Depuis sa création, l’Association «Pulaar speaking» a su fédérer les ressortissants africains vivant aux Etats-Unis d’Amérique. L’association qui cherche à promouvoir les valeurs culturelles de ses membres se distingue par des actions de solidarité, notamment dans la prise en charge du rapatriement des corps des membres décédés. En juillet prochain, «Pulaar speaking» qui fête ses trente années d’existence organise un festival à Memphis, dans l’Etat du Tennessee. Aliou Ngaïdo, président de «Pulaar speaking», explique dans cet entretien les actions menées depuis toutes ces années.

Comment est née l’Association Pulaar speaking et qui en sont les membres ?
Pulaar speaking est née en 1989. Il y a eu un de nos compatriotes qui avait été tué à New York. Nous nous sommes donc regroupés pour réunir l’argent nécessaire au rapatriement du corps. Il y a eu des cotisations. Et après cela, on a décidé de mettre sur pied cette association. On l’a appelée ainsi, mais on y retrouve des Peuls, des Wolofs, des Soninkés etc. Finalement, c’est devenu un regroupement de ressortissants du continent. Pas seulement des Sénégalais, mais on compte aussi des Mauritaniens, des Gambiens, des Nigériens. C’est une grande association qui regroupe 6 à 7 pays. Nous avons 30 sections à travers les Etats-Unis. Chacune est indépendante et le bureau fédéral couvre l’ensemble des activités.

Quelles sont les activités que vous menez ?
Nous avons un volet culturel, un volet social et un volet éducation. Toutes les grandes sections ont reçu comme instruction de prendre une salle pour y dispenser des cours de Coran, de peul et d’anglais à nos membres. Les jeunes comme les adultes. En plus, nous essayons de montrer aux Américains la culture africaine de façon à les inciter à venir visiter nos pays.
Quand tu exposes ta culture, que ça soit aux Usa ou ailleurs en Occident, les gens viennent voir et découvrir.

Et vous organisez un festival en juillet…
Baba Maal est l’invité d’honneur cette année. Il y aura aussi des membres du gouvernement. Notre objectif est de montrer la culture africaine en général, celle peul en particulier. Ce sera à Memphis, dans le Tennessee. Il y aura un tournoi de football, des sketchs, une nuit religieuse et des concours. Nous allons aussi décerner trois trophées d’honneur à Baba Maal, à Gaye Amadou Malick et à Murtoudo Diop. Le festival est prévu du 3 au 7 juillet. Et ça coïncide avec les 30 ans de Pulaar speaking, mais aussi avec les 200 ans de la ville de Memphis. Nous allons travailler avec le maire de la ville et ceux des autres villes comme Shelby, Jacksonville et consorts. Même le gouverneur de l’Etat du Tennessee est invité. Ce sont des gens qui accordent beaucoup d’intérêt à la culture et Memphis est une ville historique.

A part cela, parlez nous de votre volet éducatif ?
Nous sommes musulmans et quand nous partons ailleurs, nous y allons avec notre culture musulmane. Raison pour laquelle l’Association Pulaar speaking a décidé, pour chaque section, d’ouvrir une salle dans laquelle on peut apprendre à nos enfants nés aux Etats-Unis le Coran, le peul et l’anglais. Il y a des gens qui viennent de l’Afrique et qui ne parlent pas anglais. Nous les encadrons aussi pour les aider à mieux communiquer pour trouver du travail plus vite.

En tant qu’émigré, est-ce compliqué pour vous de transmettre votre culture à vos enfants ?
Dans les pays occidentaux, ce n’est jamais très facile ; d’où l’importance de les encadrer. En organisant ce genre de festivals et certaines rencontres au sein des sections, cela permet de leur faire connaître leur culture et de les pousser même à vouloir aller dans leur pays d’origine.

Votre association est partie d’un problème de rapatriement de corps. C’est un cas qui se pose très souvent, mais vous avez trouvé une solution. Comment vous êtes-vous organisés ?
Nous sommes aujourd’hui à plus de 6 000 membres. Et chaque mois, nous cotisons 5 dollars par personne. Le tiers reste dans la caisse de la section pour gérer de petits problèmes. Et le reste est versé au bureau fédéral. En cas de décès ou de maladie grave, nécessitant un rapatriement, le bureau fédéral s’en charge. Et nous assurons tous les frais ainsi que le billet et l’argent de poche d’une personne accompagnante. Ces dernières années, nous avons même acquis un immeuble à Brooklyn.
On parle beaucoup de la communauté foutanké de Brooklyn qui s’est constituée dans un quartier dangereux, mais qu’elle a contribué à pacifier. Expliquez-nous comment cela s’est fait…
Aux Etats-Unis, chaque pays en général se regroupe. Quand tu parles de Brooklyn, c’est les Peuls. Harlem, c’est les Wolofs, Bronx, c’est les Soninkés et les Guinéens aussi. Ailleurs, tu vas trouver des Juifs, des Espagnols ou des Français. C’est comme cela. Quand quelqu’un quitte le Sénégal, il va d’abord rejoindre ses parents dans leur quartier, c’est ce qui explique ces regroupements par communauté, jusqu’à avoir de grandes communautés.

Vous avez aussi une radio…
La radio Pulaar speaking est une radio qui a beaucoup fait pour la communauté. J’ai moi-même été animateur dans cette radio et nous avons un site, pulaarspeaking.info. Nous donnons des informations et il y a des Sénégalais et des Africains qui n’attendent que nos émissions.

Cela fait-il un lien entre les territoires d’origine et les Etats-Unis ?
Et c’est de cette façon que nous faisons passer toutes les informations. La radio est actuellement à Colombus, dans l’Ohio. On l’a déplacée de New York pour décentraliser un peu les activités de l’association. Auparavant, tout était concentré à New York. Quand je suis arrivé à la présidence, je me suis dit qu’il fallait décentraliser. Raison pour laquelle la personne qui s’occupe de la section culturelle se trouve à Memphis, d’autres sont dans d’autres villes et Etats. Nous avons essayé de quadriller le territoire américain, mais aussi surtout de faire rentrer les jeunes et les femmes dans le bureau fédéral de l’association.

Etes-vous un interlocuteur des autorités américaines quand il y a un problème dans la communauté ?
Quand il y a un problème, il y a des consuls qui sont habilités à aller jusque dans les prisons. Nous, quand il y a un problème, c’est vers eux que nous nous tournons. Mais je peux dire que je suis le lien entre les membres de Pulaar speaking et les autorités.

Quels genres de problèmes rencontrent vos membres ?
En général, le plus gros problème concerne l’immigration. Des gens qui n’ont pas de papiers, qui doivent être expulsés et qui sont conduits en prison. La loi américaine est très dure pour les émigrés, surtout avec l’arrivée du Président Trump.