Horizon – Boubacar Djiba, Ceo et Founder de SenMixMaster : «Permettre à tous ces jeunes artistes d’avoir accès à un son de qualité»

Masteriser en 5 minutes une musique, un contenu, et à un prix modique, c’est la révolution qu’apporte Senmixmaster. La plateforme, mise en place par Boubacar Djiba, s’appuie sur l’Intelligence artificielle pour faciliter la vie aux artistes indépendants, aux compositeurs ou aux créateurs de contenus. Cet outil déjà disponible, a été présentée En marge du Dakar music expo (Dmx).C’est une petite révolution technologique que vous amenez avec cette solution…
C’est une révolution technologique car on utilise tout ce qui est Intelligence artificielle et machine Learning. On a émulé le travail de certains de nos ingénieurs pour nourrir notre algorithme, afin de pouvoir masteriser tous les contenus qui sont sur notre plateforme. Cette technologie permet un gain de temps en premier lieu. Deuxièmement, c’est en termes de coût. Il y a au moins dans le monde, 50% d’artistes qui n’ont pas accès à des frais onéreux de mastering. Souvent, certains artistes n’ont pas le temps aussi d’attendre des jours, des semaines, des mois pour recevoir leur master. Ça permet de gagner du temps et en termes de qualité aussi, surtout pour des artistes indépendants, des compositeurs, des créateurs de contenus qui n’ont pas vraiment accès à une certaine technologie, de pouvoir utiliser notre plateforme et masteriser. En termes de qualité et de gain de temps, c’est énorme. Mais il faut préciser qu’on ne vient pas pour remplacer les ingénieurs, on vient pour apporter un outil complémentaire qui puisse aider les ingénieurs du son à être plus rapides dans leur process de travail.
Comment cela se passe concrètement ?
En fait, c’est une plateforme qui est compatible avec tous les appareils. Là, on est en train de développer l’application qui sera bientôt disponible. Mais c’est simple d’utilisation. On demande juste à la personne de télécharger son fichier et de laisser notre outil de mastering instantané faire le travail. Et derrière, on applique tout ce qui est dynamique, equalization, spatialisation, et on fait de telle sorte que cela puisse bien sonner sur n’importe quel support. Très souvent, on peut faire un master, le mettre dans une voiture, l’écouter avec un casque et que ça ne sonne pas bien. Donc on uniformise pour que cela puisse bien sonner dans tous les supports et aussi, on veille à ce que ça soit adapté aux normes et standards en termes de volume et qualité.
Vous existez depuis longtemps ? Quels sont les retours ?
On vient de lancer la plateforme, mais cela fait quatre à cinq années qu’on est en train de travailler dessus. Et les retours sont très positifs de la part d’ingénieurs du son de renommée qui sont là au Sénégal, qui ont testé la plateforme et qui nous disent que c’est juste époustouflant et que ça permet de gagner du temps et que le résultat est impeccable. Pour nous, le résultat est une prouesse, mais on ne s’arrête pas là. On veut que tous les artistes puissent avoir accès à notre plateforme. Donc on veut que ça soit inclusif, accessible à tous. On sait qu’il y a des artistes qui habitent dans des régions reculées, qui n’ont pas forcément accès à des frais de mastering onéreux. On leur permet d’utiliser la plateforme et de masteriser. On a inclus aussi tout ce qui est service de paiement mobile parce qu’on est en Afrique et que le mobile money est le moyen le plus rapide de faire marcher les choses. On a intégré des moyens de paiement locaux pour que tout le monde puisse avoir accès à la plateforme. Le coût du service, on est en train de discuter avec beaucoup d’acteurs, parce qu’à la base, on est parti sur un prix de base de 25 mille. Mais à force d’échanger avec les gens, on se rend compte qu’il y a moyen de pouvoir réduire cela. On s’inscrit dans une logique de pouvoir offrir quelque chose d’accessible. Et là, dans le cadre du Dmx, on a appliqué un code de telle sorte que les gens, quand ils vont utiliser la plateforme, pourront masteriser jusqu’à la fin du mois de février avec juste dix mille francs.
La plateforme est exclusivement pour la musique ou d’autres contenus sonores peuvent être masterisés ?
Quand on parle de son, c’est la musique, mais aussi les créateurs de contenus. Vous faites une voix, vous voulez la masteriser, utilisez notre plateforme. Un podcast aussi.
Qu’est-ce qui vous a poussé à faire des recherches dans ce domaine ?
A la base, je suis compositeur et ingénieur du son. Ça fait longtemps que je travaille dans ce milieu. J’ai travaillé avec beaucoup d’artistes. J’ai produit le son Skyfall de Sprinoir et Black M. A chaque fois, je me disais qu’il va falloir créer une solution parce que quand j’écoutais les sons, je n’étais pas vraiment satisfait du résultat. Et je me suis dit qu’il ne faut pas qu’on rate le coche avec l’Intelligence artificielle en tant qu’Africains. Il faut qu’on puisse s’approprier la technologie et que derrière, on puisse entraîner des modèles qui pourront être fidèles et conformes à nos réalités. Et derrière aussi, permettre à tous ces jeunes artistes d’avoir accès à un son de qualité. Parce que c’est un gros problème. On apporte une solution et on espère que la communauté artistique, la communauté des créateurs, se l’approprie et va utiliser cette plateforme pour développer et offrir un contenu de qualité.
L’Intelligence artificielle, c’est une opportunité donc ?
Je pense qu’il ne faut pas avoir peur de l’Intelligence artificielle. Au moment où internet est apparu, tout le monde avait peur mais aujourd’hui, tout le monde utilise internet. Même nos mamans utilisent TikTok. C’est vrai, il faudrait que l’Ia soit utilisée à bon escient sans pour autant qu’elle soit au détriment des créateurs, il faudrait qu’elle soit utilisée de manière fidèle, en respectant tous les droits des artistes. Mais dès qu’on met ce facteur en avant, il y a énormément de choses qui pourront être réalisées. Il faut mettre l’éthique en avant et l’utiliser pour pouvoir développer des solutions accessibles, innovantes pour tous. Nous sommes en train de développer d’autres produits, tous axés sur Ia, audio, musique. On est très en avance par rapport à ce que nous sommes en train de faire. Pour nous, être Sénégalais ne veut pas dire ne pas être à l’avant-garde de la technologie. C’est très important d’associer tout ce qui est Tech et musique, et ça vient à son heure. Notre secteur en a besoin et si on arrive à allier musique et Tech dans tout ce qu’on fait, au niveau des droits d’auteur, de la musique, de la création artistique, ça pourra nous permettre de faire un bond en avant. Il faudrait que les développeurs puissent aussi s’intéresser à cet écosystème et apporter des solutions.
Un déploiement à l’international est-il prévu ?
Elle déjà disponible en ligne et va se déployer vers d’autres pays. Notre stratégie, c’est l’Afrique. C’est de mailler carrément le territoire africain.
Propos recueillis par Mame Woury THIOUBOU (mamewoury@lequotidien.sn)