Nous saluons vivement l’initiative prise par l’association de la famille de Thierno Mbaye Sylla (sous la coordination de Baye Seydi Sylla) et la fédération des dahira Layenne de célébrer la mémoire de leur grand père et marabout. Car ils ont compris que celui qui perd sa mémoire perd aussi ses repères et son avenir ; et que, comme dit le penseur, il faut longtemps célébrer les défunts, l’héritage traversant difficilement les siècles, se délégant malaisément de génération en génération. Sous la bénédiction de Seydina Abdoulaye Thiaw Laye (Khalife des Layenne) et la présidence effective de Cherif Mouhamadou Lamine Laye, les deux premières éditions se sont tenues les 13 décembre 2015 et 12 février 2017 au pénc de Cëriñ et à la grande mosquée de Dakar. Nous leur souhaitons bon courage et bonne continuation ; et livrons ici, en guise de contribution, ce sommaire portrait du saint homme, inspiré de leur plaquette de vulgarisation.
«Thierno Mbaye Sylla est Imaam, fils d’Imaam, père d’Imaam et grand père d’Imaam»
Extrait d’une chanson populaire
Né en 1827 à Dakar, Imaam Thierno Mbaye Sylla est le fils de Matar Sylla Kheury Diop et d’Aissatou Ndoye. Matar Sylla, fils de Kheury Diop (qui est la sœur germaine de Dial Diop, 1e Sëriñ Ndakaaru), fut un grand chef religieux de la collectivité lébu. A la destitution de Matar Diop, dit Mataari Anta, fils ainé et remplaçant de Dial Diop à la tête de la communauté, suite à la fameuse bataille dite de Pikin, il a eu à cumuler les fonctions de Sëriñ Ndakaaru et d’Imaam Raatib, de 1830 à 1831. Après un an de cumul, il démissionna de sa fonction de Sëriñ où il fut remplacé par Matar Diol, dit Elimane Diol, pour se consacrer exclusivement à l’imamat. Il fut proclamé Imaam Raatib et Xaali, fonction qu’il remplit jusqu’à son décès en 1858.
Thierno Mbaye Sylla a fait ses études islamiques dans un village de la région de Thiès appelé Kunjë, où il eut, en 1834, une vision de sa rencontre future avec Seydina Limamou Laye, soit 9 années avant sa venue au monde. Il a parfait son cursus dans le Fouta, où il acquit le titre de Thierno, puis à Mbao. À l’âge de 34 ans, il fut nommé Imaam et Xaali ; et, à sa 15e année de fonction, lors d’un procès qui opposait deux familles «Yoofoise», il rencontra Seydina Limamou, se souvint de sa vision d’enfance, et se lia d’amitié avec lui.
Les années passèrent, consolidant leur sincère amitié. Et, sept années après leur heureuse rencontre, Seydina Limamou lança son fameux et retentissant appel : «Ajiibo Daahiya Laahi» (Venez répondre à l’appel de Dieu) ; et, deux mois plus tard, un vendredi, jour de Korité, Thierno Mbaye Sylla déclara à ses condisciples : «Dieu m’a fait savoir que le Mahdi que nous attendions est apparu et quiconque se hâte de répondre à son appel aura des faveurs dans l’au-delà». C’est ainsi qu’accompagné de Matar Ndoye Bu Ndaw, Matar Ndoye Bu Mag, Baye Abdoulaye Sylla et Ousseynou Paye, il se rendit à Yoof, la bienheureuse, et fit acte d’allégeance à Seydina Limamou Laye Coumba Ndoye.
Mais, si son amitié avec Limamou était jugée acceptable, sa réponse positive à son appel réveilla des rancœurs ; et, devant une certaine hostilité grandissante, suite à son allégeance, il finit par démissionner de ses fonctions d’Imaam Raatib et de Xaali, car disait-il : «Je préfère les honneurs de l’au-delà à ceux d’ici-bas». Et d’ajouter à l’adresse de ses détracteurs : «Chacun de vous a un ami parmi les blancs, incirconcis et mécréants, et vous me refusez l’honneur d’avoir un ami noir, homme de Dieu de surcroit. Allez donc avec vos amis, je vais rejoindre le mien».
Ainsi l’ami devenu disciple rejoignit son maître et devint son confident, telle une étoile embrassant la pleine lune ou une pleine lune se dissipant dans le soleil, s’écriant tout comme s’était écrié le prince des amoureux, El Hadj Mansour : «Je suis devenu celui que j’aime, celui que j’aime est devenu moi…»
Et, comme le rappelle la chanson populaire, semblable à Ababacar Sadikh qui fut le premier notable de la Mecque à croire en la mission du prophète Mohamed, à le suivre et fut aussi son beau père, Ababacar Sylla fut le premier notable de Dakar à croire en la mission de Seydina Limamou et à le suivre ; il fut aussi son beau père. Il lui restera fidèle sa vie durant et décéda en 1902, à l’âge de 75 ans, soit 7 années avant le saint maître. Ainsi, celui qui eut la vision de la mission de Limamou à l’âge de 7 ans et se lia d’amitié avec lui 7 années avant son appel, fut enterré au cimetière qui se trouvait à l’époque sur le site de l’actuelle grande mosquée de Dakar. Sa tombe se trouvait, dit-on, au pied des trois palmiers entre la mosquée et l’institut islamique.
Sa fille, la pieuse Aminata, dite Mame Touti, qu’il avait donnée en mariage à Seydina Limamou Laye, à la fin de sa détention à Gorée, suite à de fausses accusations, est la mère de Seydina Ababacar Laye qui fut Imaam de la grande mosquée de Yoof Laayeen. Elle est aussi la grand-mère de Chérif Mouhamadou Bachir Laye (Imaam de la grande mosquée de Yoof), Cherif Mouhamadou Lamine Laye, Chérif Mame Libasse Laye (qui dirige les prières de Korité et de Tabaski à Yoof), Chérif Mouhamadou Makhtar Laye (Imaam de la grande mosquée de Yoof), et Chérif Mame Alassane Laye…
Ainsi donc, Thierno Mbaye Sylla, l’ami, le disciple et confident de Seydina Limamou Laye est, comme disent les diseurs de louanges, Imaam, fils d’Imaam, père d’Imaam et grand père d’Imaam.
Abdou Khadre GAYE
Ecrivain, Président de l’Emad
emadassociation1@gmail.com