Ousmane Sonko doit revoir sa stratégie politique et arrêter de l’axer sur la peur. C’est l’avis de Idrissa Diabira qui garde l’espoir qu’à la fin des enquêtes déclenchées par le Parquet, tous ceux qui réclament la lumière dans l’affaire Aliou Sall-Petro Tim vont accepter les conclu­sions. Le Dg de l’Adepme (Agence de dévelop­pe­ment et d’encadrement des petites et moyennes entreprises) évoque aussi les perfor­man­ces de son agence et les perspectives de celle-ci.

La plateforme Aar li ñu bokk continue de réclamer la lumière dans l’affaire Aliou Sall-Petro Tim pendant que la Dic et la Section de recherches de la gendarmerie poursuivent leurs enquêtes. Quelle analyse faites-vous de cette situation ?
Il faut laisser à la justice le soin d’éclairer définitivement les citoyens en disant in fine le droit et en rétablissant les faits. Je déplore qu’un reportage loin des standards d’impartialité nous conduise à une affaire de cette ampleur. J’espère qu’à l’issue de ces enquêtes, tous ceux qui réclament la lumière accepteront aussi les conclusions. Je garde l’amer souvenir de mauvais perdants qui, défaits par les urnes en février dernier, sont incapables de reconnaître leur défaite et de s’élever au niveau de maturité du Peuple sénégalais.

A vous entendre, vous remettez en cause l’enquête de la Bbc sur l’affaire…
Tout à fait. Le reportage laisse songeur. Il prétend que le Sénégal a perdu des dizaines de milliards de dollars alors même que le Code pétrolier de 1998 exonérait de toutes taxes durant les phases d’exploration et de développement. L’objectif était d’attirer ceux qui nous permettraient enfin de trouver des hydrocarbures. Car, et il faut le marteler, personne n’en avait alors jamais trouvé en quantité au Sénégal. Or le reportage fait totalement silence de ce point essentiel. Il s’inscrit dans de grossières théories du complot en insinuant que tout était planifié. Certains soutiennent même que Macky Sall savait que notre sous-sol détenait d’énormes réserves depuis son passage à Petrosen en 2000. Impossible de raisonner les «complotistes», mais l’enquête informera au moins les autres, la majorité.

Le chef de l’Etat aurait dit sa détermination de voir la justice aller jusqu’au bout dans cette affaire. Est-ce que vous avez le sentiment que ce dossier va aboutir à un procès ?
Je ne connais pas l’issue de l’enquête, mais nul n’a intérêt ni la possibilité d’enterrer ce dossier. La lumière, j’en suis convaincu, sera faite. La justice s’exprimera, il y va de son honneur et de sa crédibilité, l’une des caractéristiques de la justice sénégalaise. Il y va aussi de l’honneur d’un homme jeté en pâture du fait de sa parenté avec le chef de l’Etat. Ce dossier ne peut pas en rester là.
D’accusé, Aliou Sall a été interrogé à titre de témoin par la Dic.

Cela ne risque-t-il pas de vicier la procédure enclenchée par le Parquet ?
Une certaine opinion le veut coupable et condamné. Mais il bénéficie de la présomption d’innocence comme tout citoyen. Je connais son éthique et sa résilience. Encore une fois la baraka d’avoir contribué à découvrir du gaz et du pétrole s’avérera toujours pour certains comme une preuve de culpabilité. Mais la probité ne saurait être jugée à l’aune des défaites. Le plus affligeant est que nous perdons l’essentiel de vue qui est de préparer ensemble nos Pme et notre économie à la phase d’exploitation à venir. C’est ce bénéfice qu’il faut aller capter.
Lors de l’examen de la Loi de finances rectificative, le député Ousmane Sonko a eu à taxer le ministre des Finances, voire même le gouvernement, d’incompétent et parler de sérieux problèmes de gestion qui risqueraient de mener le pays vers des difficultés.

Partagez-vous son avis ?
Il fait malheureusement partie de ceux qui ont décidé de rester dans le déni. Souvenons-nous de son attitude à l’issue de la Présidentielle ! Je suis toujours surpris de ceux, a fortiori des jeunes hommes politiques, qui font ce pari du déni, du repli et de la peur comme socle de leur projet de société. Nulle part cela prospère, encore moins au Sénégal dont le Peuple, ouvert et mature, a toujours fait le choix de l’espoir. Mais un pays dont le taux de croissance est de 6,6% en moyenne et qui a réussi à avoir plus de 6% de croissance durant 5 années consécutives, un fait inédit depuis plus de 50 ans, est tout sauf dirigé par des incompétents.

Au cours de cette rencontre, le député Sonko a décrit aussi un pays très endetté, où le ministre des Finances va même jusqu’à accorder des remises fiscales à des privés…
La stratégie de la peur ne résiste pas à l’épreuve des faits. L’honnêteté intellectuelle consiste à expliquer que l’endettement est naturel pour tout pays, toute entreprise ou tout foyer qui souhaite se développer. La dette est aussi un investissement. Le défi est de bien s’endetter dans des projets productifs, générateurs de croissance, de richesses et d’emplois. C’est le sens de la politique du gouvernement du Sénégal ; d’où les résultats économiques incontestables. La réalité, c’est que le niveau de la dette est de 51,5% du Pib, loin de la norme communautaire de 70%, et que tous les seuils de sa viabilité sont respectés et que notre risque de surendettement est estampillé faible, soit le moins élevé.

La décision du ministère de l’Intérieur de porter le montant de la caution à 10 millions de francs Cfa pour les listes candidates aux municipales et à 20 millions pour les élections départementales n’emporte pas l’adhésion de tous. Est-ce qu’il ne va pas falloir revoir ces montants à la baisse ?
6 mois avant la date du prochain scrutin, l’Etat doit fixer le montant de la caution. La position sur le montant n’était pas consensuelle, notamment avec le Pds. L’Etat a donc pris ses responsabilités. Le chef de l’Etat a ouvert le processus du dialogue national avec un homme d’Etat unanimement accepté, Famara Sagna. Aucune question n’y est taboue. Et si un consensus intervient, rien, à mon sens, n’empêche de réduire les montants.

Avec cette caution qu’on a demandée pour Les locales, ne pensez-vous pas que le pays est devenu une démocratie censitaire ?
Non, je ne crois pas. Il faut trouver un équilibre entre le fait que les scrutins soient désormais plus ouverts avec les indépendants et la nécessité de la lisibilité pour le choix du citoyen. Un procès similaire a eu lieu contre le parrainage, pourtant une ancienne disposition électorale. Les candidatures se résument de plus en plus à des caprices personnels portés par des écuries dépourvues d’idéologie et même d’idées. Le principe d’un regroupement ou d’un montant minimal attestant d’un minimum de crédit devient un filtre impératif pour éviter que chacun puisse rendre illisibles les temps démocratiques.

Récemment, un classement de l’Onu a désigné l’Adepme comme la première agence d’accompagnement des Pme dans l’espace Cedeao. Qu’est-ce qui est en fait à la base de cette performance ?
En effet, il s’agit d’un benchmarking effectué par le Centre de commerce international (Itc), une agence de l’Onu et de l’Omc. Itc évalue la performance des organisations de promotion des Pme sur 4 domaines et 225 indicateurs. A l’issue de ce benchmarking, notre note de 56,51% nous classe 1er en zone Cedeao, 3ème en Afrique sur 25 et 18ème dans le monde sur 64. C’est une vraie fierté pour un personnel engagé et très professionnel, compte tenu des pays majeurs du classement en Afrique et dans le monde comme l’Afrique du Sud, le Maroc, le Rwanda, Maurice ou la Malaisie.
Cette performance tient d’abord à la volonté du chef de l’Etat d’avoir une agence de référence. Elle tient aussi à notre état d’esprit de nous comparer et de nous auto-évaluer pour constamment progresser. Elle tient enfin, selon quelques-uns des indicateurs du benchmarking, à la pertinence de notre portefeuille de produits, à notre capacité à atteindre nos résultats, à notre bonne interaction avec les parties prenantes et nos partenariats stratégiques ou à notre capacité à mobiliser des ressources financières autres que celles de l’Etat.
Nous sommes en train de développer un modèle d’accompagnement des Pme quasi-unique en Afrique. Il est centré sur la notation et le profilage du risque des Pme. Il répond à la cause structurelle des difficultés des entreprises, l’asymétrie d’information entre elles et les institutions financières, les grandes entreprises et l’Etat. En palliant cette asymétrie, nous construisons la confiance et démultiplions pour les Pme les opportunités, notamment d’accès à du financement massif privé. Ainsi après Ecobank, la Sgbs a mobilisé 170 milliards sur 5 ans pour les Pme et déjà 7 milliards ont été débloqués ces 6 premiers mois de 2019. D’autres institutions financières majeures privées et publiques entendent aussi nous faire confiance.
Récemment, une rencontre sur le contenu local dans l’exploitation des ressources pétrolières et gazières s’est tenue à Diamniadio.

Peut-on savoir ce que l’Adepme a posé comme acte pour accompagner le secteur privé dans ce domaine ?
L’Adepme finalise son plan stratégique 2019-2023. Notre vision est d’offrir un accompagnement adapté aux besoins de chaque Pme pour qu’elle devienne un champion national. Nous voulons être le coach des futurs champions. Nos partenaires nous y accompagnent. Ainsi, la Coopération allemande avec la Giz a accepté de définir avec nous un programme-pilote Champion dans lequel nous allons appuyer les Pme à haut potentiel dans 6 régions et d’autres Pme dans les chaînes de valeurs.
Nous sommes prêts à appuyer les Pme qui s’inscriront dans le contenu local. La loi et ses conditions prévoient qu’un Fonds d’assistance technique soit alimenté par les multinationales, le nôtre qui est à Frais partagés a fait ses preuves, est opérationnel et en cours de certification. Il est alimenté par les Ptf comme la Banque mondiale, la Bad, l’Afd ou la Giz.

Vous décrivez une agence qui est performante. Est-ce qu’on peut avoir une idée globale des réalisations de l’Adepme ?
Nous avons achevé avec succès notre contrat de performance 2016-2018. Mais si je résume la période 2012-2018, je peux dire que nous avons accueilli, sensibilisé ou orienté près de 300 mille personnes. Nous avons encadré 16 mille Pme, mobilisé 20 milliards de francs Cfa pour elles et scoré près de 400 Pme. Enfin, nous avons un taux de financement de Pme encadré de 55%, alors que 70% des projets sont en moyenne rejetés par les banques.

Il y a quelques semaines, la Journée mondiale des Pme a été célébrée. Quel bilan tirez-vous de cet événement ?
Le bilan fut excellent, car la journée du 27 juin, dédiée aux Pme par les Nations unies, traduit l’importance des Pme pour l’atteinte les Objectifs du développement durable en 2030. Au Sénégal, elles représentent 99,8% des entreprises, mais nous ignorions leur poids dans le Pib. L’Ansd l’a annoncé durant cette journée, c’est 36% en 2006. Représenter c’est agir, disait Piaget. Nous devons collectivement ajuster et regrouper nos efforts pour améliorer ce taux, avoir davantage d’impact et faire des Pme le futur moteur de la croissance du Pse.