Que ce soit dans la fameuse série «Maîtresse d’un homme marié» ou dans «Arrêt Mère Thiaba», la comédienne Maréme  Niang arrive toujours à épater son public. Ses mimiques, ses expressions imagées et le réalisme de son jeu en ont fait une des meilleures comédiennes de la place. L’ancienne pensionnaire de «Daraay Kocc», qui est pourtant entrée en théâtre par un concours de circonstances, a su gagner en confiance et développer son talent.Propos recueillis par Amadou MBODJI – Quand avez-vous commencé à faire du théâtre ?

J’ai commencé à faire du théâtre au début des années 1983. J’avais entre 15 et 16 ans. J’habitais à la Médina où la troupe Daraay Kocc répétait et je connais quelqu’un là-bas, Demba Sow Diango, paix à son âme. Ils préparaient une pièce, Adama ak Awa, et il manquait des acteurs. On a fait appel à moi pour combler ce vide par l’intermédiaire de Diango qui m’a mis en rapport avec eux. C’est ainsi que j’ai intégré la troupe. Je suis entrée en ­théâtre par un concours de circonstances.  Demba Sow avait joué le rôle de Diango dans Apollo qui passait à la Rts. Cheikh Tidiane Diop lui avait demandé de chercher des jeunes qui voulaient participer à la pièce. Mon cousin, Babacar Lébou, que j’avais aidé à intégrer Daaray Kocc, devait filmer la série Nafi. Quand on lui a demandé de chercher quelqu’un qui puisse remplir le rôle de la grand-mère de Nafi, il m’a proposé à Marodi. Et ­c’était un test réussi pour moi.

Entre hier et aujourd’hui, quelle époque était la plus difficile pour pratiquer le théâtre ?
Il n’y avait pas d’argent en ces temps-là. On faisait du théâtre seulement par passion. On n’avait pas encore ces belles maisons qu’on a l’habitude de voir actuellement dans les productions théâtrales. Le théâtre qu’on jouait auparavant était plus difficile à pratiquer que celui d’aujourd’hui. Parce qu’auparavant, on donnait à chaque comédien le texte à répéter pour le maîtriser au bout d’un temps. Tonton Cheikh Tidiane nous disait qu’il avait besoin de comédiens doublés de technicien. J’avais été l’un des artistes comédiens qui avaient accepté de souscrire à son appel en alliant les deux. J’ai été cheffe script, ­camerawoman, monteuse aussi. Je suis passée par ­toutes ces ­étapes. Maintenant, avec le ­développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les caméras  ne sont plus les mêmes. On avait des caméras Vhs et maintenant, ce sont des caméras avec des cartes. Tu filmes et tu envoies tes ­éléments pour le montage. On peut enregistrer à 18 heures et faire passer l’élément à 20 heures. C’était plus difficile auparavant, surtout du côté de l’habillement et des ­déplacements. Tu pouvais répéter pendant un an mais à chaque fois, tu étais tenue ­d’être ­présente aux répétitions en payant ton transport. L’acteur comédien se prenait ­entièrement en charge. Parfois, on se faisait payer 30 mille ou 20 mille. La somme perçue dépendait du rôle qu’on tenait. 200 cent mille francs représente le plus gros cachet que j’ai empoché lorsque ­j’étais à Daraay  Kocc. J’avais gagné cette somme durant ma ­participation à la pièce Le 13 qu’on a jouée il y a de cela plus d’une dizaine d’années.

Pour tenir ces rôles techniques, vous suiviez des formations en audiovisuel au sein de Daraay Kocc ?
J’assurais le montage des pièces qui passaient à la Rts. Ce n’était pas seulement moi qui assurais ce job, il y avait d’autres jeunes artistes comédiens. Daraay Kocc avait une équipe technique et c’est là que j’ai été formée pour être camerawoman et monteuse, avec Maty Ndiaye par exemple qui était camerawoman. Il y avait Djiby Sidibé et Youssou Thiam, qui ­travaillent à Rdv actuellement, ou encore Madione Laye et Cheikh Doumbouya,  qui s’occupaient du son au sein de Daraay Kocc. L’éclairage était l’affaire de Rapathia  et Baye Ely, et Ibrahima Mbodj Lamarana était à la régie. Pape Demba, neveu de Cheikh Tidiane Diop, était le directeur artistique.

Que reste-t-il de la troupe Daraay Kocc aujourd’hui ? 
Sur le plan professionnel, on peut dire que Daaray Kocc n’est plus une troupe active. Mais cela n’empêche pas les comédiens qui composent cette troupe de rester toujours ensemble. On se retrouve dans les cérémonies familiales, nous avons une tontine et un groupe WhatsApp. Nous sommes à la recherche de moyens pour faire revenir Daraay Kocc sur la scène théâtrale. On fait tout pour concrétiser ce vœu. Je lance un appel afin que cette troupe soit soutenue pour faire son comeback dans le théâtre sénégalais. Nous souhaitons que la troupe revienne reprendre la place qui  est la sienne dans le milieu théâtral. Nous avons de la matière, il ne nous manque que les moyens financiers. Tourner des séries demande des moyens colossaux. Aujourd’hui, l’artiste-comédien est pris en charge dans ses déplacements, on lui achète ses costumes lors des tournages. Et tout ce dont il a besoin est pris en charge dans le cadre du tournage.

Comment se déroule votre collaboration avec Marodi ?
Lorsque Daraay Kocc a arrêté ses productions, ­beaucoup de troupes m’ont sollicitée pour que je travaille avec elles. Je suis la ­présidente de l’Arcots de Rufisque.  Mais c’est avec la série Nafi que j’ai commencé à travailler avec Marodi. Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître. Et depuis lors, je travaille avec Marodi sur d’autres productions comme Maîtresse d’un homme marié ou Arrêt Mère Thiaba que j’ai rejointe ­pendant qu’on tournait la ­deuxième saison de Maîtresse d’un homme marié. J’ai pris part à L’Or de Ninki Nanka, également produite par Marodi et qui passe sur la chaîne A+. C’est un contrat qui me lie à Marodi et à chaque fois que je finis de tourner une production, je passe à une autre.

Les séries font-elles vivre les acteurs qui y jouent ? 
Je ne me plains pas. Al hamdoullah. Je vais continuer à faire du théâtre tant que j’aurai les moyens physiques de le faire. J’ai joué dans Carmen de Joe Gai Ramaka comme garde pénitentiaire. Donc, je ne suis plus aussi jeune qu’auparavant. J’ai dépassé la cinquantaine.

Si vous dites que vous ne vous plaignez pas, cela veut dire que vous gagnez beaucoup d’argent maintenant. Est-ce qu’on peut connaître votre plus gros cachet depuis que vous êtes sollicitée pour participer aux séries télévisées ? 
Je veux tout simplement mettre en exergue le ­changement intervenu dans le théâtre en comparant deux époques différentes, en ­l’occurrence hier et aujourd’hui. Tous les acteurs ne gagnent pas le même cachet dans une série. Il y a ceux qui jouent et qui empochent 20 mille francs ou ceux à qui on ­propose 25 ou 50 mille francs la journée. Ce n’est pas le même cas avec ceux qui jouent ­l’intégralité d’une série comme c’est mon cas dans Mère Thiaba. Nous disposons de contrats de travail. Et les contrats peuvent être ficelés sur la base de 3 ou 4 millions que l’artiste comédien gagne au total. On ne te verse pas globalement cette somme mais on te la paye par mois, le temps que va durer la série. Les séries peuvent s’étaler sur six mois et certains peuvent gagner plus de 600 mille francs sur la base d’un contrat pour jouer dans une série. Ça dépend des rôles que l’on remplit. Mais personnellement, je ne souhaite pas dévoiler ce que je gagne, je préféré le garder pour moi.

Comment expliquez-vous l’engouement des jeunes pour le métier d’artiste-comédien ?
Jadis le théâtre n’était diffusé que le mardi à la télévision. Il n’y avait qu’une seule ­chaîne de télévision, la Radiodiffusion télévision du sénégalaise (Rts). Il n’y avait pas de sponsors non plus. Il n’y avait que la Rts qui payait les cachets des ­­artistes-comédiens. Maintenant, il y a une explosion de chaînes de télévision et un accompagnement des sponsors. Je rends grâce à Dieu de m’avoir ­associée à ceux qui gagnent un petit peu dans les séries. Je dirais que les efforts que je déployais auparavant me sont rétribués en retour.

On a tendance à ne voir que des vies de luxe dans les séries. Quelle est votre position là-dessus ?
Je ne condamne pas cela parce que les choses ont ­évolué maintenant. Un pays se développe, le monde bouge. Même si on dit que le Sénégal est un pays ­­sous-développé, cela n’empêche que c’est un pays qui recèle de très belles maisons. On doit simplement vendre le Sénégal. C’est ce qui explique la présence de belles maisons dans les productions ­théâtrales. L’éducation doit d’abord commencer dans les maisons. Ce sont les parents qui devraient en premier ­éduquer leurs enfants. L’art ne peut pas éduquer. On doit rester ancrés dans nos ­traditions et s’appuyer sur nos us et ­coutumes.

Vous semblez toujours jeune. Quel est votre secret ?
Peut-être parce que je n’ai jamais eu d’enfant. Je me suis mariée avec un homme qui est décédé en 2011. Mais tant que j’aurai les moyens ­physiques, je continuerai à jouer du théâtre.
ambodji@lequotidien.sn