Présidente de l’Association Djarama, Patricia Gomis a choisi de s’implanter à Ndayane, une localité située à environ 60 km de Dakar et d’y ériger le pôle culturel Djaram’art composé de l’école communautaire, d’un théâtre jeune public… Bientôt Ndayane va accueillir la 5e édition du festival d’art de rue et de solidarité Djaram’art, et Patricia Gomis nous en parle !

Vous allez bientôt lancer la 5e édition du festival Djaram’art. Expliquez-nous comment cela va se dérouler ?
Cette 5e édition va se dérouler du 1er au 7 avril dont 5 jours à Ndayane. Le 1er jour, c’est l’ouverture du festival et dans les 5 jours, il y aura des ateliers dans la plage publique de Ndayane où on a installé le village avec une déambulation d’artistes et de marionnettes tous les invités du festival, une compagnie du Maroc, Karakiz, la compagnie Digestif de Suisse, la compagnie, Et notre monde, de Guinée Conakry. Ce sont des compagnies théâtrales qui font du théâtre de rue. Et dans la déambulation, il y aura des marionnettes géantes, des percussions brésiliennes, des jongleurs, des acrobates qui vont déambuler dans le village pour faire sortir la population. Ça c’est à l’ouverture. Le soir, il y aura Sambaobab qui va faire les percussions brésiliennes et il y aura le spectacle Wontanara qui est un spectacle coproduction avec Djarama produit par les compagnies Digestif et Et notre monde. Et c’est une création née de l’édition précédente. Et tous les jours, il y aura chaque jour un spectacle, des ateliers cirques et marionnettes pour les enfants des formations photo et graffiti.
Le 4 et le 5 avril il y aura des visites et consultations dentaires pour les enfants des daraas et les enfants de Ndayane et Popen­guine. Et le 4 avril, la journée essentiellement dédiée aux enfants talibés, aura lieu à Dakar sur le trampoline qui se trouve sur la Corniche Ouest, derrière l’université. Où l’on fait venir les daras avec lesquels on travaille aux Hlm Guinaw Rail et les enfants de Grand Dakar, qui vont passer tout une journée sur le trampoline, qui vont jouer sur le trampoline et ensuite suivre tous les spectacles et partager un goûter.

L’Association Djarama accorde une place phare aux enfants talibés dans le festival Djaram’art, qu’est-ce qui la motive ainsi ?
Pour nous, il est important d’impliquer et de proposer ce programme aux enfants talibés, parce qu’ils ne sont dans aucun programme culturel. Pour nous, le 4 avril c’est pour que les enfants talibés se sentent sénégalais aussi. Qu’ils puissent fêter l’Indépendance comme tous les enfants du Sénégal. C’est pour cela qu’on choisi le 4 avril et qu’on leur dédie cette journée. Et le 7 avril, le spectacle va se boucler à l’Institut Français de Dakar qui est aussi partenaire de l’Associa­tion Djarama depuis 23 ans.

Le programme mentionne qu’il y aura aussi des activités à Kelle et Toubab Dialaw…
On veut élargir le festival aux enfants des villages environnants. Kelle est à côté de Ndayane, Toubab Dialaw aussi. Nous nous sommes donc dit que vu que les artistes sont là une semaine et chaque compagnie joue 3 fois au moins. C’est pour cela qu’on a élargi ce festival au village de Toubab Dialaw le 5 avril et le 3 avril à Kelle. Et je précise que le festival est gratuit pour tout le monde.
Ce festival est dédié en grande partie aux enfants. Et aujourd’hui nous sommes secoués par les enlèvements d’enfants. Est-ce pour vous un moyen de sensibiliser et de dire : ‘’Stop’’ ?
Exactement ! Je pensais d’ailleurs dans le discours d’ouverture du festival rappeler aux parents que nous sommes les responsables de nos enfants. Nous devons les protéger. Tu n’entendras jamais dire qu’un enfant de riche a été kidnappé. Parce qu’on ne le laisse pas dans les rues. On ne l’envoie pas à midi aller à la boutique, on ne le laisse pas dans la rue sans savoir ce qu’il fait. Le festival sera un moment de dire aux parents que l’enfant est un trésor et qu’il faut s’en occuper. Qu’il faut lui donner tout ce qu’on a : la joie, l’éducation, la sécurité… Et ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on ne peut pas le faire. Tout parent doit être en mesure de protéger son enfant.

Donc vous soulignez la responsabilité des parents dans ces enlèvements d’enfants ?
Absolument ! Parce que quand on te dit qu’un enfant a disparu tu demandes : «Où est-ce qu’il était en ce moment-là ?» Ce n’est pas à l’intérieur de sa maison qu’on est venu le voler. C’est parce qu’il était dans la rue. On fait de la culture pour les enfants depuis 23 ans et toutes les problématiques qui touchent ces enfants de la rue, notamment. Le festival sera l’occasion de rappeler aux parents qu’on doit veiller sur les enfants.

Cette année, le festival Djaram’art a axé son thème sur le droit à la santé pour tous. Qu’en est-il réellement ?
On choisi chaque année un thème pour le festival. Une année c’était «tekk pot», que les enfants déposent leurs pots, qu’ils arrêtent de mendier. Cette année, c’est le thème de la santé qui a été choisi. Et plus exactement la santé buccodentaire. On sait qu’au Sénégal, ce n’est pas tout le monde qui a accès aux soins buccodentaires encore moins les enfants des zones rurales. Le parent n’amène son enfant chez le dentiste que quand il a la joue bien enflée. On s’est dit mieux vaut prévenir que guérir.
Ce qui est recommandé c’est d’aller voir le dentiste avant qu’on ait des problèmes de dent. Il y aura deux journées dédiées à ça : le 4 et le 5 avril. Ce sera au poste de santé de Ndayane et ce sera uniquement pour les enfants. Le 4, il y aura le maximum d’enfants talibés. Parce que je le dis encore une fois : «Les talibés sont vulnérables.» D’ailleurs on parle d’enfants disparus, mais les talibés disparaissent sans que personne ne s’en rende compte. Personne ne les réclame. Je sensibilise les daraas pour qu’ils viennent, c’est gratuit.

Il y a tout un programme pour ce festival. Avez-vous le soutien des autorités ?
On a adressé au ministère de la Santé une demande de dons en médicaments il y a presque un mois, mais il n’y a pas eu de suite. J’en profite pour dire au ministère de la Santé et de l’action sociale que nous sommes en train de faire une action sociale et que nous comptons sur eux pour avoir les médicaments. Nous prions notre cher ministre (Abdoulaye Diouf Sarr, Ndlr) de nous soutenir.

Ce festival se déroulait tous les ans et maintenant c’est tous les deux ans. Est-ce que c’est l’absence de soutien qui expli­que cette bi-annualisation ?
L’Association Djarama porte plusieurs projets. On a une école communautaire primaire et maternelle. On a un théâtre et on diffuse toute l’année. On fait venir des compagnies du monde entier. On a une programmation, chaque mois, il y a une compagnie qui vient. Et tout récemment, on a reçu une compagnie venant de La Réunion.
Nous sommes une association à but non lucratif et nous sommes peu nombreux. Avec tous les projets de formation artistique, que nous avons aux Centre d’art pour la jeunesse que nous avons implanté à Ndayane pour former des jeunes à l’art, théâtre, marionnette, cirque… tenir un festival tous les ans, ça devenait trop lourd pour nous. Nous nous sommes dit que nous allons le faire tous les deux ans pour mener à bien tous les projets.
D’une part, c’est cela. Mais d’autre part c’est vrai que c’est difficile de porter un festival. Parce que les subventions ne suivent pas d’une année à l’autre. C’est difficile de trouver des partenaires, surtout que c’est un festival gratuit. On n’y gagne rien. On fait le festival pour les populations et les enfants et pour vulgariser l’art de la rue très peu connu au Sénégal.

Qu’en est-il de l’apport du ministère de la Culture ?
Mais on attend toujours le soutien des autorités. Avec tout ce qu’on a mis en place, si le ministère de la Culture ne nous soutient pas, on n’y arrivera pas. On a besoin du soutien de notre ministère de tutelle, parce qu’on est en train de mettre en place un programme énorme. C’est nouveau au Sénégal d’avoir un réseau de diffusion de théâtre jeune public. Notre ambition est de fournir des spectacles scolaires de qualité aux enfants. Et sans le soutien du ministère, on ne pourra jamais y arriver.

Votre mot de la fin ?
J’invite la population sénégalaise à venir découvrir Ndayane, à voir le festival puisque c’est gratuit. Et c’est en période de vacances. C’est la Semaine de la jeunesse et c’est un festival pour la jeunesse. Par les temps qui courent, on a beaucoup de problèmes, plein de stress, c’est un moment de fête, d’échanges, de joie, de créativité…