La mise en exploitation du zircon autour de Diogo a donné lieu, en son temps, à une guerre ouverte entre Grande Côte opération (Gco), la filiale d’Eramet, et les populations impactées. A Loumpoul où la mine doit migrer en 2024, Gco avance avec moins de bruit. La société mène une véritable campagne de communication qui met en avant l’absence d’impacts environnementaux de la mine qui compte même se doter d’une grande centrale solaire pour assurer ses besoins énergétiques. Guillaume Kurek, qui participait au Festival du Sahel à Lompoul, assure que l’impact de la société se mesure plutôt en termes d’activités et non sur l’environnement.

Vous avez sponsorisé le Festival du Sahel qui était en pause depuis 7 ans. Pourquoi ?
C’est un festival qui regroupe beaucoup d’artistes, qui se trouve à proximité de notre activité. Nous avons été sollicités et c’est naturel pour nous de répondre présent, de pouvoir permettre cette reprise forte après cette période du Covid-19. Je crois que c’est une vraie réussite, et ça fait plaisir pour nous d’être partenaires du festival. D’autant que l’on sait qu’il y aura forcément un déplacement géographique du festival pendant quelques années. C’était important pour nous de montrer que le partenariat pouvait être fort, transparent, affirmé, sans gêne.

La prochaine édition du festival ne sera donc pas sur ce site-ci ?
Gco, depuis maintenant quelques années, a une concession minière délivrée par l’Etat du Sénégal qui nous a fait confiance pour valoriser une ressource naturelle importante, le zircon. De ce fait, depuis 2014, nous sommes en activité avec une mine qui est nomade, qui se déplace et qui, en 2023, va entrer dans la région de Louga. Et en 2024, va entrer dans la commune de Lompoul et les trois villages qui la composent. Ce faisant, il va y avoir un arrêt de l’activité touristique. Et ce qu’on souhaite, c’est une préservation de l’activité économique sur la zone de Lompoul. On est déjà en train de travailler avec les autorités et les populations pour permettre le maintien d’une activité qui ne sera forcément pas celle liée au tourisme présentement sur le site. En revanche, on travaille au développement d’une activité du même type à quelques kilomètres d’ici. On parle de 5 à 10 km, donc très proche pour maintenir la destination Lompoul qui est importante pour le Sénégal. Pour cela, on est en train de travailler avec les autorités, les administrations compétentes en matière de développement touristique, à la mise en place d’un projet diffèrent. Mais en même temps, avec beaucoup d’humilité, la volonté de Gco, c’est d’assumer les impacts de son activité et de transformer ces impacts en opportunité. C’est un peu prématuré d’en parler mais c’est un projet qui permettra d’accueillir dans 12 mois, le prochain Festival du Sahel et on sera partenaire.

Et que vont devenir les exploitants qui sont sur le site ?
On a, depuis de nombreux mois, engagé des démarches sous l’égide du Gouverneur de Louga, avec l’aide de différentes autorités pour la mise en place d’une commission technique de recensement de l’ensemble des emplois, patrimoines, activités, chiffres d’affaires réalisés. Evidemment, un dédommagement va être mis en place. Pour nous, ce n’est pas la partie la plus essentielle. Le fait de dédommager, c’est une obligation. Et on va y répondre, mais on souhaite proposer plus qu’un dédommagement. Proposer un maintien d’activités, d’autres types d’activités aussi. C’est pour ça qu’on a en ce moment, une enquête sociale qui est en cours sur la zone de Lompoul pour regarder là où il y a des énergies, des potentiels que l’on pourra soutenir de manière inclusive. On n’arrivera avec aucune solution toute faite. Que notre arrivée soit ressentie comme un catalyseur de soutien, de développement, de projets. C’est comme ça qu’on souhaite être vus, ce sont nos valeurs.

Mais vous faites quand même face à des oppositions. Des villages qui doivent être déplacés ne sont pas d’accord. Que va-t-il se passer ?
Souvent ce type d’opposition est lié à la méconnaissance. Chez les populations avec lesquelles on est en proximité, cette barrière est complément tombée. Ce sont des choses qui font partie de notre quotidien que de discuter avec les populations et leur proposer de nouvelles conditions de relocalisation, avec de nouvelles maisons et des conditions améliorées, de l’eau, de l’électricité, des installations communautaires, des écoles, des centres de santé, des améliorations par rapport à leur situation précédente. Et à chaque fois, on fait face à cette opposition préalable. Mais on ouvre nos portes, on essaie de démontrer, d’exposer ce qu’est le projet Gco qui existe depuis maintenant près de 7 ans en termes d’activités, et d’être dans une co-construction, ensemble avec les communautés. Souvent quand les démarches sont mises en place, les éventuelles tensions ou les difficultés tombent parce qu’on devient partenaires et on essaie de construire quelque chose de positif ensemble.

A Diogo, c’était quand même assez chaud avec les populations. Mais ici à Lompoul, vous semblez avoir développé une expertise pour mieux dialoguer avec les communautés…
A Diogo, c’était chaud quand on ne se connaissait pas encore, quand il y avait des doutes, quand on essayait de comprendre ce qu’était Gco, comment Gco allait réhabiliter les terrains qui étaient exploités. Aujourd’hui, tout le monde a conscience que les terrains réhabilités avaient une biodiversité, une amélioration en termes d’espèces choisies par les populations. On nous a demandé des anacardiers, on a planté des anacardiers pour permettre le développement. On a effectivement un a priori qui est sans doute un peu meilleur aujourd’hui. Et on veut vraiment, en toute humilité, être en proximité, communiquer et expliquer.

Et comment vous gérez les inconvénients pendant la phase d’exploitation ?
Il n’y a pas de pollution. On a une exploitation minière assez particulière. C’est un lac artificiel qui avance d’une quarantaine de mètres tous les jours. C’est un pompage du sable, mais 99% du sable sont rejetés immédiatement à l’arrière de notre activité. Quelques mois plus tard, les rejets sont séchés et remodelés pour être dans la topographie, la forme exacte qui est celle dans laquelle on les a trouvés. Puis on attaque la réhabilitation, la replantation ou autres. On n’a vraiment pas un impact en termes d’environnement. On a un impact en termes d’activités. On est une société avec 1700 emplois, avec des attentes de l’ordre de personnes qui veulent être embauchées, de personnes qui veulent des intérims, du soutien. On arrive en tant qu’industriels, dans un environnement dans lequel on va avoir beaucoup de sollicitations et il faut qu’on soit prêts à y répondre. Avec une capacité qui est aussi limitée, on ne peut pas apporter de réponses positives à tout le monde. Ça peut générer des difficultés. Mais il n’y a pas d’autre impact négatif.

Vous n’êtes pas en concurrence en ce qui concerne l’usage de l’eau ?
Pas du tout. Notre exploitation se fait sur une concession minière d’une centaine de kilomètres entre le nord du Lac Rose et le sud de Saint-Louis. Sur une zone de 15 km de large. Les premiers kilomètres qui sont sur le littoral ne sont pas touchés par notre activité. Les kilomètres qui sont à l’est, sur le cordon des Niayes, ne sont pas du tout touchés par notre activité. Nous n’impactons pas du tout l’activité maraichère des Niayes. Nous sommes logés entre les deux, entre le bleu et le vert des Niayes et nous, on exploite le jaune des dunes. C’est très bien imbriqué et il n’y pas d’impact. Ça a été montré sur la zone de Diogo. On a beaucoup de pompage pour mettre en place le lac, mais la totalisé de l’eau du lac est recyclée et les appoints qui sont faits, le sont dans une nappe profonde qui n’est pas du tout celle utilisée pour le maraîchage qui se fait sur la nappe superficielle et qui continue d’être disponible. On n’arrive pas forcément à pomper à 100% et une partie se retrouve dans la nappe superficielle à la disposition de ceux qui font du maraîchage à proximité.

Les impactés directs, ce sont peut-être les hôteliers, mais il y a les femmes qui sont au village et qui vendent des objets artisanaux. Que vont-elles devenir ?
J’ai passé toute la matinée à leur contact pour essayer de voir comment elles étaient organisées, combien elles étaient. L’enquête de terrain, qui est en cours, essaie de bien évaluer cet impact pour qu’on puisse voir, comment, soit à travers de nouvelles activités, soit au travers d’autres types d’activités, on va pouvoir préserver leur activité.

L’exploitation effective est prévue pour quelle période ?
L’arrêt des camps du désert de Lompoul est conditionné à des périodes touristiques qui vont d’octobre à octobre. Les camps vont s’arrêter en octobre 2023, un petit peu avant l’arrivée de la mine. Notre arrivée physique se fera plus tôt en début 2024, environ 6 mois plus tard.

A Diogo, quelques dizaines d’hectares ont déjà été réhabilités. Le reste de la mine le sera aussi ?
C’est une obligation à la fois du gouvernement du Sénégal, de notre concession minière, du Groupe Eramet. Chaque hectare, chaque mètre carré défriché, doit être réhabilité.

Et les collectivités locales ? Que reçoivent-elles ?
On a eu l’occasion d’accueillir des gens de Diokoul, Dieuwrigne, Thieppe et Kab Guèye pour leur montrer comment se faisait notre fonctionnement.
Nous avons mis en place des réunions mensuelles qui ont permis de changer la façon de voir Gco pour toutes les personnes qui ont participé. De nouvelles réunions vont se tenir fin novembre pour venir au contact des populations, répondre à l’ensemble de leurs préoccupations, interrogations et prendre en compte des choses qu’on a, peut-être pas, pris en compte dans le projet.