Grève des travailleurs de la Justice : Le paradoxe en droit social ?

L’apparence est trompeuse, à la lumière que présente l’événement [la grève] enclenché et suivi en général, par les salariés, dans les tribunaux du Sénégal. Dans cette circonstance, le Sénégalais lambda ne peut se rendre à l’évidence qu’une telle situation puisse se produire dans de tels lieux. Parce qu’en principe : et la Constitution, et les codes du Travail, et les conventions nationales, voire les conventions internationales ratifiées par le Sénégal, obligent l’Etat à s’y conformer.
En raison que «le Peuple du Sénégal, souverain, profondément attaché à ses valeurs culturelles fondamentales qui constituent le ciment de l’unité nationale, […] considère que la Constitution nationale repose sur la liberté individuelle et le respect de la personne humaine, sources de créativité», et que ladite Constitution… «affirme son adhésion à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789».
En raison également que «le droit de grève est reconnu. Il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent. Il ne peut en aucun cas ni porter atteinte à la liberté de travail ni mettre l’entreprise en péril». Ainsi, la question particulière est de savoir si les acteurs de ces débrayages ont respecté les procédures réglementaires.
A cet effet, il s’agit de deux entités sociales. D’une part, le Syndicat des travailleurs de la justice (Sytsust) et, d’autre part, l’Union nationale des travailleurs de la justice (Untj). Que donc, dans un pareil environnement, les textes d’application sont déterminants et prédisent que «chacun a le droit de travailler et le droit de prétendre à un emploi. Nul ne peut être lésé dans son travail».
Autrement dit, les revendications portent sur : l’alignement de tous les greffiers à la hiérarchie A2 et le reclassement des fonctionnaires des hiérarchies B/C. Et sous ce rapport, le ministre de la Fonction publique, dans une démarche excessive, inerte et inexperte, s’est employé à remettre en cause les préoccupations des travailleurs-salariés. Un comportement gravissime de la part d’une telle autorité. En ce sens qu’il est un membre du gouvernement, à la tête d’un département, en raison de sa personnalité et l’importance de son portefeuille. Il demeure donc, en permanence, en mission commandée. Il doit pouvoir réfléchir de concert et de manière diligente avec son homologue du Travail, de l’emploi et des relations avec les institutions d’abord, et ensuite, s’attacher les services compétents de son Premier ministre dans la mesure du possible, avant d’agir n’importe comment. D’ailleurs, il ne s’agit pas de justificatifs à soulever, encore moins de complicité de complaisance et de solidarité à l’égard d’une tutelle, face au monde du travail.
En raison que le droit social ressemble bien à la vague d’une mer qu’aucune personne, seule, ne peut arrêter avec ses bras. Et que sur les points soulevés : lesdits syndicats sont-ils en phase avec leur convention collective professionnelle de base ? Et s’il n’existe pas de convention, à quelle convention faut-il se référer et sur laquelle s’appuyer ? Sont-ils dans leur droit et dans leur légitimité ? Qu’en disent les jurisprudences ? Comment faut-il désamorcer la bombe entre les mains d’un nouveau pouvoir, dans l’isolement absolu ?
En raison que dans cette affaire-ci, comme dans toutes les autres (le bâtiment, le port, les entreprises de presse, etc.), en termes de patates chaudes, les responsables désignés au plus haut niveau doivent savoir raison garder. Ils ne doivent aucunement attiser le feu à cause de leur déficit d’expérience. Il s’agit d’une République !
Attendu que les autorités nouvellement élues doivent se rendre compte que l’innovation consiste à prévoir que les droits et devoirs sont sacrés pour le citoyen sénégalais ; et qu’en plus, ils ne sont uniquement pas profitables à l’endroit du seul citoyen d’un parti, fût-il le parti au pouvoir. De toute évidence, cette intervention du ministre de la Fonction publique porte préjudice aux justiciables et met mal à l’aise le citoyen sénégalais ; elle ne saurait être la bonne démarche pour résoudre une telle situation difficile. Et pour cette raison, je soutiens, en toute solidarité, l’association des deux entités syndicales, aux fins de préserver les acquis sociaux dans une République organisée et au plan syndical.
Attendu qu’en termes de principe : «A égalité de travail, égalité de salaire» ne s’explique qu’aux travailleurs d’une même entreprise placés sous un statut conventionnel ou réglementaire identique : C.S n°29 du 6 juillet 1966, Rec. Législ. Jurispr. 1966, C.S page 76 du 8 décembre 1971, Aserj, 1971 n°4, page 93.»
En raison qu’il y a bien lieu d’asseoir des projets de société qui soient en adéquation avec les aspirations des masses laborieuses et des salariés-travailleurs, tout en prenant en compte et les entreprises et les investisseurs à la fois. Que cette approche-là demeure en phase avec les analyses d’un ancien ministre qui énonçait dans un de ces rapports : «Ce sont ces politiques qui donnent son sens véritable au concept du Péncoo en tant que réalité économique et sociale : des politiques de partage des fruits de la croissance avec tous les citoyens, les urbains comme les ruraux, les nantis comme les vulnérables, les valides comme les handicapés. C’est dans de telles dynamiques que l’on peut assurer un développement inclusif, soucieux de faire participer tous les citoyens à la production et à la distribution des richesses en vue de construire une Nation sénégalaise plus démocratique, plus prospère, plus juste et qui marche vigoureusement vers la conquête de sa souveraineté véritable.» C’est tout le sens de cette grève.
Ibrahima Khalil MENDY
Sg Syntips/Cnts
& President du Mouvement
des Permanents Cnts