Le rond-point de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) a changé de visage avec l’érection d’une statue dédiée à son parrain. C’est l’ex-Dg du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), Abdoulaye Saïdou Sow, qui l’a réalisée en collaboration avec l’ancien ministre de l’urbanisme, du logement et de l’hygiène publique, Abdou Karim Fofana. La question de sa préservation suscite débat au sein de l’espace universitaire.

La statue de Cheikh Anta Diop trône telle une pyramide en face de l’université qui porte son nom. Le symbole du savant spécialiste de l’Egyptologie a le regard tourné vers l’Ucad, la main en haut orientée vers la même direction. Un monument bâti sur une petite élévation, les alentours décorés en carreaux multicolores d’une part et d’autre part en pavés. Des fleurs plantées çà et là complètent le décor dans lequel se mêle un gazon qui a perdu sa verdure. Le geste de Cheikh Anta Diop vise à «montrer aux étudiants que c’est ici qu’il faut chercher le savoir». Directeur adjoint du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), Khalifa Diagne déclare que la statue a été érigée grâce à la vision de l’ex-Directeur, Abdoulaye Saïdou Sow, qui a été aidé par le ministère de l’Urbanisme, du logement et de l’hygiène publique. «L’érection de la statue va dans la ligne tracée par l’ancien directeur du Coud, Abdoulaye Saidou Sow, de réhabiliter Cheikh Anta Diop dans le temple du savoir dont il est le parrain. C’est une figure qu’il faut offrir aux étudiants en exemple. Il est inconcevable que Cheikh Anta Diop soit peu connu des étudiants de l’Ucad. C’est un savant mondialement connu, qui s’est battu pour faire connaître et réhabiliter l’homme noir», explique M. Diagne. Etudiant en master 2 au département d’Histoire à la Faculté de lettres et sciences humaines, Aliou Ka est ravi de voir un monument dédié à leur «maître». Il dit : «C’est une fierté pour nous de venir à l’université et voir Cheikh Anta Diop tout le temps. C’est un homme multidimensionnel qui a consacré toute sa vie à valoriser l’histoire de l’homme noir, donc cet homme mérite respect et considération, il mérite qu’on fasse quelque chose pour lui.»
Un calme règne dans les couloirs du département d’His­toire. De taille moyenne, visage dégoulinant de sueur, Bilal Diallo n’est pas convaincu, car pour lui la statue ne ressemble pas à Cheikh Anta Diop. Toutefois, il salue l’initiative mais pour l’étudiant en Licence 3 d’Histoire, il ne sera pas aussi surpris en apprenant un jour son déboulonnement par des camarades en colère. Récem­ment dans une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux, un individu dit avec ironie que «la statue risque d’être la plus éphémère statue au monde». Une allusion faite à la place où est construit le monument, très souvent théâtre d’affrontements entre Forces de l’ordre et étudiants. Il y a quelques jours, la statue a échappé aux pierres des pensionnaires de l’Ucad. Mais pour Khalifa Diagne, les étudiants veilleront à la préservation de la statue. «Cette personne qui a fait la vidéo a lancé un défi aux étudiants qui est de préserver le monument. En tout cas, il serait même risqué de s’en prendre à cette statue, car connaissant la sociologie de l’Ucad, tout groupuscule qui le tenterait verra en face de lui d’autres étudiants», estime M. Diagne. D’ailleurs l’une des motivations des autorités universitaires en faisant ce projet, «c’est dissuader toute forme de violences au sein de l’université. C’est une façon de rappeler aussi que nous sommes dans un temple du savoir, donc c’est la force de l’argument qu’on doit privilégier plus que l’argument de la force», dit-il. Il pense que le monument peut également avoir une dimension touristique. Les intellectuels qui viennent pour des rencontres à l’Ucad auront désormais la possibilité d’immortaliser leur passage à Dakar devant la statue. «Je conseille à mes camarades de tenir compte de la statue lorsqu’ils affronteront les Forces de l’ordre, parce que c’est un emblème, ça doit leur permettre de se retenir. Je leur demande de la préserver des pierres», supplie l’étudiant, Aliou Ka. Le message sera-t-il entendu ? Le temps nous édifiera.