Hommage à El Hadji Malick Sy «Souris»

Lui aussi… Après Lamine Diack, un bienfaiteur de l’Association d’entraide des anciens footballeurs, son président, El Hadji Malick Sy «Souris», vient de nous quitter. Seigneur ! Ils sont tous partis. Tous ou presque. Moustapha Dieng, Matar Niang, Pape Diop, Bocandé, Baye Moussé Paye, Cheikh Thioune, Youssoupha Ndiaye, Pape Bouba Diop, Joseph Koto… Certains à la fleur de l’âge. Matar Niang à 35 ans ! Trop tôt. Oh ! Pardon Seigneur ! On ne part ni trop tôt ni trop tard, chacun part à son heure.
Matar, son physique et son élégance, il les tenait de sa mère. Quand je la rencontrais, en pensant à lui, j’avais les larmes aux yeux. El Hadi Malick Sy «Souris», un homme intelligent, un surdoué. Un méconnu peut-être aussi. L’homme fut discret, humble, presque effacé. Un homme pieux, aimant lire le Coran, généreux, au discours pondéré, la loyauté en bandoulière.
Après avoir été un pilier de l’équipe de la Jeanne d’Arc, vainqueur du Tournoi de l’Amitié en 1963 avec l’Equipe nationale, en tant que joueur, il fait partie de ceux qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire du football sénégalais. Celui que l’on a surnommé le «Père de la génération 2002» a marqué d’une empreinte indélébile l’histoire du football dans notre pays. Il fut à l’origine, en tant que président de la Fédération sénégalaise de football, de la venue de Bruno Metsu au Sénégal. On s’en souvient ; après un match contre le Maroc en 2000 ou 2001, il disait : «Nous avons une grande équipe en devenir. Bruno et moi, nous savons ce qui manque à cette équipe, nous irons le chercher.» Visiblement ils l’avaient trouvé à l’époque, la preuve par les résultats de l’Equipe nationale en 2001-2002.
A l’issue de la Coupe du monde 2002, en Asie, où l’équipe du Sénégal a atteint les quarts de finale, un journaliste étranger titrait : «Cette année, la Coupe du monde était à la portée de l’Afrique.» El Hadji Malick Sy «Souris» aura vu son rêve se réaliser : l’Equipe nationale de football vient de remporter la Coupe d’Afrique des nations. Voilà pour le sportif.
«Souris» fut délégué à la réforme du secteur parapublic, ministre du Tourisme, Directeur général des Postes et télécommunications, président du Conseil d’administration du Port autonome de Dakar. Il aurait pu être élevé aux plus hautes dignités de la République. L’humilité, une vertu qui a peut-être parfois ses inconvénients. Il fut l’auteur d’un ouvrage, «Pour un nouveau modèle économique». Dans la préface de ce livre, Ousmane Seck, ancien ministre de l’Economie et des finances, disait : «Ce livre est l’ouvrage de tout le monde, les gouvernants, les étudiants, les praticiens de l’économie et des finances et, enfin, de ceux qui, nombreux dans notre pays, sont en quête de science et de savoir.»
«Souris» est resté l’ami des sportifs. Il créa le Case, Collège africain de sport et études. La nuit de Laylatoul Khadre, il ouvrait les portes de cet établissement pour organiser, en compagnie des membres de l’Association d’entraide des anciens footballeurs et de l’imam Saliou Dia, une veillée de prières en mémoire de ceux qui nous ont quittés. Quand l’aube apparaissait, il recommandait de prier pour le retour de Lamine Diack au sein de sa famille. Les membres de cette association lui ont proposé, à plusieurs reprises, d’organiser un «Thiante» ou «Sargal» en son honneur. Il n’en a jamais voulu.
Le 9 décembre dernier, il dédicaçait son autobiographie avec pour titre : «Un homme Arc en Ciel au service de son Peuple.» Il aurait pu écrire : «Un homme multidimensionnel.» A l’issue de la cérémonie qui a eu lieu au Musée des civilisations noires, il a pris la parole pour remercier l’assistance, venue nombreuse. Au milieu de son allocution, gagné par l’émotion, il a fondu en larmes. Faisant pleurer les membres de sa famille.
El Hadji Malick Sy «Souris» est parti. La levée du corps a eu lieu à la Zawiya El Hadji Malick Sy. Zawiya El Hadji Malick Sy, parce que le Grand Maodo a longtemps vécu à quelques mètres de là, dans le même édifice. Après son départ pour Tivaouane, l’aïeul a demandé que le local où il vivait fût laissé inoccupé et la porte qui lui donnait accès à la Zawiya, fermée à jamais…en souvenir du saint homme.
«Souris» nous a quittés. Quelqu’un a dit : «Dieu, pourquoi la mort ?». Je dirais : «Pourquoi la vie ?» Nous sourions aujourd’hui pour pleurer demain. De désillusions en désillusions, de souffrance en souffrance, de deuils en deuils, la vie est une longue chaîne de douleur. Edouard Bertoni a dit : «La terre est peut-être l’enfer d’une autre planète.» Edgar Morin écrivait : «Pour nous vivants, la vie semble évidente et normale et la mort nous semble étonnante et incroyable. Mais si nous nous plaçons d’un certain point de vue, c’est la vie qui devient étonnante et incroyable alors que la mort n’est que le retour de nos atomes et molécules à leur existence physique normale.»
El Hadji Malick Sy «Souris» s’est éteint le dernier vendredi du mois béni de «Rajab». Victor Hugo a écrit : «Ce que nous prenons pour un terme est peut-être un commencement. Le malheur, c’est la vie ! Les morts ne souffrent plus ! Ils sont heureux. J’envie leur fosse où l’herbe pousse, où s’effeuillent les bois car la nuit les caresse, car le ciel rayonnant calme toutes les âmes dans tous les tombeaux à la fois.»
«Souris» laisse un grand vide au cœur de sa famille bien sûr, de l’Association d’entraide des anciens footballeurs et de son inséparable compagnon, Dame Guèye.
Seigneur, accueille-le dans ton Paradis éternel.
Adieu El Hadji Malick Sy
Amadou Dial SENE
Médina