Ancien sélectionneur du Sénégal, Lamine Ndiaye s’est dit ravi de voir les Lions décrocher la première Can de l’histoire du foot sénégalais. Un sacre qui, selon lui, s’est construit dans la durée, à l’issue d’un «travail de longue haleine, l’aboutissement d’un long processus». Une motivation de plus pour les hommes de Aliou Cissé au moment d’aller défier le football mondial, en novembre prochain au Qatar. A nouveau champion de Guinée avec le Horoya Ac, l’ancien international sénégalais s’est aussi exprimé sur son parcours sur la scène africaine, loin d’être satisfaisant, et aussi sur les chances de Sadio Mané dans la course au Ballon d’Or européen.Quel bilan tirez-vous de la saison du Horoya avec un nouveau titre de champion de Guinée ?

Déjà quand on est champion, cela veut dire qu’on est plus régulier que les autres équipes. Quand je regarde le classement, sur les 10 premiers sur 14 équipes, il n’y a que le 4e et le 5e qui nous ont pris des points. Sinon, tout le reste, on les a battus à l’aller comme au retour. Ce n’est pas rien. C’est indispensable pour un club d’une telle dimension parce que, comme on compte jouer l’Afrique tous les ans, c’est une obligation même. Donc moi, j’ai l’obligation d’être champion. Ça fait partie de mes prérogatives. Maintenant, on avait d’autres ambitions parce qu’on jouait sur deux tableaux, la Ligue des Champions et le championnat. Le championnat, ça s’est bien passé. Par contre, en Coupe d’Afrique, on a vraiment été en-dessous de ce qu’on espérait parce qu’on pensait sortir des poules. Malheureusement, cette année, on a commis vraiment beaucoup d’erreurs individuelles. Et quand tu veux prétendre jouer les premiers rôles dans une compétition africaine, il faut avoir une défense hermétique.

Justement, comment expliquez-vous une telle contre-performance en compétition africaine ?
C’est un problème d’efficacité dans les deux surfaces. On n’a pas été efficace défensivement et offensivement. Tous les matchs qu’on a joués en Ligue des Champions, on a tiré deux fois plus que l’adversaire, on a cadré deux fois plus que l’adversaire, mais on n’a marqué que 5 buts. Il faut que les attaquants marquent plus de buts et nos défenseurs gardent soigneusement notre but. Il y a eu beaucoup de fautes individuelles.

Est-ce à dire qu’il faudra renforcer l’équipe pour la saison prochaine ?
Pas forcément, mais il y a des secteurs qu’on va essayer de densifier car on joue beaucoup et on n’est pas à l’abri des blessures, de suspensions. Si tu veux garder une bonne assise, il faut que tes doublons soient de très bon niveau aussi. Aussi bons que ceux qui jouent habituellement.

Comment se passe l’intégration des Sénégalais au sein de l’équipe ?
Disons qu’en ce qui concerne le gardien Khadim Ndiaye, il n’a fait qu’un seul match. Comme vous le savez, il avait une grave blessure et qu’il était en train de se soigner. Maintenant, ça va. En cette fin de saison, ça va beaucoup mieux. Il arrive à s’entraîner sans pour autant avoir mal. Le latéral Khadim Diaw s’est bien intégré. Il a été même désigné meilleur étranger l’année dernière. Il poursuit son chemin. Il a fait un bon championnat. Dans l’ensemble, il a vraiment joué son rôle. Il s’est bien intégré. Il y a aussi Pape Abdou (Ndiaye) qui a eu plus de mal cette année. Autant Khadim Diaw s’est intégré tout de suite, autant lui, il a eu du mal parce que c’est un football qui est technique, qui est aussi en même temps physique. Il a eu du mal. Cependant, dans les matchs de préparation, il a été meilleur. Mais en championnat, il n’a mis que 4 buts. C’est peu pour un attaquant étranger. Mais il a le potentiel pour réussir.

Est-ce qu’il y a d’autres Sénégalais qui sont ciblés pour la prochaine saison ?
Même si c’est le cas, je ne le dirai pas (rire). Il n’y a pas que des Sénégalais, même si l’entraîneur est un Sénégalais. J’ai des Maliens, des Ghanéens, des Nigérians… J’ai plusieurs nationalités dans l’équipe. On cherche les bons joueurs n’importe où. Donc, on ne va pas se focaliser sur les Sénégalais.

Vous aviez signé un con­trat de 3 ans avec le Ho­roya. C’est bientôt la fin, allez-vous poursuivre l’aventure ou tenter une nouvelle expérience ail­leurs ?
Pour l’instant, je suis sous contrat. Il n’y a pas de discussions à avoir. On va finir le contrat et on verra. Le contrat finit cette année.

Est-ce que des discussions ont été entamées ?
Honnêtement, on est plus focalisé sur le travail que sur ça.

Comment avez vous vécu ces deux ans et demi à la tête du Horoya ?
Je dirais avec des hauts et des bas. La première année, on a fait une demi-finale de Coupe Caf et puis les deux autres années, on sort au stade de la phase de poule. Ce qui est loin de ce qu’on espérait. Forcément, on n’est pas satisfait du résultat. Cependant, on peut envisager l’avenir avec beaucoup d’optimisme. La matière est là. On peut mieux faire et on doit même faire beaucoup.

Ancien sélectionneur de l’Equipe nationale du Sénégal. Comment avez vous vécu le sacre des Lions à la Can 2021 et la seconde qualification d’affilée à la Coupe du monde ?
Avec beaucoup d’enthousiasme. On attendait une Coupe d’Afrique depuis des années. Enfin, c’est arrivé. On est ravi, et c’est mérité. Quand on regarde les résultats depuis quelques années, il y a une progression constante. C’était l’aboutissement d’un long processus. Vraiment, on ne peut que féliciter le sélectionneur et son équipe. Ils ont fait du bon boulot depuis pas mal de temps déjà. Il y a une continuité dans le travail. C’est cela qui a manqué par le passé. Les gens qui lui ont fait confiance ne l’ont pas regretté. C’est un travail de longue haleine. Maintenant, ça va être plus difficile parce que tout le monde va vouloir battre le champion. Il faudra tout le temps faire de gros matchs pour s’en sortir.

Le Sénégal va être le pays à battre en Afrique.
On connaît vos rapports avec le sélectionneur Aliou Cissé. Quel est le conseil que vous lui donnerez pour maintenir le cap ?
Quel conseil veux-tu qu’on donne à quelqu’un qui vient de gagner la Coupe d’Afrique ? (rire). On le laisse travailler comme j’ai toujours dit et il va faire les résultats que tout le monde attend. C’est une évidence. un Un grand bravo à lui et à son équipe.

Comment analysez-vous les performances de l’Equi­pe nationale ?
Comme tout le monde. Vous savez, tous les spécialistes disent qu’on a de bons joueurs, un bon sélectionneur et qu’il n’y a pas de raison que ça ne marche pas. Ça a marché en Coupe d’Afrique, pourquoi pas en Coupe du monde. Mais c’est une autre histoire. Il faut espérer ne pas avoir de blessés déjà.

Peut-on être optimiste quant à une bonne Coupe du monde ?
Pourquoi on ne le sera pas ? Avec tout ce qui vient de se passer, je pense que le moral est au beau fixe. Maintenant, le football, ce ne sont pas les mathématiques. Et puis on est dans un groupe très relevé. Les gens pensent que c’est un groupe facile, mais… Déjà la Hollande, pour le premier match, c’est déjà très important. Ensuite, l’Equateur, les gens ne connaissent pas, mais athlétiquement, ils sont très puissants et c’est une très bonne équipe. Si vous regardez les qualifications dans leur groupe, ils ont tenu tête au Brésil, à l’Argentine, en n’étant pas ridicules du tout. Il ne faut pas les sous-estimer. Et puis le Qatar, c’est le pays organisateur. On ne sait pas. On est dans l’inconnu. En général, ils naturalisaient pas mal de Brésiliens. C’est un pays qui se prépare depuis des années. Il faudra être vigilant. Et je sais que le sélectionneur le sera. En tous cas, tout ce qu’on peut souhaiter aux joueurs, c’est la bonne santé. Le reste, avec le trophée qu’on vient de remporter, le moral sera encore plus haut.

Le leader de cette équipe, Sadio Mané, qui réalise une bonne saison avec Liverpool, en plus des résultats avec le Sénégal, est proche de remporter le Ballon d’Or, cette année. Quel est votre avis sur la question ?
Si tout le monde le pense, cela veut dire qu’il a forcément ses chances. Maintenant, on peut avoir ses chances et ne pas l’avoir. Cela n’enlèvera en rien ses qualités d’homme avant de parler du footballeur. Quand on voit ce que ce garçon réalise avec l’humilité qu’on lui connaît, on ne peut que s’incliner. Voilà un garçon qui a la tête sur les épaules, qui est bon footballeur, patriote à 1000%. On ne peut que lui souhaiter la santé et une longue vie. Après le reste, comme il est croyant, c’est Dieu qui le fera. Pour le Ballon d’Or, il y a beaucoup de candidats. Ça se joue à pas grand-chose. Tout ne dépend malheureusement, ni des Sénégalais ni de lui. On ne peut que prier pour qu’il puisse connaître la consécration au plus haut niveau.

Est-ce que gagner la Ligue des Champions pour­rait lui permettre de remporter le Ballon d’Or ?
C’est ce qu’on dit, mais vous savez, ce sont des individus comme toi, moi qui votent. Les gens ont des préférences de ceci ou de cela. Il n’y a qu’à voir le dernier Ballon d’Or comment ça s’est passé. Ce n’est pas souvent à celui que tout le monde pense qui gagne. Ce sont des votes qui parfois sont subjectifs. Prions seulement pour qu’il gagne des trophées. C’est ça qui restera quand il aura arrêté sa carrière. D’avoir gagner beaucoup de Ligues des Champions, de titres avec son équipe, c’est cela que les gens retiendront. Maintenant, pourquoi pas être le prochain Ballon d’Or.

Est-ce qu’on peut revoir demain Lamine Ndiaye sur le banc d’une sélection africaine ?
Tu sais, il ne faut jamais dire jamais. Mais pour l’instant, je ne l’envisage pas. On m’a appris à ne jamais dire jamais parce que c’est comme ça. Pour l’instant, je suis bien là où je suis.