution de Bretton woods, avec pour objectif d’aboutir à un nouveau programme, d’ici le premier trimestre de l’année 2025. De ce fait, les versements initialement prévus cette année dans le cadre des accords de financements signés avec le Fmi ont été aussi suspendus. Les nouvelles autorités ont été ainsi obligées de se rendre sur le marché financier international pour y lever 300 millions de dollars Us, soit environ 181 milliards de francs Cfa, pour couvrir des besoins de financements dans le cadre de l’exécution budgétaire de l’année 2024.
Malgré le succès de cette opération, le Sénégal n’a pas gardé sa signature indemne. A preuve, l’agence de notation Moody’s a revu la note de souveraineté du pays, de Ba3 à B1, avec une mise sous surveillance. Standard and Poor’s (S&p) lui emboîta le pas, en plaçant le Sénégal sous perspective «négative». Une dégradation que beaucoup d’observateurs ont imputée à la publication, le 26 septembre 2024, des résultats de l’audit des Finances publiques par les nouvelles autorités. En attendant la publication du rapport de la Cour des comptes.
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