L’Afrique francophone, ce vaste pré-carré français, est aujourd’hui en déliquescence. Voilà une partie du continent africain où les citoyens ne sont que l’ombre d’eux-mêmes, sans espoir, car la quasi-totalité de leurs chefs d’Etat, ministres et autres directeurs généraux sont coupés des réalités de leurs Peuples. Ils sont déconnectés, comme on dit aujourd’hui. Ils sont souvent binationaux, car ils sont Français et Sénégalais, ou Français et Togolais, Français et Ivoiriens, etc.
Cette réalité est devenue tellement préoccupante qu’on ne sait plus s’ils défendent les intérêts de leur propre pays ou ceux de la métropole. Ils s’entêtent même à conserver une monnaie coloniale nuisible, en dépit de tous les éclairages apportés ces derniers temps par des économistes de renom. Le F Cfa est en effet une monnaie que les Africains francophones de cette zone n’ont jamais contrôlée et ne contrôleront jamais. Cela donne l’image d’un esclave qui veut rester enchaîné à son maître. Plus dramatique, nos soi-disant intellectuels sont de véritables Robin des bois à l’envers. Ils se targuent de leurs savoirs acquis en Occident, exhibent leurs diplômes bidons obtenus à la Sorbonne, comme des trophées et qui, paradoxe, ne créent aucune richesse, n’ont aucune valeur ajoutée pour le Peuple africain, parce qu’ils ne créent pas la richesse. Agrégation en grammaire, doctorat en littérature française ? Que trouve-t-on à la lecture des titres de leur thèse ? De la médiocrité et de la pitié. Que peut changer une telle agrégation ou un tel doctorat dans le régime alimentaire d’un enfant sénégalais de la rue, dans la situation devenue criarde de l’absence d’emploi pour les jeunes diplômés francophones d’Afrique ou devant l’extrême pauvreté d’une plus grande partie de nos compatriotes ? Rien d’autre qu’une élite nocive et aliénée, qui ne sera jamais en mesure d’extirper nos pays du gouffre du Cfa.
Alors, ce franc Cfa, cette monnaie pour colonies françaises d’Afrique, a été, est et sera toujours inutile. Parce qu’en contrepartie de sa convertibilité garantie par la France, les banques centrales africaines s’engagent à déposer 50% de leurs réserves de change auprès du Trésor français sur des comptes portant le doux nom de «Comp­tes d’opérations». Cela n’est rien d’autre que du vol pur et simple ou alors de la prédation à l’état pur. La moitié des avoirs exté­rieurs de nos pays est déposée annuellement dans un compte à l’étranger… Consé­quence : les citoyens africains francophones n’ont pas accès aux services publics monétaires et donc, avec quoi comptent-ils développer leurs pays ?
Tout l’argent qui nous revient de droit va en France pour entretenir les chômeurs français, les assistés, les handicapés. Une telle politique n’encourage-t-elle pas la ruée des jeunes vers l’Europe, via les océans, avec des milliers de morts comme certitude ? Ces jeunes Africains, se trouvant dans le désespoir le plus total, ont-ils une alternative autre que celle de pourchasser les voleurs et donc de suivre leur argent spolié par les Français ? Les réserves extérieures de ces pays-là avoisineraient les 14 milliards de dollars rémunérés au taux marginal, c’est-à-dire que les Africains financent une partie du budget français. Donc, plus simplement, l’argent appartient aux Africains et les intérêts qui en proviennent sont pour la France. C’est cela qui explique le refus par nos décideurs, les chefs d’Etat en tête, d’avancer d’un seul pas, d’émerger, pour utiliser l’expression consacrée. Si en plus la France ferme la porte aux Africains, alors ils rodent comme des corbeaux autour des consulats ou des ambassades de France et même des cadres supérieurs y sont dénombrés comme de vulgaires mendiants.
Le mal est trop profond et les Peuples africains francophones doivent se lever comme un seul homme pour y faire face, car trop, c’est trop ! Kémi Séba, au-delà du billet de 5 000 F brûlé, n’a-t-il pas raison de se révolter ? Excel­lences, Messieurs les Présidents africains francophones de la zone Cfa, réveillez-vous avant que vos Peuples ne le fassent brutalement à vos dépens !
Papa Moustapha GUEYE
Inspecteur de l’Education et de la Formation
Citoyen de la République