Grâce accordée à un trafiquant de médicaments : Les pharmaciens en effervescence

La décision prise par le chef de l’Etat d’accorder la grâce à un convoyeur condamné à 5 ans de prison dans une affaire de trafic de médicaments a provoqué la colère des pharmaciens privés. En conférence de presse hier, ils ont fustigé cette décision. Le Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal «n’exclut pas la fermeture des officines pour marquer son désaccord total avec cette décision».
La grâce accordée à Amadou Woury Diallo, condamné en première instance à 5 ans de prison dans une affaire de trafic de médicaments, a mis les pharmaciens privés dans tous leurs états. En conférence de presse hier, le secrétaire général du Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal a fustigé cette décision «au moment où le dossier en appel n’a pas encore été vidé». Cette décision, souligne Dr Assane Diop, «nourrit de grandes inquiétudes quant à la suite du procès en appel qui doit se tenir le 13 mai prochain». M. Diop informe qu’ils ne reculeront «devant aucune action d’envergure pour la sauvegarde de la santé des populations». D’ailleurs, informe-t-il, le syndicat «n’exclut pas la fermeture des officines pour marquer son désaccord total avec cette décision». Expliquant leur radicalisation, Dr Diop soutient que malgré la sensibilisation, la loi contre les auteurs de ce trafic et la vente illicite de médicaments n’est pas appliquée. Il faut des actions d’envergure pour amener l’Etat à intervenir.
Revenant sur la grâce accordée à M. Diallo, les pharmaciens privés estiment qu’elle «encourage la vente illicite des produits pharmaceutiques, menace la santé des populations et fragilise le système de santé». D’après eux, c’est une décision qui «risque de compromettre tous les acquis dans la lutte contre le trafic des médicaments». «Elle est d’autant plus regrettable qu’elle intervient au moment où la justice venait d’envoyer un signal fort à l’endroit des délinquants», ont-ils fustigé. Pour eux, cet acte contredit même «la volonté exprimée par le chef de l’Etat de lutter contre la circulation des faux médicaments». Rappelant les propos tenus par Macky Sall lors d’un forum sur le financement de la santé, Dr Assane Diop souligne qu’il avait dit «qu’il ne sera plus désormais toléré que des médicaments frauduleux soient vendus dans ce pays». Le chef de l’Etat avait même reconnu que «c’est une fraude mortifère qui tue des milliers d’individus et nous ne pouvons plus rester sans agir».
Très remontés contre les autorités, les pharmaciens trouvent que c’est un acte de trop après l’affaire «Darou Mousty en 2017 avec la restitution de plusieurs tonnes de médicaments saisis et la libération des personnes interpellées». Et aussi «l’impuissance manifestée par l’autorité administrative de Taïf à faire appliquer la loi devant le seul dépôt de médicaments qui s’y trouve et qui exerce en toute illégalité, sans parler des nombreux procès et plaintes classés sans suite». Cette situation pousse les membres de cette organisation à s’interroger sur la volonté de l’Etat de mettre fin à ce trafic illicite et ses conséquences sur la santé des populations. «On se demande ce que veut vraiment l’Etat du Sénégal. Choisit-il de protéger la santé de sa population ou préfère-t-il l’exposer à l’action de ces vendeurs de la mort ? A-t-il pour ambition d’assainir le secteur du médicament ou décide-t-il de polluer le système sanitaire avec la hausse exponentielle des maladies liées à ce trafic», s’est demandé le secrétaire général du syndicat.
«La fermeture des points de vente illicite de médicaments»
Pour mettre fin à cette situation, le Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal exige «la fermeture définitive et sans délai de tous les dépôts illégaux de Touba qui constitue la plaque tournante de ce trafic». Ce, précise M. Diop, «du fait de l’impunité qui y règne». Il est exigé aussi «la fermeture des points de vente illicite de médicaments sur toute l’étendue du territoire sénégalais, la ratification sans délai de la convention Médicrime». Une convention qui oblige «les Etats signataires à ériger en infraction pénale la fabrication et le trafic de médicaments contrefaits et à durcir les sanctions».
dkane@lequtidien.sn