«Housseynatou» de Lamine Kamara : L’histoire d’une femme intrépide

C’est l’histoire de Housseynatou, sœur jumelle de Hassanatou et fille de Mody Oury Diallo, élevée dans une société patriarcale.Par Emeraude KOUKA –
Auteur du célèbre roman Safrin ou le duel au fouet, qui ouvre sa biographie, et par lequel beaucoup de lecteurs sont entrés dans son œuvre, Lamine Kamara, né en 1940 (peu ou prou dix-huit ans avant l’indépendance de la Guinée), est incontestablement à l’école de l’innutrition des grandes légendes et des pratiques traditionnelles. L’ancrage est tel que son écriture, à bien des égards, hésite entre une fiction totale et un récit populaire. Et c’est le cas de Notoughol ou l’épreuve de la virginité qui, narrée de façon linéaire, avec une forme de vraisemblance propre au souvenir d’une histoire rapportée, semble être inspirée de faits réels ; ce, bien que Lamine Kamara nous dissuade de ce soupçon, à travers la franchise de la postface du roman, qui justifie son choix de situer l’histoire dans la ville de Dabola où, nous apprend-il, le notoughol n’est pas pratiqué. Soit. L’histoire se déroule néanmoins dans une période qui semble être post-coloniale, avec des atavismes plutôt revêches.
Notoughol et mariage forcé
C’est l’histoire de Housseynatou, sœur jumelle de Hassanatou et fille de Mody Oury Diallo, élevée dans une société patriarcale où les femmes sont, traditionnellement, soumises aux mutilations génitales et mariées très tôt, du moins parfois, sinon toujours, sans leur consentement. Housseynatou et sa sœur partagent d’autres aspirations et voient vite que leur avis ne compte pas. Housseynatou, à peine pubère, est d’ailleurs promise à un polygame sexagénaire : Alpha Abdoulaye Barry. Naît alors cette propension à la bravade chez cette adolescente décidée à vivre sa vie sans subir ce dictat. Lamine Kamara, qui met particulièrement en exergue le notoughol, pousse le trait sur le sujet quand la pratique traditionnelle dont Housseynatou tente de s’émanciper avec son lot de conséquences, devient gage de protection face aux potentiels violeurs, fourbes bienfaiteurs, goujats au comportement conditionné par l’irrésistible beauté de l’affriolante jeune dame. La pratique est alors dédramatisée, perçue comme jouant pleinement son rôle pour garantir la virginité de la jeune fille.
Opiniâtreté
A l’injonction sociale, Housseynatou oppose une volonté sans faille à vivre sa vie comme elle l’entend. Si le notoughol, mal nécessaire dans les cas de tentative de viol, est d’un grand secours, elle montre une certaine ténacité dans le refus de se résoudre à l’impossible. Aucune résignation face aux normes sociales, c’est dit ! Mais également un refus d’abandonner face aux nombreuses difficultés qu’elle rencontre dans la poursuite de son rêve le plus émancipateur, à savoir devenir une vedette de la chanson. Entre ses heurs et ses malheurs, son histoire semble tracée à l’avance, avec, toujours, une sorte de «bon samaritain» ou de «deus ex machina» prêt à lui apporter de l’aide au moment où tout semble perdu -c’est probablement une des facilités de ce roman qui, orientant le personnage principal vers un inévitable destin, prévoit invariablement la «personne» qui dénoue une situation désespérée.
Peut-être le narrateur (omniscient) est-il lui-même pris au jeu divin de créer un destin merveilleux à son personnage : le roman prend parfois un ton didactique qui casse le voyage narratif initial. C’est le cas du chapitre 7 «L’épreuve» qui expose l’auteur à une lubie d’essayiste, propension à des digressions discursives surérogatoires. Cela s’illustre également par l’évocation (page 61) du type d’excision selon l’Organisation mondiale de la santé. Cette (trop) grande implication du narrateur est, enfin, remarquable à travers de superflues intrusions aux pages 137 et 192.
Il importe aussi de relever le caractère superfétatoire de la postface dont le contenu, sans trop l’étendre, aurait pu être placé en «avertissement» pour préciser que le notoughol est un trait culturel propre au Fouta Djalon.
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