Les usines productrices de farine et d’huile de poisson menacent  l’avenir des communautés côtières africaines, avertit la Confédération africaine de pêche artisanale (Caopa) qui se penche depuis hier sur le thème : «Pour une aquaculture artisanale durable, complémentaire à la pêche artisanale africaine.»Par Alioune Badara CISS(Correspondant) –

 La sardinelle joue un rôle-clé dans l’alimentation humaine et la création d’emplois. Mais si on n’y prend garde, ce filet de sécurité alimentaire risque d’être sérieusement menacé à cause de la surexploitation, mais également à cause de l’implantation des usines de farine et d’huile de poisson. «En Afrique de l’Ouest, ce sont nos sardinelles, en état de surexploitation, qui sont en déperdition, transformées en farine et en huile pour l’exportation, souvent pour nourrir des poissons d’aquaculture en Nor­vège, en Chine ou en Turquie. Alors qu’elles jouent un rôle-clé dans l’alimentation humaine, la création d’emplois, et soutiennent l’économie ouest-africaine. La raréfaction actuelle de cette ressource se ressent au niveau du panier de la ménagère, mais aussi au niveau des sites de débarquement et de transformation. Il est de plus en plus difficile pour les femmes transformatrices d’avoir accès à cette matière première», a alerté le président de la Confédération africaine de pêche artisanale (Caopa). Gaoussou Guèye intervenait hier, lors d’un atelier dont le thème est : «Pour une aquaculture artisanale durable, complémentaire à la pêche artisanale africaine.» Il déplore aussi l’implantation des fermes aquacoles industrielles intensives. Lesquelles, dit-il, font perdre à la pêche artisanale, des territoires en mer et sur terre, qu’elle occupe pour ses activités. «L’introduction de l’aquaculture industrielle dans des zones hautement productives comme les lagunes, les deltas, les marais, les zones de mangroves, détruit ces écosystèmes et amoindrit leurs capacités de production alimentaire, empêchant l’exercice des activités traditionnelles de pêche», déplore M. Guèye.

C’est pourquoi, compte tenu de ces enjeux, la Caopa considère que le développement d’une aquaculture à base de farine de poisson menace l’avenir des communautés côtières africaines. Pour le président de la confédération, «nourrir les poissons de l’aquaculture industrielle avec de la farine provenant des poissons sauvages est un modèle industriel qui aggrave la surpêche et l’insécurité alimentaire en Afrique». «Nous nous opposons aussi à des initiatives qui proposent d’attribuer un écolabel à l’industrie de la farine de poisson en Afrique de l’Ouest. Il est pour nous injustifiable qu’une aquaculture dépendant de la farine de poisson, concurrence les pêcheurs pêchant pour la consommation humaine, soit déclarée durable, y compris à travers un système de labellisation. A l’op­posé de ce modèle, une aquaculture artisanale, complémentaire à la pêche artisanale, peut aussi aider à répondre à certains défis», précise M. Guèye.

Interpellée sur l’exploitation des petits pélagiques pour la farine de poisson utilisée dans l’aquaculture, la Directrice générale de l’Agence nationale de l’aquaculture, Dr Téning Sène, relève que les pêcheurs adhèrent au développement de l’aquaculture artisanale, c’est-à-dire pratiquée de façon durable, écologique, de façon à ne pas menacer la pêche artisanale. Elle a rappelé que les usines de pêche artisanale installées au Sénégal étaient pour valoriser les coproduits de pêche. Toutefois, plaide-t-elle, l’Etat doit réglementer de façon à ce que les usines n’utilisent pas les produits qui devraient être utilisés par les pêcheurs et les femmes transformatrices.
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