Je n’ai cessé de dire que nous avons des problèmes avec l’Etat de Droit, la démocratie et les droits de l’Homme. Même quand la loi sur le loyer a été votée à l’Assemblée, les bailleurs et agences immobilières en ont fait fi, défiant ainsi l’autorité. De même, aucun d’entre nous ne prend la peine de respecter les lois. Or, quand dans une communauté, on transgresse les lois et normes qui organisent la vie en groupe, on balise le chemin qui mène tout droit à la jungle. Et, pour parler comme l’autre, on s’achemine vers l’anarchie, «la guerre de tous contre tous». Je regrette de constater que l’être humain a moins de valeur que le papier avec lequel on vend des cacahuètes, vu la tournure que prend la gestion des remous politiques dans notre pays.
Après que deux filles sont mortes calcinées dans un bus Tata, en geignant opiniâtrement, le Président se permet de nous dire qu’il faut une loi d’amnistie pour passer l’éponge sur le premier attentat terroriste perpétré dans notre pays. Je rappelle que le terroriste n’est pas toujours celui qui est enturbanné et qui tue en psalmodiant des versets du Coran. Mais, le terroriste peut agir au nom d’un radicalisme politique et de réflexes bestiaux. Comment penser pardonner à des gens qui ont posé un acte des plus ignominieux qui soit, en laissant mourir dans le feu des êtres innocents qui n’ont encore goûté à aucun délice de la vie. Mourir sur son lit d’hôpital entouré de blouses blanches et de ses parents n’est pas pénible, mais mourir en sentant son corps dévoré par des flammes incandescentes, mourir en reconnaissant qu’on est victime d’un acte lâche, mourir en voyant ses bourreaux jubiler, mourir en se disant que l’on meurt non pas de Dieu ni de la maladie, mais d’hommes monstres, une telle mort afflige, révolte. C’est de cette mort que sont victimes les deux filles.
Notre Etat, taxé de liberticide, cherche à banaliser la mort s’il fait passer cette loi d’amnistie. Telle l’âme de Polynice, celle de ces deux sœurs risque de planer au-dessus de nos têtes, d’entraîner le courroux des esprits et des ancêtres qui se sont battus pour que la justice et l’égalité règnent. Le crime de sang se répare par le sang ou par la prison à vie, et non par des deals politiques. Non, ces deux victimes comme tant d’autres ne méritent pas d’être sacrifiées sur l’autel des réajustements et compromis politiques.
Le député qui vote cette loi est devant Victor Hugo, l’alors parlementaire en France, ce que la boue représente devant l’or. Le vote de cette loi est un précédent dangereux dans notre pays. Il fera penser à tous, qu’au nom de l’action politique, on peut se permettre de décimer tout un village, et dès que le rapport des forces est un peu favorable au camp du bourreau, les lueurs de salut et d’espoir se dessinent.
El Hadj Ibrahima MBOUP
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