Il faudrait une professionnalisation de l’organisation du Festival international soninké (Fiso) pour mettre un terme aux manquements liés à la restauration et à l’hébergement. C’est la conviction du président de l’Association pour la promotion de la langue soninké (Aps), Ousmane Diagana. Dans cet entretien, il revient sur la demande du Président Gambien, Adama Barrow, qui a appelé à une organisation des Soninké. Mais aussi, il évoque les projets du Fiso pour retenir les jeunes en Afrique.

L’un des objectifs du Fiso est de retenir les jeunes en Afrique à travers la création de projets. Comment comptez-vous vous y prendre pour éviter que les jeunes prennent la mer ?
Je pense que c’est d’autant plus important de rappeler cet objectif que ça faisait partie d’ailleurs des thèmes de ce festival : l’agriculture comme frein à l’émigration. C’est un thème qui a été pensé par les initiateurs du festival, l’Association pour la promotion de la langue soninké (Aps) et pour lequel, nous comptons beaucoup sur la jeunesse mais aussi sur les 4 pays pour faire en sorte que ça soit une réalité. Mais pour cela il faut que des projets viables soient montés par des jeunes ou par des moins jeunes d’ailleurs aussi dans les pays d’origine et certainement en France. Parce que quelque part aussi, nous en France, on doit avoir des jeunes qui peuvent avoir besoin de monter des projets en France et qui peuvent être délocalisés en Afrique ou le contraire. Mais le but, c’est de faire en sorte effectivement qu’on puisse éviter l’immigration clandestine vers les déserts africains ou les océans qui sont devenus aujourd’hui des cimetières. Je disais tantôt que nous avions la chance d’avoir notre jeune frère, Idrissa Diabira, qui est le Directeur général de l’Adpme et qui en connait plus que nous d’ailleurs cet aspect-là. Mais quoi qu’il en soit, ça fait partie des projets que nous avons envisagés depuis longtemps et sur lesquels nous comptons aujourd’hui. Et quand nous avons rencontré le Président Adama Barrow suite au séminaire des jeunes de Wagadu sane, ces jeunes avaient dit qu’ils avaient l’intention de monter des projets agricoles, d’élevage, etc. pour pouvoir avoir des financements de la part du Fiso (Ndlr Festival international soninké). Moi, je leur ai répondu carrément que le Fiso ne peut financer leurs projets puisqu’ils m’avaient demandé autour de 100 mille euros (65 millions de francs Cfa). Je sais que nous n’avons pas cet argent pour l’instant dans les caisses du Fiso mais que ce n’est pas impossible de le faire financer par les Etats, par les hommes d’affaires ou les opérateurs économiques qu’on a. Mais le tout est d’avoir un projet viable. Parce qu’il ne s’agit pas seulement de dire oui moi j’ai un projet de pisciculture ou un projet de ceci ou cela, il faut montrer vraiment l’efficacité, la validité et également montrer que ça peut être viable à long terme, pas seulement à court ou moyen terme. Deuxièmement, il faudrait que ce projet, au-delà de sa viabilité, puisse éventuellement créer des emplois pour d’autres personnes et aussi peut être permettre à d’autres personnes de se dire voilà c’est possible. Et je pense que quand on montre des modèles, ça peut aider d’autres personnes à envisager la même chose pour pouvoir rester dans ce pays. Aujourd’hui, je termine là-dessus (samedi), on a fait un forum économique. Toutes les personnes qui se sont présentées pour parler de leur parcours, de leur réussite personnelle, je pense que ce sont des modèles que l’on peut suivre entre autres. Lorsqu’on commence par être cireur de chaussures et qu’on finit par être le propriétaire du Radisson blu et du Sheraton, des hôtels 5 étoiles qui n’ont rien à envier aux hôtels les plus luxueux de France, cela veut dire que tout est possible. Et si le Fiso peut être une occasion pour que d’autres cireurs soninké puissent devenir des propriétaires de Radisson ou de Sheraton, je pense qu’on aura gagné beaucoup de choses.

Le Président Adama Barrow propose un gouvernement soninké. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
On va dire qu’on y travaille mais gouvernement soninké en réalité c’est un peu connoté. Mais ce qu’on peut dire simplement, c’est qu’effectivement on peut parler de gouvernance réelle qui peut partir du Fiso. Parce qu’en réalité on parle toujours du Fiso parce que c’est la vitrine et c’est l’activité qui est la plus connue mais en réalité ce dont on devrait parler, c’est la Confédération internationale des associations soninké dans laquelle il y a mon jeune frère Idrissa Diabira et dans laquelle je représente aussi l’Aps (Association pour la promotion de la langue soninké) et les autres associations qui ont décidé en 2018 à Dakar de créer une Confédération internationale des associations soninké et qui doit piloter à la fois le Fiso mais également les autres activités notamment l’académie soninké, la fondation Mama dinga et d’autres projets qu’on a l’intention de mettre en œuvre. En 2011, l’ambassadeur de Gambie qui est venu à Paris, son premier vœu était de rencontrer les gens de l’Aps. On est allés répondre à son invitation. Et quand on est arrivés, il nous a dit moi, je suis un peu impressionné par ce que vous les Soninké vous faites. L’Aps, vous avez pu organiser une manifestation que les Etats de la Cedeao ont tentée de faire et qu’ils n’ont pas pu faire. On a dit c’est quoi ? Il dit que vous avez fait la Cedeao des peuples puisque vous êtes arrivés à réunir les Soninké de Mauritanie, du Mali, de la Gambie, du Sénégal, des deux Guinées mais également de toute la diaspora : l’Espagne, les Etats-Unis, l’Angleterre et tous ces pays-là. Il dit au-delà de ces Européens, en tout cas les 6 pays de l’Afrique vous avez pu les réunir, or nous notre objectif, c’est de créer la Cedeao des peuples, ce que nous avons perdu. Et vous, en un an, deux ans, vous êtes arrivés à le faire. Je pense qu’on ne peut pas avoir meilleur compliment que celui-là. Donc si le gouvernement du Fiso peut être effectivement un moyen pour créer les conditions d’organisation de la Cedeao des peuples ou encore mieux que ça, je pense qu’on serait déjà ravis par rapport à cela. Le Président Barrow ne fait que nous encourager et inchallah on fera en sorte que ce projet soi une réalité.

Les Soninké, juifs d’Afrique ?
Pourquoi juifs d’Afrique ? Parce qu’effectivement les Soninké, on le sait, on a beaucoup de moyens. Le Président Adama Barrow l’a dit et d’ailleurs toutes les personnes qui connaissent l’économie disent que les Soninké sont des gens qui ont beaucoup d’argent. Parfois ils le mettent dans les malles mais de plus en plus, ils le mettent dans les banques. Mais cet argent n’est peut-être pas utilisé comme il faut. Deuxiè­mement, je disais tantôt en soninké que notre problème, c’est qu’on a de l’argent mais que malheureusement il n’y a pas d’entente, de coopération entre nous pour nous aider demain, à avoir une force comme les juifs, une force qui puisse devenir un lobby. Je disais en soninké que même l’Amérique de Bush quasiment a peur d’Israël. Pourquoi ? Parce que effectivement, c’est devenu une puissance certes militaire mais ce n’est pas une puissance extraordinaire. Mais ce sont des peuples qui se sont concentrés sur ce qui est essentiel, c’est-à-dire leur unité et leur solidarité. Même s’il y a des divergences face aux autres, ils restent unis. Et nous les Soninké, on nous appelle les juifs d’Afrique. C’est une réalité. Mais il faudrait qu’en tant juifs d’Afrique, on ressemble aussi aux juifs en matière d’unité pour que demain on soit respectés comme les juifs, pour qu’on soit respectés par la plupart des peules qui ont tendance à nous mépriser en réalité.

A chaque édition, ce sont les mêmes difficultés liées à l’hébergement et à la restauration qui se répètent. Que comptez-vous faire pour régler ce problème pour les prochains Fiso ?
De 2011 à aujourd’hui, on a organisé avec nos moyens. Nous ne sommes pas des professionnels. On fait à la soninké. On essaye d’accueillir tout le monde. Et ce qui est un peu difficile, c’est que lorsque le pays qui reçoit à des informations selon lesquelles il reçoit 200 personnes et qu’il se retrouve avec 500, c’est ingérable. Même si vous êtes des professionnels, c’est ingérable, a fortiori si vous le faites de façon amateur. Donc ça c’est un vrai problème. Je pense qu’à partir de 2020, la prochaine édition qui devrait avoir lieu en 2022, quel que soit le pays qui va l’accueillir, il faudrait qu’on se mette d’accord, qu’on se fixe un objectif, en tout cas le bureau qui sortira de ce congrès, pour que le prochain Fiso soit organisé de façon professionnelle et le Bureau de la Cias doit en faire une priorité. Donc voilà déjà une première feuille de route sans compter d’autres choses. La professionnalisation me semble la chose la plus simple et la plus pragmatique à faire et je sais que mon jeune frère (Idrissa Diabira) en a parlé depuis longtemps, depuis Bamako 2016.