Avec Rokhaya Niang et Ibrahima Mbaye Thié, Lamine Ndiaye a reçu les honneurs de ses pairs à l’occasion du cinquantenaire du Fespaco qui vient de s’achever à Ouaga. En marge de cette cérémonie, l’artiste-comédien est revenu sur le manque de reconnaissance auquel lui et ses pairs sont confrontés dans leur pays d’origine.

Aujourd’hui, le Burkina Faso vous décerne un trophée en signe de reconnaissance. Qu’est-ce que cela fait ?
C’est un plaisir de recevoir ce trophée et je le prends comme un oscar parce qu’on a organisé la cérémonie à l’image des oscars. On a mis une limousine à notre disposition depuis l’hôtel. On nous a conduit en limousine. Je n’ai jamais été conduit en limousine… Pourtant, il y a tellement de limousines à Dakar. On ne manque pas de possibilités d’organiser pareilles choses à Dakar. Pourquoi on ne le fait pas ? A-t-on peur des dépenses ?

Qu’attendez-vous du Sénégal ?
De la reconnaissance. J’espérais que cela parte de mon pays. J’ai fait plus d’une cinquantaine d’années dans ce métier. J’ai commencé avec la télévision sénégalaise en 1972. Et j’étais dans le théâtre bien avant ça. J’ai eu à faire des films avec Tidiane Aw. Que Dieu ai pitié de son âme ! De là aussi, j’ai beaucoup fréquenté les gens qui pratiquaient le cinéma. Je suis même un élément du cinéma en tant qu’acteur. Quand on a une espèce d’entreprise ambulante comme moi qui peut soutenir les jeunes… Je précise que je n’ai pas la prétention d’aider qui que ce soit. C’est Dieu qui aide. Cependant, il nous a donné la capacité de soutenir dans un domaine où les jeunes se tuent au Sénégal et qui peut créer beaucoup d’emplois et dont nous sommes les précurseurs. Je reçois tellement de jeunes chez moi qui veulent que je m’implique dans leur travail et que je travaille techniquement avec eux. Beaucoup viennent me proposer de participer à leur projet ou de les soutenir sur le plan technique, parce que dans ce métier il faut de la générosité. Il faut aussi de l’humilité. Je réfute la notion de vedettariat et de star. Les vedettes ont trop de dettes et les stars trop de tares.

Donc l’Etat sénégalais n’est pas reconnaissant envers ses acteurs ?
Le Sénégal devait être reconnaissant envers ses acteurs. C’est important. J’ai parlé d’entreprise ambulante. Ce métier regorge tellement de possibilités de travailler. Dans le cinéma, il y a les acteurs, les techniciens. Et les jeunes au Sénégal vont jusqu’à acheter leurs propres matériels pour travailler.

Retracez-nous un peu votre parcours…
Lamine Ndiaye est un comédien, acteur de cinéma et de téléfilm. J’ai bourlingué en participant à beaucoup d’espaces cinématographiques. J’ai participé à Bienvenue au Gondwana. C’est de là qu’on m’a proposé le projet du Sénégal, Ma grande famille. En quittant le lieu de tournage, je suis allé à Abidjan. Aujourd’hui, je pouvais dire devant tous les artistes que ce projet c’est grâce à moi qu’il est au Sénégal. Mais non, je me contenterai d’un accident de parcours. Hormis cela, j’ai tourné dans beaucoup de séries africaines, européennes. Aussi pour le théâtre, je n’oublie pas les initiatives qui m’ont amené à la comédie française avec d’autres pays comme le Burkina, le Cameroun . Je ne dis pas que je suis le seul. On est parti en France pour une tournée. On a joué trois spectacles au théâtre du Vieux Colom­bier. C’est ainsi que les connaissances sont parties. Ce pays (le Burkina Faso) m’a beaucoup donné. Tous les projets qui m’ont permis d’aller en France, je les ai préparés ici au Burkina. Je ne cesserai de remercier le Burkina.

A côté de la fierté, des regrets ?
Aujourd’hui on m’aurait dit Lamine de quoi as-tu besoin pour développer toutes les connaissances que tu as ? Je leur parlerais et discuterais avec eux. Mais je ne tendrais pas la main parce qu’on ne m’a pas éduqué comme ça.

Quel appel faites-vous à l’Etat du Sénégal ?
Que le ministère revisite le côté cinéma et qu’on puisse disséquer tous les métiers qui y sont. Et essayer de voir avec les professionnels comment travailler pour développer ces métiers et former ces jeunes qui s’y adonnent sans aucune con­naissance. Quand je rencontre un jeune réalisateur, acteur, comédien, je rigole. Ce sont des métiers qu’on apprend. Tout bon métier répond à des critères techniques. Le comédien du théâtre, c’est la règle des 3 P : pensée, parole et plastique. C’est toute une philosophie qu’il faut développer. Quand on parle cinéma, ça demande de comprendre la Dianoétique. Un ensemble qui part du sentiment à l’émotion, et encore il faut travailler le personnage. Les textes, il faut les étudier. Le théâtre demande du niveau, sinon quand tu rencontres des textes écrits de manière poétique et qui renferment des symboles, tu es dépassé. Moi c’est de cela que je parle.