Tidiane Ba, le spécialiste senior de la conception visuelle et de la production d’Akademiya 2063, nous parle de son amour pour la photographie à travers une exposition qu’il déroule dans le cadre de la 15ème édition de la Biennale de l’art africain contemporain. Chargé de la gestion et de la production de toutes les communications visuelles, y compris la conception d’imprimés, les graphiques Web, la photographie, la production vidéo et la stratégie de marque pour A2063 et ses programmes, Tidiane parle de l’évolution de la photographie en prenant en compte le développement des Tic.D’où vous vient l’amour pour les photos ?

Mon amour pour le photo-reportage s’est développé lorsque j’ai réalisé que la photographie pouvait être plus qu’une simple représentation visuelle. C’était un moyen de raconter des récits poignants, de documenter des réalités souvent oubliées et de donner une voix aux voix silencieuses. Armé de mon appareil, j’ai sillonné des villes et des contrées lointaines, capturant des visages, des scènes de vie quotidiennes marquées par l’histoire des paysages déchirés par le temps, et des moments d’une beauté éphémère.

Etes-vous un artiste introverti ?
Au fil des ans, j’ai vu mes photos non publiées, non exposées dans des galeries. Jusqu’à cette opportunité offerte par la Biennale de Dakar 2024 à travers le Pavillon du Sénégal.

Où vous mène votre voyage ?
Aujourd’hui, je continue mon voyage, explorant de nouveaux territoires visuels et cherchant toujours à capturer l’âme fugace de l’humanité à travers mon objectif. Pour moi, chaque photographie est une histoire en soi, une mémoire gravée dans le temps, témoignant de mon amour infini pour l’art et le pouvoir transformateur de l’image.

Que vous inspire la quinzième édition de la Biennale de l’art contemporain ?
La quinzième édition de la Biennale de l’art africain contemporain 2024 au Pavillon du Sénégal se passe assez bien. Le jour de l’ouverture, on a eu la visite de Son Excellence le Pré­sident Bassirou Diomaye Faye et de la ministre de la Culture. Il y a un engouement et beaucoup de visiteurs depuis lors.

Et vos photos exposées dans le cadre de cette bien­nale, pouvez-vous nous dire leur particularité ?
Dans cette biennale, les photos que j’expose sont 2 séries de reportage : c’est une exploration visuelle du lien profond qui existe entre le travail humain, le don de soi pour la communauté, la foi et la récompense divine. Je cherche à témoigner de la force de la foi et de la spiritualité dans la vie quotidienne des individus, et de la manière dont ces croyances façonnent leur perception du travail et de sa valeur. Ma série de photographies capture des moments intimes et authentiques où le travail devient un acte de dévotion, une expression de gratitude envers le Créateur.

Quel est l’effet recherché à travers vos photos ?
Mon objectif est de nourrir le dialogue autour des valeurs spirituelles et éthiques qui guident notre travail, et d’encourager une vision plus holistique et inclusive de la réussite et de la récompense. J’ai réalisé ces 2 séries durant l’été 2023 et pendant le Ramadan 2024.

Parlez-nous de l’évolution de la photographie avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication ?
L’évolution de la photographie, influencée par les Nouvelles technologies de l’information et de la communication (Ntic), est encore à ses débuts, pour moi, cela va se caractériser par une démocratisation de l’accès aux outils de création visuelle, par une simplification des techniques de prise de vue et de retouche, et une accélération de la diffusion des images. Les smartphones et les plateformes sociales vont faciliter la production et le partage instantané de photos, donnant une voix à un plus large éventail de créateurs.

Les avancées en intelligence artificielle, en réalité augmentée, et le traitement numérique vont permettre une personnalisation des images et ouvriront de nouvelles perspectives créatives, et aussi de soutenir la préservation et la diffusion du patrimoine visuel africain. Le potentiel de l’Ia peut favoriser des récits plus inclusifs, interactifs et immersifs. Il pourrait également contribuer à un changement profond dans la manière dont l’Afrique est perçue à travers l’objectif de la photographie. Mais attention, ces technologies génèrent des défis liés à la protection de la propriété intellectuelle, à la gestion de la surabondance visuelle et l’impact sur la perception de la réalité. Pour moi, je préfère voir le bon côté des choses, elles vont enrichir la photographie tout en redéfinissant son rôle dans la société contemporaine.

Que pensez-vous de l’avenir de la photographie classique ?
La photographie classique, avec ses techniques traditionnelles comme la photographie argentique et l’utilisation de matériels manuels (appareils reflex, chambres obscures, etc.), est indéniablement en déclin face à la montée en puissance des technologies numériques. Cependant, elle ne risque pas nécessairement de disparaître. Elle résistera sous la forme d’un art de niche, d’une pratique artistique et d’un moyen d’expression valorisé pour son authenticité et sa profondeur. Plutôt que de disparaître, la photographie traditionnelle pourrait évoluer en parallèle avec les avancées technologiques, en répondant à une demande spécifique pour ceux qui recherchent une expérience différente, plus tactile et plus réfléchie. Dans le cadre de l’éducation photographique, pour la compréhension de la lumière, de la composition et des bases de la photographie. Il va falloir continuer d’enseigner les techniques classiques. La maîtrise de l’argentique permet aussi une meilleure appréciation des technologies numériques, car elle aide à comprendre la manière dont les appareils fonctionnent au niveau fondamental.

Avez-vous trouvé votre compte à travers la biennale en termes de vente de vos expositions ?
La Biennale de Dakar offre effectivement un cadre propice à la vente des œuvres des artistes exposants. Bien qu’elle soit avant tout une plateforme de présentation et de célébration de l’art contemporain africain, elle a mis en place un ensemble d’initiatives qui facilitent l’achat et la vente des œuvres. Cela inclut la collaboration avec des galeries, des espaces dédiés à la vente, ainsi que des partenariats avec des acteurs institutionnels et privés qui soutiennent les artistes à la fois sur le plan de la visibilité et de la commercialisation.

Mais je n’ai pas encore senti cela au niveau du Pavillon du Sénégal, donc toujours pas de vente ni de contact avec des galeristes ou collectionneurs pour le moment. Je pense que l’Etat du Sénégal devrait acheter au moins une œuvre à chaque exposant du Pavillon du Sénégal et décorer les salles d’attente, de réunion et ou bureau des ministères, mais aussi dans nos ambassades respectives en Afrique et à l’étranger.  J’ose espérer que cette biennale va jouer un rôle catalyseur dans ma carrière artistique. Je vais améliorer ma technique et ma démarche artistique pour aller conquérir le monde.
Propos recueillis par Amadou MBODJI (ambodji@lequotidien.sn)