En prélude au démarrage du 50e festival des «Cultures du monde» de la ville de Gannat en France dont le défilé d’ouverture a eu lieu le 17 juillet, le directeur du festival, M. Romain Bouchet, s’est entretenu avec nous. Dans cet entretien, il revient sur l’organisation de cette édition qui se veut colorée, joyeuse et festive, les innovations et la programmation. Il n’a pas manqué de revenir sur l’importance que le festival accorde à la préservation de l’environnement pour lutter contre le dérèglement climatique. Ce, non sans insister sur le message de fraternité et de paix que le festival promeut à travers son initiative culturelle réunissant des délégations et groupes qui viennent des quatre coins du monde. Pour cette édition, le festival a été labélisé par les festivals de la Francophonie et olympiades culturelles.
Le festival «Les cultures du monde» de Gannat fête son 50e anniversaire. Après un demi-siècle d’existence, pouvons-nous dire qu’il a bien résisté à l’usure du temps ?
Oui ! On peut le dire. Parce que, si on est là, c’est parce qu’on a une équipe solide. Elle a beaucoup évolué au fil du temps. Le festival a connu des milliers de bénévoles qui sont passés. Si on en est là, c’est parce qu’on a une équipe résiliente qui a su surmonter beaucoup de difficultés. Ce, à l’image de beaucoup d’acteurs culturels avec la pandémie du Covid-19. On est fiers d’être encore là et on espère que ce 50e anniversaire sera une réussite.
Qu’est-ce qui fait la force du festival ?
Je crois que ce sont surtout les rencontres. C’est vrai qu’on est organisateur de spectacles. On présente les cultures qui viennent du monde entier. Cependant, on met un point d’honneur à ce que nos artistes puissent rencontrer les festivaliers, nos bénévoles. Cela fait au final une grande famille avec des activités organisées autour des rencontres. Je crois que c’est notre particularité par rapport à d’autres festivals qui, en somme, peuvent programmer des groupes comme les nôtres.
La 49e édition a connu un franc succès, l’an dernier. Qu’est-ce qui est attendu pour ce cinquantenaire ?
Ce qui est attendu, c’est que la manifestation soit festive, joyeuse et colorée d’une part, et d’autre part, que le public soit au rendez-vous. On espère surtout que la programmation qu’on a concoctée pour le public soit à la hauteur de nos espérances. Que ce soit une réussite et qu’on soit repartis pour 50 ans. On a une programmation assez particulière pour cette édition du festival. On a voulu à la fois inviter des groupes qui avaient marqué le festival (la Compagnie nationale du Mexique, le groupe San Tiago du Chili, nos amis africains du Bénin, le groupe de la Suisse) d’une part, et d’autre part, comme chaque année, permettre à notre public de découvrir de nouvelles choses. Ce sera le cas avec les Hongrois, nos amis martiniquais, notre groupe fondateur la bourrée gannatoise. Ce, non sans oublier la Chine qui est présente, ainsi que les Usa. C’est l’occasion de rappeler qu’on a un partenariat qui est en place avec la Chine depuis 3 ans. Il s’est mis en place tout de suite après le Covid-19. Le festival va de plus en plus pouvoir accueillir des groupes chinois. Déjà, elle avait sollicité notre expertise pour organiser un festival en Chine l’an dernier et cette année. On est très fiers de cette collaboration puisqu’on a pu envoyer 10 délégations l’année dernière dans une province au Nord de la Chine, pour un festival qui a accueilli entre 200 et 250 mille personnes. Il y a en outre des groupes d’artistes qui sont là pour la musique comme nos amis arméniens, géorgiens etc. On a en tout vingt-deux (22) groupes ou délégations présents cette année.
Pourriez-vous nous rappeler le thème de l’édition de cette année ?
J’ai envie de dire qu’il n’y a pas une thématique, mais plusieurs. Qui dit anniversaire dit feu d’artifice. Par conséquent, il y a un certain nombre de choses qu’on va mettre en avant. A cet effet, il y aura une soirée en hommage à nos bénévoles. On ne l’avait jamais fait avant. Ce sera une activité de préouverture. Ensuite, il y aura une cérémonie d’ouverture qui sera marquée d’émotions et de souvenirs. Ce sera un moment dédié pour rendre hommage au fondateur du festival, Jean Roche. En plus, notre manifestation est labelisée cette année par deux évènements particuliers. Il s’agit du Festival de la Francophonie, qui mettra en avant la culture francophone, avec tout un travail autour du conte et sur les arbres. Il y aura également une présentation de sport et de jeux traditionnels. On a été labélisé olympiade culturelle. On peut dire que ce sont des innovations pour cette année. Il y a un certain nombre d’améliorations au niveau de l’accueil du public. Ces évènements comptent à nos yeux. Je n’oublie pas que ces dernières années aussi, la gastronomie a occupé une place importante dans le festival. Cette dernière sera remise à l’honneur avec une adaptation à notre programmation. C’est-à-dire qu’on pourrait manger des plats hongrois, suisses, chinois, etc. Il y a un certain nombre d’actions qui feront que la gastronomie sera davantage mise en exergue cette année. Toujours au chapitre des innovations, il y a le retour en grande pompe des soirées cabarets qui sont attendues par nos festivaliers.
Dans un contexte mondial de réchauffement climatique, qu’est-ce qui est mis en place au niveau du festival pour lutter contre le dérèglement climatique ?
C’est vrai que c’est une problématique importante pour tous les acteurs culturels. Néanmoins, tout ce qui est produits recyclables est mis en avant au niveau du festival. Ce qu’on voit moins et ce qui est difficile à contrer, c’est le fait de faire venir des groupes de loin. C’est le bilan carbone avec les avions qui n’est pas facile à inverser. C’est pourquoi, dans nos programmations, de plus en plus, on priorise des groupes qui sont sur le territoire français. On a une forte culture de minorités en France qui a aussi besoin d’être mise en avant. On promeut aussi la gastronomie avec la promotion des produits locaux avec les filières courtes qui sont fortement mises en avant et encouragées. C’est un festival écoresponsable qui est sensible au phénomène du dérèglement climatique. Même si on reconnait que, comme tout le monde, on a encore des efforts à faire et, en allant vite. Le dérèglement climatique est de plus en plus prégnant, et c’est une problématique dont on doit tenir compte.
La Francophonie s’est invitée cette année dans le cadre des activités du festival. Pourriez-vous nous en parler ?
C’est une idée formidable de pouvoir faire partie du Festival de la Francophonie. Ce sont plus de 400 événements dans le monde dont on fait partie. D’ailleurs, beaucoup de pays francophones ont été invités à y prendre part. C’est le cas du Sénégal, du Bénin, de la Martinique, de la Suisse, entre autres, pour mettre en avant cette culture francophone. Il y a tout un travail autour du conte, de l’arbre qui a été mis au point. Il y a un arbre pour chaque délégation, avec à titre d’exemple le baobab pour le Sénégal. Nos festivaliers seront invités à découvrir ces activités de la Francophonie, mais aussi une frasque qui sera présentée le dernier jour du festival.
Pourquoi avoir choisi la valorisation et la promotion des expressions culturelles mondiales comme échange entre les peuples ?
Je crois que pour répondre à cette question, il faut remonter à longtemps en arrière pour savoir comment est né le festival. Il est né dans les années 60 à Gannat, où des copains gannatois se retrouvaient autour de Jean Roche pour présenter les cultures du pays. C’était la bourrée gannatoise essentiellement. Après, ils ont commencé à faire du spectacle pour présenter la culture sur place. Ensuite, ils ont été invités petit à petit en France et à l’étranger. A partir de ces expériences, ils ont eu la formidable idée de faire de même à Gannat, en lançant le festival des Cultures du monde qui a fait 50 ans. Il durait deux jours au début, avant d’évoluer dans le temps.
Il était au départ un festival de musique et danse avant de s’ouvrir en s’élargissant par la variété de son offre culturelle et programmatique. De nos jours, il connait des ateliers de langage, de bricolage, des concerts, des animations, des défilés, entre autres. Derrière tout cela, ce qu’il faut comprendre et voir, c’est le message de la fraternité et de la paix. Déjà, je pense que ceux qui viennent au festival repartent différents de Gannat dans le sens où ils comprennent l’autre et sa culture. Je crois qu’à l’échelle du pays, qu’à l’échelle du monde, si on peut apporter une toute petite pierre à l’édifice pour cette culture de la paix, on en est ravis.
Comment le festival réussit-il à allier éducation et culture ?
Le festival fait beaucoup dans ce sens puisque les deux vont de pair. De ce fait, je dois dire qu’on reconnecte de deux manières d’abord, parce que notre association n’organise pas que le festival des Cultures du monde. C’est aussi une organisation qui travaille pour la Promotion du patrimoine culturel immatériel (Pci) avec la reconnaissance de l’Unesco. Dans ce cadre, il y a un certain nombre de films de vulgarisation d’éléments du patrimoine immatériel. Je pense au Fest-Noz ou encore au Tango qui sont à la destination du grand public et aux enfants. En outre, il y a des séances d’expérimentation qu’on fait dans les écoles pour que non seulement on présente les films, mais que les enfants des écoles puissent s’approprier leur patrimoine culturel local.
Quels sont les enjeux et perspectives à venir ?
D’abord, c’est de parvenir à répandre ce message de paix et de fraternité dans ce monde qui est un peu perturbé. Que ce soit sur le plan national où on a vu ce qui s’est passé lors des dernières élections législatives en France. Il y a des gens qui portent des idées qui ne sont pas exactement les nôtres. Pour notre part, on veut pouvoir porter un message différent, de multiculturalité, d’ouverture aux autres. A la longue, l’enjeu est la réussite du festival pour qu’il puisse davantage durer en donnant envie à nos jeunes de continuer. Parce qu’on n’est pas éternels. On n’est que de passage comme tous ceux qui ont connu le festival et qui ne sont plus parmi nous.
Propos recueillis par Pape Moussa DIALLO
(Envoyé spécial à Gannat, France)