Ce matin, la vie a repris dans les hôpitaux après 24h de chaos et d’effroi. Si le mot d’ordre du Collectif des travailleurs de la santé et de l’action sociale (Ctsas), qui regroupe tous les agents, a été évidemment bien suivi, les patients ont vécu des situations invraisemblables. Il a fallu aussi des conciliabules pour éviter «une journée sans accouchement».Par Justin GOMIS

– La journée a été longue hier pour les malades. La grève générale des agents de la santé a provoqué la paralysie du système sanitaire. A l’hôpital Nabil Choucair, c’est le calme plat. L’ambiance tranche d’avec celle des jours ordinaires. En dehors de la pharmacie, aucun service n’est opérationnel. En dépit du mot d’ordre de grève, pourtant très relayé, les patients se sont rendus dans les établissements hospitaliers. Et ils l’ont appris à leurs dépens.
Tête entre les mains, un bébé de 2 ans au dos, Ndèye, habitant à Grand-Médine, est assise seule au service de la pédiatrie. Cette dame d’une trentaine d’années était venue pour faire vacciner son enfant. Mais, elle ignorait que l’hôpital observait un mot d’ordre de grave. «Je n’étais pas au courant de la grève. J’ai ouvert la porte, mais je n’ai vu personne. Je croyais le médecin sorti et qu’il ne tarderait pas à revenir», a-t-elle expliqué pour justifier sa présence continue sur les lieux. Elle est exaspérée par la récurrence des grèves des soignants. «Ils doivent penser aux gens et arrêter leur grève. Ça ne nous arrange pas», a-t-elle martelé.
Teint clair, une autre dame, venue aussi faire vacciner son bébé qu’elle portait dans ses bras, s’étonne aussi de la grève. «Qu’est-ce qui se passe», s’interroge-t-elle, en affichant sa surprise de voir les salles de consultation et de vaccination fermées et ce calme dans un endroit aussi bruyant que Nabil Choucair. «Je me suis donc déplacée pour rien. Je viens des Parcelles Assainies. Je voulais faire vacciner mon enfant. Au moins, ils devaient assurer le service minimum pour éviter aux gens de faire des déplacements inutiles», a-t-elle suggéré. Une autre femme trouvée dans le hall, bébé sur les genoux, était laissée à elle-même. «Cela fait longtemps que je suis là en train d’attendre. Mais je n’ai vu l’ombre d’aucun soignant», a-t-elle dit. D’ailleurs, il est difficile de trouver un interlocuteur pour expliquer cet arrêt des activités de l’établissement. Officiant à la place du Major absent, une dame qui a refusé de décliner son identité, n’a pas donné suite aux sollicitations des médias. «Je ne peux rien vous dire sur la grève. Les instructions viennent d’en haut. Il nous a été signifié ce matin (hier) que nous ne devons parler à personne de la grève», a-t-elle fait savoir. Le médecin-chef était aussi injoignable. Le vigile préposé devant son bureau avait, selon ses dires, reçu des instructions fermes de ne laisser personne y accéder.
La même consigne a été donnée aux agents de sécurité trouvés à l’Hôpital général Idrissa Pouye de Grand-Yoff. «Vous ne pouvez pas entrer sans l’autorisation de la hiérarchie. J’ai reçu ordre ce matin (hier) de ne pas laisser les journalistes entrer», glisse le chef de poste. A l’accueil, ce n’est pas non plus le rush des jours habituels. Seules quelques rares personnes étaient autorisées à entrer, mais seulement après avoir brandi un ticket ou un résultat d’analyse. «La grève est bien respectée dans cet hôpital», explique un agent sur le parvis de l’hôpital vide.

Conciliabules
Partout, c’est la même ambiance. A Fann, Dantec, c’est la même triste atmosphère, avec des patients qui n’ont pas pu bénéficier de soins. Hier, il a fallu aussi des conciliabules pour éviter une paralysie totale du système : les maternités et urgences ont néanmoins fonctionné. Même sans les sages-femmes, qui ont boudé les salles d’accouchement pour protester contre l’emprisonnement de quatre des leurs pour non-assistance à personne en danger après le décès tragique de Mme Astou Sokhna à l’Hôpital régional de Louga.
Le Collectif des travailleurs de la santé et de l’action sociale, qui regroupe, entre autres, le Sames, le Syndicat des travailleurs de la santé, le Syndicat autonome de la santé, le Syndicat des travailleurs de la santé des collectivités locales, l’Association nationale des sages-femmes d’Etat du Sénégal, dénonce l’attitude des autorités depuis l’éclatement de cette affaire. Selon lui, au lieu de mener «des enquêtes impartiales» et de prendre des «mesures conservatoires», elles ont tenu «le personnel de santé coupable de négligence».
justin@lequotidien.com