Lacoste bleu, pantalon jaune moutarde et lunettes de soleil, Omar Sy s’installe confortablement sur les fauteuils de ce petit coin de paradis de la corniche des Almadies. A ses côtés, le jeune Lionel Basse et le réalisateur du film Yao, Philippe Godeau. Au lendemain de la première diffusion du film à Dakar, le trio est allé à la rencontre de la presse. Un moment de discussion à bâtons rompus .

C’était important pour vous de venir présenter le film au Sénégal d’abord ?
Omar Sy : C’était important pour nous oui. Le film, on l’a fait ici. Et on voulait le montrer à une partie de l’équipe qui était sénégalaise. On était à Saint-Louis d’où vient Lionel (qui tient le rôle de Yao). On voulait le montrer chez lui, devant sa famille et ses amis. Ça ne pouvait pas se faire autrement parce que c’est un film qui s’est fait au Sénégal et on avait en quelque sorte besoin de la bénédiction des Sénégalais avant d’aller le montrer ailleurs, le valider un peu. On ne le voyait pas autrement.

Philippe Godeau : On a beaucoup pris ici quand même. Au cinéma, on vole  des choses, on prend des choses. Et c’était logique d’essayer de le rendre et de le montrer en premier ici. Un peu pour se libérer presque.

Le Grand Théâtre a refusé du monde pour la première du film. Qu’est-ce que ça vous a fait ?
Omar Sy : C’est un honneur. (Il le répète). Ça montre l’intérêt, la curiosité. On ne peut rien demander de plus pour un film. C’est-à-dire qu’il suscite la curiosité, que les gens aient envie de se déplacer pour le voir. Donc, on est honoré et on s’excuse auprès des gens qui n’ont pas pu rentrer.

Et vous Lionel, ça vous a fait quoi de voir tout ce monde venir voir le film ?
Moi, je pense que c’était bien déjà. Même s’il y avait un peu le trac qui montait. Surtout pour Philippe.

Vous étiez inquiet pour lui ?
Oui un peu.

Pourquoi ?
Parce qu’il était le plus stressé d’entre nous.
Philippe Godeau : j’étais stressé mais en même temps, le plaisir d’entendre une salle réagir… On fait des films pour ça quand même, pour vivre ces moments-là.

Vous avez accepté de jouer ce rôle parce que l’histoire vous parlait ou parce que ça se passait au Sénégal ?
Omar  Sy : C’est un peu tout ça. C’est l’histoire en elle-même. C’est l’histoire de quelqu’un qui va faire une sorte de retour aux sources. Ça parle de quelqu’un qui a traversé sa vie, qui, à un moment donné a besoin de repères, de savoir un peu d’où il vient. C’est un film qui parle beaucoup de valeurs qui me tiennent à cœur. On parle de spiritualité, on parle de filiation, de paternité. Qui on est en tant que père ? Qui on est en tant que fils ? Ces choses-là, ça me parle et ça fait des choses intéressantes à transporter si on peut dire, en tout cas, on a essayé de faire passer.

Et il y a une part de votre histoire dans le film ?
Omar : On se sert de pas mal de choses oui. Déjà le fait que le personnage soit déjà un acteur, qu’il vienne des Yvelines, tout ça, c’est un peu moi. Et puis les origines sénégalaises, Halpulaar, tout ça m’a été emprunté.

Vous avez écrit l’histoire en pensant à lui ou c’est après que c’est venu ?
Philippe Godot : c’est un peu des deux. Le film ne serait pas ce qu’il est sans Omar. On ne serait pas au Sénégal. Mais forcément, il y a beaucoup de choses qui viennent de Omar. Après, ça reste une fiction et ça reste un film de divertissement.

Et les bouleversements que l’on sent avec le personnage de Seydou, vous les avez vécus aussi quand vous êtes allé dans votre village pour la première fois ?
Omar : Je ne crois pas parce que j’étais beaucoup plus jeune. La première fois que je suis arrivé ici, j’avais six ans. Après, je venais régulièrement donc je ne pense pas avoir eu un choc aussi important. Et puis, le personnage, il découvre seul adulte, sans guide. Ou alors, celui qui joue le rôle de son père, c’est carrément le personnage de Yao. Moi j’étais avec mes parents, j’étais avec des repères qui m’expliquaient. J’étais accompagné. Alors que là, lui se prend ce choc-là tout seul dans sa vie d’adulte. C’est plus violent donc. Mon histoire ne ressemble en rien à ce que j’imagine qu’il a pu ressentir.

Lionel, c’était la première fois que vous jouiez dans un film, comment vous avez ressenti tout cela ?
C’est la première fois oui. Et c’était une belle expérience parce que déjà, j’avais envie de jouer dans le cinéma. Et je me rends compte que ce qu’ils mettent à la Tv, ce n’est pas toujours comme ça que ça se passe.

C’est quoi la différence ?
Déjà à la télé, c’est plus facile. Tu t’installes confortablement avec des chips et tu regardes. Tandis que dans la vraie vie, tu galères.

C’était difficile le tournage ?
Oui mais ça va.

Philippe était trop sévère ou bien ?
S’il n’était pas trop stressé, ça allait.

Et ça arrivait souvent qu’il soit trop stressé ?
Oui. (Rires !)

Vos parents, comment ont-ils réagi ?
Lionel : Au début, ils n’y prêtaient pas très attention et c’est notre directrice qui les a convaincus de me laisser partir à Dakar d’abord avant de continuer. Parce qu’ils n’avaient pas encore tout à fait confiance en Philippe mais après c’est parti comme ça.

Maintenant vous avez envie de continuer ?
Bien sûr que oui.

Omar, est-ce que ça a été facile pour vous de vous adapter au rythme d’Holly­wood ?
A Hollywood, ça reste le même métier à une différence près, c’est qu’ils parlent anglais. Mais ça reste le même métier, les mêmes motivations, en tout cas en ce qui me concerne. Je fais les choix de la même manière. Ce sont des sensibilités, des histoires qui me parlent ou qui ne me parlent pas. Ce sont des metteurs en scène qui arrivent à me convaincre ou pas, qui me donnent envie ou pas, des personnages plus ou moins attirants. Ça reste le même métier concrètement. Mais c’est peut-être une manière de faire un peu différente, des outils différents. Ce que j’essaie de faire aux Etats-Unis, c’est de faire des films que je ne pourrais pas faire ailleurs. J’ai fait des films comme X Men, Jurassic, ou comme celui que je viens de terminer L’appel de la forêt. Ce sont des films avec des moyens et une technologie qu’on n’utilise même pas en France. Moi dans mes choix, j’essaie d’avoir le plus large spectre possible. Par exemple, dans la même année, j’ai tourné Yao et l’Appel de la Forêt à Los Angeles. Ma chance est là, donc j’en profite.

Philippe Godeau : un film avec Lionel et un film avec Harrison Ford dans la même année. Il n’y a que Omar qui peut faire ça.

Et des projets à venir pour le Sénégal ?
On ne l’a pas encore fini celui-là puisqu’il n’est pas encore sorti. Mais pour la suite, j’espère bien.

Dans votre village ?
Ça, si je le fait, ce ne sera pas pour le cinéma.

Ce sera pour quoi ?
Pour d’autres trucs

Comme ?
Comme je ne sais pas.