Venu des rives du fleuve Sénégal, Abdou Rahmane Baal dit Ablaye Baal a fait ses armes dans des troupes théâtrales entre Yeumbeul et Guédiawaye. Une fois maîtrisée la musique, le jeune artiste est retourné sur la terre de ses ancêtres pour tracer les sillons d’une carrière musicale qu’il rêve en XXL. De retour sur la terre qui a vu naître ses ambitions musicales, Dakar, Ablaye Baal s’est confié sur ses ambitions mais aussi sur son dernier album dont la pandémie a quelque peu retardé la promotion.Qu’est-ce qui vous a poussé à faire de la musique ?

J’ai débuté la musique ici au Sénégal. En ce temps-là, on était dans deux troupes théâtrales. La première s’appelait Thiatal Guédiawaye et l’autre Thiatal Yeumbeul dans les années 1992/ 1993. A Yeum­beul, il y’avait dans la troupe des gens comme Demba Ndiaye Ndilaan ou Gobi Thiam. En 1994, je suis retourné en Mauritanie où je suis né. J’y ai créé le groupe Nangué Pinal «Le soleil de la culture». Quand j’ai créé ce groupe, j’avais un staff et mes propres musiciens. A tout instant, on répétait et on jouait des spectacles. C’est comme ça que j’ai commencé à me faire un nom en Mauritanie. C’est mon pays et c’est d’abord là-bas que j’ai créé les bases de ma carrière professionnelle.

Est-ce que vous avez eu à faire des spectacles au niveau international ?
Pour le moment, nous n’avons pas encore fait les pays occidentaux. Mais nous avons eu à jouer au niveau des pays voisins comme le Mali et la Gambie. Le groupe existe depuis 12 ans maintenant et j’ai à mon actif un album de 6 tittres. Le premier titre, Hetomi, signifie écoute. Le deuxième, Jinadoo, qui signifie Les parents, a son clip. Ce titre, c’est pour éveiller les consciences chez les jeunes. Les parents sont le fondement de notre réussite. Rendre hommage aux parents est un impératif pour tout enfant. Il faut respecter ses parents. Je vois souvent des enfants mal éduqués. Les parents sont en partie responsables de cela et les conséquences peuvent être fâcheuses pour la relation entre les deux. C’est le sens de ce single. Le troisième titre c’est Mauritanie, le quatrième titre est Thiossane qui signifie la culture, le cinquième Woldé signifie révolution et parle de l’agriculture qui est une des traditions fortes dans nos terroirs, et enfin le sixième titre est dédié à notre marabout Thierno Ndiaye Baal.

Quels sont vos projets pour cette année 2021 ?
Pour cette année de 2021, nous avons fait un premier clip ici à Dakar. Et nous espérons en faire un tremplin pour faire décoller notre carrière à l’étranger. Jusque-là, ce qui a retardé notre activité c’est la pandémie. La situation était très difficile surtout pour les artistes. C’est avec nos prestations que l’on arrivait à subvenir à nos besoins. Mais la pandémie a bloqué toutes nos activités. Mais à toute chose malheur est bon. Cette période singulière nous a permis de mieux travailler nos textes et faire la promotion de l’album.

Nous avons vu que le monde de la culture connaît des difficultés. En tant qu’artiste, quelle lecture faites-vous des dérives que l’on constate dans ce secteur ?
Oui c’est vrai qu’il y a des dérives. Mais cela ne peut pas entraîner le déclin du secteur. Il n’y a rien de plus important que la culture. Et en tant que musicien, nous devons en faire la promotion. Mais malheureusement, la culture est quelque part négligée. Quand on regarde certains clips, ça ne fait pas avancer la culture. Faire de la musique, c’est donner un message, éduquer, sensibiliser, pas seulement divertir. En Mauritanie, nous avons une association qui regroupe tous les artistes, et souvent nous avons des journées où on se sensibilise, on discute sur ce qu’il faut faire pour améliorer le secteur, pour permettre à la génération future d’avoir une vision de ce qui est la culture. Même si les autorités ne nous soutiennent pas vraiment, nous essayons d’aller de l’avant.

Est-ce que les musiciens bénéficient des subventions venant de l’Etat ?
Malheureusement non, et vraiment ce n’est pas facile non plus de jouer là-bas. A vrai dire nous n’avons pas de subvention ni une aide venant de l’Etat. C’est le musicien qui fait des efforts pour réussir. Nous avons besoin d’aide, car cela va nous permettre de mieux persévérer dans la musique.

Et qui est votre référence dans le monde musical ?
En tant que musicien, notre référence, c’est El Hadji Baba Maal. C’est notre idole et il nous a beaucoup encouragés dans la musique. Et nous essayons d’appliquer ses con­seils : beaucoup travailler et rester sérieux dans ce que nous faisons, toujours véhiculer des messages dans nos chansons et aller de l’avant jusqu’à même créer notre propre label. D’ailleurs nous sommes dans cette dynamique pour créer un label. Certes, les moyens manquent mais nous avons confiance en nous et nous allons réussir ce projet. Et je profite pour lancer un appel à tous nos frères musiciens, de revoir leurs productions. Nous sommes dans une ère où il faut conscientiser la jeunesse et parler avec elle. Car quelque part, nous avons aussi une part de responsabilité. Nos fans nous écoutent et même copient tout ce qu’on fait. D’ailleurs je prépare un autre single institué Woldé. Il évoque la difficile question de la discrimination raciale en Mauritanie. Les Halpulaars de la vallée sont victimes d’expropriation en Mauritanie des terres au bénéfice de quelques privilégiés. Dans notre village, il y a une histoire assez significative qui m’a inspiré. Quelqu’un est venu s’installer dans le village. On lui a prêté des terres mais un beau jour, il a pris l’initiative de clôturer des hectares de nos terres. Les jeunes du village ont protesté et certains ont été arrêtés. C’est ce qui m’a inspiré à faire cette chanson pour alerter mes concitoyens.