Ce soir, le Grand Théâtre va accueillir la Nuit du boubou. Thiané Diagne, directrice de l’enseigne Jour J couture et initiatrice de cette nuit, promet un rendez-vous exceptionnel. Au menu, du thioup, de la soie, des tenues de cérémonie, des tableaux à la fois beaux et glamour et une surprise que la styliste-créatrice se garde de révéler avant l’heure.

La 3e édition de la Nuit du boubou se tient ce soir au Grand Théâtre. Quelle sera la particularité ?
Cette année, on a pris un pays, le Mali, qu’on a mis au-devant de la scène grâce à une filière textile très développée dans ce pays, et qui est le thioup. Ce dernier, que nous Africains aimons tant, a donné naissance à beaucoup de femmes entrepreneurs qui évoluent dans ce secteur. Et le savoir-faire des Sénégalais est aussi très reconnu dans la mesure où les thioup faits au Mali sont à 80% cousus au Sénégal. J’ai voulu m’arrêter pour magnifier cela.

Qui connaît Thiané Diagne sait que votre matière de prédilection est la soie. Pourquoi subitement le basin thioup ?
J’ai toujours fait un tableau avec du basin depuis mes premières éditions. Je ne peux pas parler de boubou sans parler de basin. Ma base de travail c’est le boubou. Et à l’origine, le boubou c’était en coton, en basin, en youmé que nos grands-mères portaient. Aujourd’hui, on ne peut pas parler de boubou, même si c’est en soie, sans parler de basin thioup. Thiané adore et travaille toujours la soie. Et tous les 3 tableaux que je ferai lors de cette soirée sont en soie. 80% des collections sont en soie, en dentelle, parce que c’est ce que les gens attendent de moi et c’est ce qu’ils connaissent de Jour J.

Après 21 ans d’expérience, vous êtes toujours dans le boubou. N’est-il pas temps de faire autre chose ?
Je ne suis pas que dans le boubou. Mes tenues iront défiler au Festival de Cannes, un peu partout dans le monde. Ce que je fais avec la soie, la dentelle, c’est ce que l’on retrouve dans les défilés de haute couture. Il n’y a pas de secret. Ce sont des matières, on les achète. On fait des créations qui sont respectées et reconnues, et donc ne vous en faites pas, c’est du beau. Et le beau est recherché partout. Le boubou a sa place. Il est toujours revisité et je pars de cette base. C’est une base de travail pour moi, mais après je crée. Il y a des formes que je veux garder, cette décence du boubou. Et je l’adore. Après, c’est de la création.

Le public de la Nuit du boubou est aussi habitué à voir Thiané sur différents tableaux. Combien y en aura-t-il cette année ?
Il y aura 4 tableaux avec du basin, d’autres tableaux avec de la soie, des tableaux glamour, des tenues de cérémonie. Mais cette année, j’ai voulu surtout mettre au-devant de la scène, comme je le disais plus haut, le savoir-faire malien, en invitant le Mali. Et la moindre des choses, quand on met un pays à l’honneur, c’est de permettre à une styliste de ce pays de se présenter. Je permettrai alors à Mme Maïga, d’Evidence Couture, présidente de l’Association des stylistes du Mali, de présenter une collection. Le choix n’est pas fortuit dans la mesure où elle travaille sur le boubou. Et pour cette édition, puisque c’est le Mali qui est invité d’honneur, j’ai choisi comme marraine la ministre de la Culture malienne, Ramatoulaye Ndiaye. Ce ne seront pas les seuls Maliens à la Nuit du boubou. Djiby Dramé sera également présent pour chanter mes sœurs maliennes. Il faut leur faire honneur et plaisir.

Lors des éditions précédentes, vous avez rendu hommage à des dames connues dans le milieu de la mode, comme Diouma Dieng Diakhaté, Collé Sow Ardo. Qui sera à l’honneur cette année ?
Nos grandes sœurs nous ont ouvert le chemin avec une excellente réputation à travers l’Afrique. Nous ne faisons que suivre leurs pas pour essayer d’être à la hauteur. Ce que je fais à chaque édition, c’est de rendre hommage à l’une d’entre elles, mais Diouma est la marraine de l’événement de manière continue. Lors de la 2e édition, j’ai rendu hommage à Collé qui est dans le pagne tissé et y excelle. Elle a défilé à travers le monde et emmené le nom du Sénégal partout. C’était pour moi un réel plaisir de l’associer à mon événement. Cette année, je voudrais rendre hommage à Ambroise Gomis, un monsieur qui a accompagné la mode sénégalaise. Il nous a accompagnés pendant des dizaines d’années. Aussi bien les stylistes, les coiffeuses, les mannequins, les miss lui sont redevables… Il a beaucoup fait dans le milieu de la mode. Il s’est un peu retiré, mais j’ai vraiment envie de lui rendre cet hommage. Je rendrais aussi hommage à une sœur qui m’a fait adorer la soie, Bébé Ndiaye. C’est une dame qui est toute tranquille dans son coin, travaille beaucoup les matières fluides et fait des merveilles. Je voudrais leur rendre hommage.
La Nuit du boubou se tenait habituellement tous les deux ans.

Mais de 2014 à aujourd’hui, ça fait 4 ans. Pourquoi il n’y a pas eu d’édition en 2016 ?
J’ai sauté l’édition de 2016, parce qu’à cette période j’ai déménagé ma structure et qui dit déménagement sait que c’est un remue-ménage très coûteux. Il faut se remettre en place. C’est pour cela que j’ai préféré attendre, le temps de tout remettre sur les rails et on redémarre. Cela a fait que tout le monde attendait cette Nuit du boubou.

Quel budget sert à l’organisation de cette édition ?
Je ne souhaite pas révéler le budget, mais qui dit événement sait qu’il faut beaucoup de moyens. Qui dit événement dit surtout sponsors. C’est dommage que les entreprises sénégalaises ne comprennent pas ce qu’est la mode. L’enjeu de la mode, même à travers le monde à l’heure actuelle, j’ai l’impression que nos entreprises ne l’ont pas saisi. Si on voit à travers le monde de grandes maisons comme Yves Saint Laurent, Christian Dior, ce sont aujourd’hui des grandes enseignes, mais ils ne le sont pas devenus en un jour. C’est parce qu’ils ont eu des financiers qui ont cru en eux, les ont accompagnés, ont investi et ont fait qu’aujourd’hui ces enseignes coûtent des milliards.

Vous voulez dire que vous organisez cette 3e édition et celles précédentes sans sponsor ?
C’est la troisième fois que je fais la Nuit du boubou. Je n’ai jusqu’à présent pas un sponsor sénégalais qui m’accompagne. Mais heureusement, j’ai pu en avoir au Mali grâce à la ministre de la Culture qui m’a mise en rapport avec ses partenaires maliens. Je n’ai pas de sponsors dans mon pays, mais d’autres personnes croient en moi et m’accompagnent. Et parmi ces soutiens, je remercie l’Oif qui est mon premier partenaire. Elle accompagne et finance la mode sénégalaise à travers la directrice en charge de la Diversité culturelle. Beau­coup d’événements faits par les jeunes stylistes sont financés par l’Oif. C’est notre premier partenaire. Il y a en outre des personnes qui croient en nous et nous soutiennent. Et malgré cela, on s’endette à chaque édition et on reste pratiquement 1 an à rembourser les dettes. Dans d’autres pays, la mode c’est au minimum 2 collections par an. Mais ici, c’est coûteux de le faire. C’est parce que nous n’avons pas les moyens qu’on attend tous les 2 ans pour sortir ce qu’on a fait. Et entre-temps, on sort chaque année des mini-collections dans les médias. On ne peut même pas faire de défilé avec elles parce que c’est coûteux.

Outre l’Oif, vous n’avez aucun soutien venant des autorités sénégalaises ?
J’ai eu deux audiences avec la ministre de la Femme, Saly Diop Dieng. Et une autre avec la ministre Ramatoulaye Diop. Le ministère de la Culture m’a aussi appelée. Ce qui veut dire que les choses sont en train de bouger. C’est ce qu’on attend de nos autorités, qu’elles nous accompagnent. C’est à la bonne heure. On attend les résultats. Et le fait de nous recevoir déjà en audience, de nous conseiller, ça nous fait du bien.

Vous comptez lancer un projet durant cette Nuit du boubou. De quoi s’agit-il réellement ?
Ce sera une surprise. C’est un projet qui me tient à cœur et tout ce que je peux dire, c’est que cela va accroître la visibilité de la mode sénégalaise de manière générale.

Quelle promesse faites-vous aux inconditionnels de la mode ce soir au Grand Théâtre ?
Ils auront un spectacle inédit, beaucoup de créations, des tableaux époustouflants. Ils passeront un moment exceptionnel et ne regretteront pas d’être venus à la Nuit du boubou.