Horizon – Omar Sall, Directeur général de Cinekap : «L’urgence pour notre cinéma, c’est la structuration»
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«Up courts métrages» est devenu un incubateur de la création cinématographique en Afrique de l’Ouest et du Centre. Pionnière pour cette nouvelle manière de former une jeunesse africaine passionnée de cinéma, Cinekap, fondée par Omar Sall, procédait hier à la remise de diplômes aux 20 récipiendaires de la session 2022-2023, mais aussi au lancement de la prochaine session. Dans cet entretien, il revient sur les acquis de ce projet panafricain qui, à ce jour, a permis la réalisation de 16 films, pendant que trois autres sont actuellement en phase de production.Cinekap tient aujourd’hui sa cérémonie de remise de diplômes de son programme de formation Up courts métrages, session 2022-2023. Quel est le bilan de ces années ?
Je suis le fondateur de ce programme Up courts métrages, qui en est aujourd’hui à sa 6e édition. Nous avons formé 67 auteurs réalisateurs et 25 producteurs. C’est une formation panafricaine, donc, il y a toutes les nationalités de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Et vous avez vu, à travers les axes Up courts+ des masterclass, Up courts pôles régionaux, qui donnent beaucoup plus de chance à des jeunes de bénéficier de renforcement de capacités. Et aujourd’hui, ce qui est exceptionnel, c’est l’innovation du programme. Nous venons d’introduire le digital dans cette formation. Le fait d’avoir cette formation hybride nous permet de lier la formation en présentiel à la formation à distance. Ce qui nous permettra de faire ce maillage du territoire national et de rendre cette formation beaucoup plus démocratique avec l’utilisation du smartphone. Je le rappelle, dans une étude de l’Unesco, vous pouvez lire que l’Afrique a 816 millions de Sim. Donc, c’est important en tout cas d’utiliser ces outils pour atteindre nos objectifs. Et grâce à mon partenaire technique, Lafaaac, et l’Agence française de développement (Afd), nous allons réaliser ces objectifs. Nous en sommes très ravis et ça nous permettra également de suivre la communauté Up courts métrages, mais aussi d’avoir une relation exceptionnelle avec les télévisions. Le Up courts est une formation gratuite et les étudiants ont des bourses. Aujourd’hui, on peut former des directeurs de production, des producteurs télé, et cela, nous l’avons réussi grâce à nos partenaires qui nous soutiennent.
Et qu’est-ce que les gens formés sont devenus ?
Ils ont d’excellents résultats. Voyez la promotion précédente, de Yoro Lidel Niang, de Abdoulaye Sow… Ce sont ces courts métrages qui font la fierté du pays aujourd’hui, qui rendent visible notre pays. Et ces jeunes sont tout simplement des talents qui partent de cette difficulté pour aujourd’hui être révélés comme des talents. C’est du concret et vous pouvez le voir, le parcours des films… Et pour les producteurs, non seulement on les forme, mais aussi on leur enseigne des modèles économiques. Et je peux vous donner des producteurs en référence, comme Arnold Setohou du Bénin qui fait la fierté de son pays parce que sélectionné deux fois à Cannes pour être un porteur de projets. Donc, ce n’est que du bénef’ et je pense que nous formons des gens aujourd’hui, capables de porter l’industrie.
Comment vous continuez à financer la formation ?
Aujourd’hui, l’innovation va être soutenue par l’Afd. Ensuite, on a des partenaires comme Canal+ qui ont renouvelé leur soutien. Et nous espérons aussi que d’autres partenaires vont suivre pour cette nouvelle session. Dans un écosystème que nous savons tous encore très fragile, Cinekap s’invente en permanence et s’offre les moyens de ses ambitions, parce que grâce au seul travail, nous avons réussi à engranger des performances cinématographiques jamais égalées durant cette décennie. Gagner la confiance d’une jeunesse, de tout un continent, nous arrivons, malgré notre statut d’entreprise privée, à nous retrouver à être d’utilité publique. Et nous n’allons pas nous dérober. Au contraire ! Faire du cinéma aujourd’hui, c’est créer un pont entre la créativité, le numérique, la transformation économique, sociale et le développement durable. C’est cette responsabilité-là qui nous a motivés à emmener la formation jusque dans les localités les plus reculées, nous inspirant deux axes supplémentaires du programme Up courts+ de masterclass à Dakar et Up courts des pôles régionaux, rendant les formations plus démocratiques, en collaboration avec les centres culturels dans les régions. Et grâce à l’Agence française de développement (Afd), Cinekap vient de nouer un partenariat avec Lafaaac, jeune pousse française qui forme les jeunes créatifs et entrepreneurs aux métiers de la culture. L’objectif de ce partenariat est de renforcer les compétences des futurs producteurs et créatifs sénégalais, dans l’ensemble du pays et dans la sous-région. Cinekap est, en Afrique subsaharienne, certainement pionnière dans cette approche formative avec utilisation du mobile.
Pour revenir à cette promotion, ils sont au nombre de combien et qu’est-ce qui a été le plus déterminant ?
C’est une promotion de 20. On forme des cohortes de 10 dont 10 auteurs réalisateurs et 10 producteurs. Mais ce qui a été déterminant, c’est leur persévérance, leur engagement pour apprendre les outils, parce qu’on fait du cinéma dans des espaces. On s’entraide. Et voyez aussi qu’il y a des cinéclubs pour apprendre le langage. Le cinéclub du Up courts de cette année porte le nom de Ababacar Samb Markham. Donc, Up courts célèbre et en même temps rend hommage, et le cordon ombilical ne se coupe pas entre les générations.
Up courts encourage et se veut être un incubateur de la création cinématographique. Est-ce qu’on peut dire qu’on a une bonne relève ?
Nous, on a un objectif, parce qu’il faut continuer à former des jeunes, c’est-à-dire le capital humain. Former des techniciens, c’est répondre d’un élément déterminant, parce que les techniciens sont le socle et l’âme de la fabrication. On ne peut pas faire un bon film sans de bons techniciens. On ne peut pas faire un film sans pour autant avoir un bon scénario. Donc, voilà, toutes ces questions sont posées en amont et nous sommes en train de les résoudre. Et l’autre aspect, c’est l’employabilité des jeunes parce que nous sommes en train de créer énormément d’emplois et de montrer parfois la voie qu’il faudrait donner à cette jeunesse. Faire un film, c’est arriver à créer un pont entre la créativité, le numérique et le développement durable. C’est une compréhension qu’il faudra donner du secteur pour définir une politique macro-économique claire, parce que l’urgence pour notre cinéma, c’est la structuration. Et c’est valable pour toute l’Afrique.
Propos recueillis par Ousmane SOW