HCJ – Placé sous mandat de dépôt : MANSOUR, LA CHUTE – L’ancien ministre inculpé pour 2,7 milliards

Mansour Faye a été placé sous mandat de dépôt hier pour détournement de deniers publics, d’association de malfaiteurs, de concussion, de corruption, de prise illégale d’intérêt, entre autres, pour 2, 749 milliards de F Cfa. Ses avocats sont passablement agacés par cette décision, après avoir déposé une «requête aux fins de contestations sérieuses» devant la Commission d’instruction. Par Bocar SAKHO –
3/5 : après Sophie Gladima et Moustapha Diop, Mansour Faye a été envoyé en prison par la Commission d’instruction près la Haute-cour de Justice, hier. Elle vient ainsi d’épuiser la liste des 5 ministres poursuivis par la haute juridiction dans le cadre du traitement du rapport de la Cour des comptes sur les fonds Covid-19 et d’un dossier de corruption reproché à Ismaïla Madior Fall, placé sous bracelet électronique, et Ndèye Sali Diop, sous contrôle judiciaire sans porter cet instrument juridique de géolocalisation.
Sans doute, pour Amadou Mansour Faye, c’est l’épilogue auquel il s’attendait depuis l’ouverture de cette affaire ? L’ancien ministre du Développement communautaire, de l’équité sociale et territoriale a été écroué pour des faits supposés de surfacturation sur une commande de riz, estimée à 2, 749 milliards de F Cfa. Face aux magistrats et assisté de son pool d’avocats, l’ancien ministre des Transports sous Macky Sall a contesté les faits à lui reprochés. Comme il le fait depuis le début des poursuites en dénonçant une procédure biaisée.
Et ses conseils ont plaidé pour sa mise en liberté provisoire, mais le juge s’y est opposé lui ouvrant la porte de Rebeuss, après sa mise en accusation pour des faits de détournement de deniers publics, d’association de malfaiteurs, de concussion, de corruption, de prise illégale d’intérêt, de faux et usage de faux en écritures privées de commerce ou de banque, de détournement de deniers publics, de blanchiment de capitaux et de complicité de ces chefs. Me Oumar Youm est abasourdi par la tournure des évènements : «La Commission d’instruction de la Haute-cour de Justice au palais de Justice Lat Dior a estimé devoir l’inculper et le placer sous mandat de dépôt. Nous regrettons vraiment cela. Nous avons plaidé les contestations sérieuses. Nous avons soulevé une exception d’inconstitutionnalité. Nous avons offert de cautionner…»
Requête aux fins de contestation sans succès !
Après l’acte posé par la Commission d’instruction près la Haute-cour de Justice, les avocats de l’ancien ministre Mansour Faye n’ont pas caché leur déception : «Ce qui lui a été reproché, c’est d’avoir fait attribuer, dans le cadre de la résilience économique et sociale contre la pandémie du Covid-19, un marché de riz et d’y avoir opéré une surfacturation. Nous avons démontré devant la commission que M. Amadou Mansour Faye n’était pas membre de la commission d’attribution des marchés. En effet, c’est une commission dont la composition est fixée par un arrêté du ministère des Finances dans le respect strict du Code des marchés. Et elle s’est réunie en appliquant des prix de l’époque, confirmés par le ministère du Commerce. Et nous avons prouvé qu’il n’est point concerné ni dans l’attribution de marchés ni dans la distribution», explique Me Amadou Sall. Il poursuit : «C’est un appel d’offres qui a été lancé et 30 soumissionnaires se sont signalés. Mansour Faye est victime de commande politique. C’est une cible politique et ils ont tenté d’atteindre ses autres proches avant de s’acharner sur lui.»
Hier, Mes El Hadji Amadou Sall, El Hadji Moustapha Diouf, El Hadji Omar Youm, Antoine Mbengue, Aboubakry Deh, Adama Fall, Ousmane Thiam, Ramatoulaye Ba, ont déposé une «requête aux fins de contestations sérieuses» devant la Commission d’instruction. Ils rappellent que le ministère du Développement communautaire et de l’équité sociale et territoriale était chargé de la composante «Appuis Alimentaires» et devait à ce titre acquérir des denrées alimentaires destinées à 1 million 100 mille ménage avec du riz estimé 110 millions kg en conditionnement de sacs de 50 kg, de l’huile pour 11 millions de litres en bidons de 05 ou 10 L, de sucre, de pâtes alimentaires, de savon ordinaire. Pour ses avocats, le marché a été passé à la suite d’un appel d’offres ouvert en procédure d’urgence avec le soutien et le conseil de l’Armp, non sans au préalable consulter par email le ministre du Commerce sur les prix du marché pour les denrées à acquérir. Selon ses conseils, «les poursuites manquent de base légale dans la mesure où Monsieur Amadou Mansour Faye, ministre à l’époque, n’avait pas qualité d’ordonnateur des crédits au regard de la règlementation budgétaire». En tout cas, les avocats assurent qu’il existe de «sérieuses contestations à la fois factuelles et juridiques, suffisamment motivées par les pièces objectives annexées à la présente requête, et par le principe sacro-saint qui est de rigueur en Droit pénal et selon lequel, la responsabilité pénale est individuelle et personnelle». Après avoir demandé la liberté provisoire, ils assurent surtout que «sa mise en liberté ne présente aucun risque de trouble à l’ordre public et aucun risque de collision ou d’entente entre témoins et acteurs, les enquêtes étant déjà effectuées par la police et le juge d’instruction saisi». Dans leurs plaidoiries, les conseils du maire de Saint-Louis ont rappelé que le Rapport Force Covid établi par la Cour des comptes, fondement à l’accusation, n’a démontré ni offert de démontrer l’usage de fausses pièces quelconques ou de manœuvres frauduleuses pouvant étayer l’infraction d’escroquerie. Qu’il a formulé des recommandations de «poursuites judiciaires à l’encontre du Dage Aliou Sow», car «rien dans l’attitude ou des agissements de Amadou Mansour Faye n’a permis de révéler des indices graves et concordants allant dans le sens d’asseoir l’infraction d’escroquerie ; d’autant plus que les pièces comptables qui ont présidé au décaissement par le ministère des Finances n’ont à ce jour été arguées de fausses». Par ailleurs, ils ont estimé que «le requérant offre de sérieuses garanties de représentation, car il est régulièrement domicilié à Saint-Louis dont il est le maire et ne s’est jamais opposé, encore moins n’a entravé la marche de la Justice» et «entend collaborer à la manifestation de la vérité judiciaire». Et le juge n’a pas été convaincu par cette plaidoirie….
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