L’école doit être mise à contribution pour entretenir la mémoire des citoyens «exceptionnels», pour que le Sénégal continue de rester «grand et beau, très beau même», alors que le pays «se vide des meilleurs de ses enfants», estime le poète sénégalais, Amadou Lamine Sall. «Le Sénégal, chaque jour, se vide des meilleurs de ses enfants, ceux qui ont su lui donner, entre les années 70 et 90, un relief et une présence nationale et internationale jamais égalée», a-t-il écrit sur son compte Facebook en réagissant au décès, mardi à Dakar, du metteur en scène sénégalais, Jean-Pierre Leurs, à l’âge de 78 ans. «L’art et la mise en scène sénégalais et africains sont en deuil», affirme M. Sall en parlant de Jean-Pierre Leurs, diplômé de l’Ecole des beaux-arts de Dakar (section art dramatique) et recruté au Théâtre national Daniel-Sorano en 1968, comme comédien, par Maurice Sonar Senghor, le premier directeur de ce temple de la culture créé par le Président Léopold Sédar Senghor. Avec le décès de Jean-Pierre Leurs, le Théâtre national Daniel-Sorano «perd un de ses mentors, comme hier feu Douta Seck, feu Doura Mané, feu Omar Seck l’éblouissant, feue Issa Niang, si belle (…), Assi Dieng, orageuse, Marie Augustine Diatta, si fine, Coly Mbaye et d’autres», hommes et femmes de culture illustres.
Des «enfants de l’oxygène et de la haute créativité ne doivent pas être oubliés», estime Amadou Lamine Sall. Et d’ajouter : «Il nous reste quelques hommes vivants sur lesquels nous devons veiller, dont Seyba Traoré, El Hadji Sy, Pape Faye.» «Avec cette douloureuse disparition de Jean-Pierre Leurs qui a toujours veillé sur moi et mon art, mes prières vont à d’autres absents de légende : Edge Diop, toujours ivre d’élégance. Lucien et Jacqueline Lemoine, des champs infinis de connaissance et de culture, Jean-François Brierre, le poète des orages, pour ne citer que ceux dont ma mémoire faillible côtoie encore le visage. Le temps est cruel. L’oubli cruel», insiste-t-il. «Il y a si peu encore, nous portions sous terre notre inoubliable Ousmane Sow Huchard : un nectar. Aujourd’hui, c’est Jean-Pierre Leurs, un divin metteur en scène. Tout ce qu’il touchait devenait de l’or, même les textes les plus chétifs, les moins nobles. Il était un maître ! Presque un sorcier», rappelle M. Sall. Amadou Lamine Sall ajoute : «Ce pays a été grand et beau, très beau. Il faut qu’il le reste. Nous devons veiller sur lui, l’aimer, le chérir et combattre tous ceux qui le cambriolent et l’humilient. Ne rebroussons pas chemin. Avançons ensemble dans la grandeur et le généreux héritage laissés par ceux qui, avant nous, ont bâti ce pays.» Selon le poète, il est «des femmes et des hommes à qui ce pays doit des souvenirs».
«Nous devons confier aux enfants du Sénégal et d’Afrique de demain les noms de femmes et d’hommes exceptionnels, pour que les cimetières ne se taisent pas. Il faut toujours se souvenir des meilleurs et des bons. Pour cela, il n’existe que l’école et nos manuels scolaires. Ils sont les meilleurs gardiens des tombeaux», conclut M. Sall.
Aps