HORIZON… Eleemane HK, artiste multidimensionnel : «Je ne suis pas un donneur de leçons»

Il faut connaitre les préjugés de son époque pour mieux les éviter dit-on. Seulement cet adage, l’artiste Eleemane HK n’en a que faire. Agé de 24 ans, acteur, scénariste, chorégraphe, creativ director, modèle et parfois musicien, l’artiste veut apporter cette touche qui manque à l’Art sénégalais en particulier, et à l’africain en général, pour amorcer son éclosion. Mais, n’est-ce pas le propre de l’art de s’inscrire dans une logique d’éviter la banalité ? En tout état de cause, Eleemane HK assume totalement sa singularité et en joue parfois, au risque d’agacer son interlocuteur. L’artiste croit à une ère nouvelle basée sur l’ouverture à autrui.
A 24 ans, comment peut-on avoir autant de casquettes ?
J’ai eu un parcours artistique qui m’a forgé. A l’âge de 9 ans j’ai commencé la danse. J’ai commencé à encadrer des groupes de danse à l’âge de 17 ans tout en étant mon propre chorégraphe. En 2013, je me suis lancé dans la mode et j’ai posé pour beaucoup de designers. Je suis le visage continu de Mm Chic jusqu’en 2020 pour des campagnes publicitaires. Fin 2015-début 2016, j’ai commencé les cours de cinéma avec acting carrier aux Usa et en correspondance en France. C’est à la mi-2016 que j’ai lancé mon premier projet de cinéma. PersonnA raconte l’histoire d’un artiste avec une créativité démesurée dans un monde où fusionnent plusieurs éléments, à savoir le mythe, le bizarre, l’énigme, l’illusion, le métapsychique et psychédélique, via des créatures fantaisistes qui vont au-delà de l’imagination. On est dans un monde où l’énigme et l’étrange se côtoient et la terre et le ciel ne font qu’un. PersonnA veut apporter une nouvelle touche dans le monde artistique basé sur de la science-fiction. Ça part du cinéma pour influencer tous les domaines de l’art. Ça sera un monde super atypique et super créatif. On a commencé avec des photos purement fiction et ça a fait un boom médiatique. Entre temps, j’ai été contacté par le designer de Beyonce. Il voulait tourner le film The other Dakar. J’ai participé au film. En 2017, j’ai initié un diaporama fictif qui s’appelle Voyage au-dessus de la planète mars. Ce sont des images qui se regardent avec des lunettes 3d. Ce sont des photos qui évoquent le déracinement, la pollution, la liberté d’expression, etc. je travaille en ce moment à produire un clip qui sera très différent de ce qu’on a l’habitude de voir ici.
Mais qu’est-ce qui a été à la base de ce besoin de toucher à tout ?
J’ai toujours voulu contrôler le monde artistique. J’ai toujours eu une grande vision. En bas âge, j’ai découvert mon premier talent qui est la danse. Jouer des films, c’est un truc qui m’a toujours intéressé. C’est pourquoi j’ai suivi des cours à distance. Après, à Dakar, ça manque de peps. Pourquoi nos séries et films ne sont pas dans les grands festivals ? J’en ai parlé avec mon directeur artistique qui m’a proposé de faire quelque chose. Tout est parti d’une petite image. Et chaque année, on amène des thèmes. PersonnA est un projet pour le long terme. Cette année on a choisi comme thème une folie exagérée.
Tu viens de dire que Dakar, sur le plan artistique, manque de peps. Qu’entends-tu par-là ?
On a de bons cinéastes et de bons acteurs mais il faudrait une certaine ouverture, un mélange de cultures, parce que si on ne se limite que sur ce que l’on fait, ça n’intéresse pas l’Occident.
Mais pourquoi devrions-nous faire forcément des choses qui intéressent l’Occident ?
Pourquoi dépenser des millions pour faire un film qui ne se limite qu’à Dakar et qui ne gagne aucun trophée ? Cela n’a pas de sens. Il faudrait donner à l’art une certaine ouverture.
Donc tu fais de l’art non pas pour l’authenticité mais pour gagner des trophées ?
Dans toute chose, on aimerait être distingué parmi les meilleurs. Quand tu gagnes certains trophées tu n’auras plus besoin de te présenter. Le trophée parle de lui-même.
On sent chez toi ce besoin de plaire à l’autre. N’est-il pas au détriment de ton art ?
J’ai vraiment été influencé par cette touche occidentale parce que j’ai énormément de connaissances chez les grands chorégraphes de ce monde.
Quand tu parles de connaissances, tu veux dire que tu les suis sur les réseaux sociaux comme tout le monde ?
Non ! Je les connais personnellement et on échange beaucoup. Je connais une danseuse de Miss Eliot et de Beyonce. Si on s’enferme sur Dakar, on va rater ce qui se fait dans le monde. Ce n’est pas que l’Occident est meilleur que nous, mais il y a ce besoin de mélanger nos cultures. Les Occidentaux viennent en Afrique pour tourner leurs films en se basant sur des standards.
Mais la Chine n’a pas suivi aveuglément l’Occident sur le plan culturel et pourtant elle a su s’imposer. Pourquoi l’Afrique ne devrait-elle pas en faire autant ?
C’est vrai qu’on a notre culture qui est différente de celle du reste du monde. Mais c’est important de faire un truc qui ne se limite pas qu’à Dakar. Prenons notre musique : elle ne sort pas de nos frontières parce que sur le plan professionnel, il y a beaucoup à faire. Il y a cette touche qui nous bloque et nous empêche d’avancer.
Et j’imagine que tu as cette touche en toi ?
Exactement ! Si mes publications se sont partagées par des plateformes basées à Londres, Ghana, Washington, cela veut dire ce que ça veut dire.
N’as-tu pas peur d’être catalogué comme donneur de leçons, sachant que sur le plan artistique, tu n’as pas encore de trophée ?
Je ne le dirai pas de la sorte parce que je ne cherche pas à plaire. Je fais les choses comme je les sens, parce que quand je me suis lancé dans ce monde purement artistique, je n’ai pas demandé la permission à qui que ce soit. Donc je fais mes œuvres, libre à chacun d’aimer ou pas. J’ai mon monde. Ma mission, c’est d’essayer d’innover chaque année, de mélanger les cultures et de construire un pont entre le Sénégal, la France et les Usa.
Cette ouverture culturelle tant souhaitée se fait-elle en collaboration avec les artistes locaux ?
Je travaille avec beaucoup d’artistes au Sénégal parce que j’ai tellement d’amis ici. J’ai juste la curiosité qui m’a poussé à suivre les cours à l’international. Je me suis toujours demandé pourquoi l’Occident nous devance. Et pourquoi nous ne nous affirmons pas sur l’international ?
A 24 ans, l’Occident revient souvent dans tes propos comme exemple.
Je ne le cache pas, je suis influencé par l’Occident. En bas âge, je n’avais que des amis blancs. Je ne suis pas un donneur de leçons, je prône juste une ouverture d’esprit parce que dans les festivals, toute l’humanité s’y retrouve. Chacun apprend de l’autre.
Pour quelqu’un qui prône le mélange culturel, ton habillement te fait paraitre plus comme un New-yorkais qu’un Dakarois.
(Rires). Ce n’est pas important ça. Je suis obligé de me présenter dans chaque interview comme un Sénégalais, donc je représente mon pays. L’habit ne fait pas le moine, dit-on. En plus, quand on voit ma tronche, on sait direct que je suis Sénégalais. Tu sais j’ai une grande ouverture d’esprit
Ah ! Quand même …
(Rires). Je veux voir mes films dans les plus grands festivals. Au début je travaillais tout seul, maintenant c’est une équipe de plus de 10 personnes qui travaille entre Dakar, Londres, Paris.