Les portes des prisons restent ouvertes pour les citoyens qui, pour avoir commis des faits délictueux qui justifient une privation de liberté, peuvent y être conduits et détenus à titre provisoire, un premier temps précédant l’examen de leur cas et la suite à leur réserver. Les très graves malversations d’un niveau jamais atteint dans notre pays depuis l’indépendance et les personnalités qui y seraient dûment impliquées, à tort ou à raison, me serviront de matière pour des développements sur les bruissements qui n’ont de cesse depuis l’avènement du régime actuel qui remplace celui dont la propreté des mains de ses responsables suscite des commentaires. Le rapport de la Cour des comptes, qui relate les dilapidations ahurissantes de biens publics qui se sont opérées principalement durant les trois ou quatre dernières années qui se sont succédé jusqu’à l’élimination du régime précédent qui y serait pour quelque chose, est clair et net, et en toute bonne foi, aucun observateur n’a dit le contraire.

Une fuite en avant
Vouloir réfuter ne serait-ce que les présomptions, qui ne sont d’ailleurs pas encore suivies d’accusations formelles au moment où j’écris cette contribution, ressemble à une fuite en avant, réconfortée par le fait que ceux qui vraisemblablement s’attendent à être alpagués, ont quitté le pays sur la pointe des pieds. Cela ressemble à un début de preuve de leur culpabilité.

Si la Crei était encore en vigueur, on se demande comment les présumés coupables d’enrichissement illicite, qui font la Une des organes de presse, s’en sortiraient. A présent, il y a le retour à l’application du droit commun suite à la péroraison de ceux qu’elle gênait beaucoup, qui cherchaient des précautions pouvant leur permettre de dissimuler leur fortune illicite.

Que ce soit par un non-lieu, par un jugement ou arrêt éventuel, face à des accusations pertinentes non encore formalisées, mais qui seraient, selon toute vraisemblance, en passe de l’être.

Médiation pénale pour éviter la prison
A mon humble avis, si un des concernés me demandait que faire pour éviter la prison quand on est impliqué dans les très graves préjudices causés à l’Etat et qui auraient des incidences sur sa trésorerie, ma réponse serait : pendant qu’il est encore temps, ne pas attendre d’être mis sous mandat de dépôt, recourir à la procédure de la médiation pénale, si on s’attend en âme et conscience à une application rigoureuse de la loi, si on ne peut pas balayer d’un revers de main l’accusation d’avoir personnellement commis les faits délictueux dont il s’agit ou d’y être impliqué. De toute façon, la restitution d’un trop perçu est exigible. Que le montant dudit préjudice soit fixé par l’accusateur ou à dire d’expert, si l’accusé, qui ne peut pas ignorer, sauf erreur ou omission, le montant du préjudice qu’il aurait fait subir à l’Etat, se montre disposé à restituer ce montant au Trésor public, la porte de l’évitement de l’incarcération pourrait s’ouvrir. Il ne resterait alors que l’accord entre le concerné et le représentant de l’Etat sur les modalités du règlement du montant.

En effet, l’éventualité d’un remboursement «moratorisé» est à prévoir. Il arrive que des modalités de paiement suivant un échéancier convenu assorti de garantie d’exécution volent au secours de gens en délicatesse avec la loi pour leur éviter d’aller en prison ou, s’ils y sont déjà en détention provisoire, d’en sortir avant qu’une juridiction de jugement ne soit saisie de leur cas.

Même les citoyens qui n’ont pas connu le malheur de faire de la prison, n’ignorent pas qu’elle est sans commune mesure avec un hôtel cinq étoiles.

Sort enviable des futurs héritiers
Ceux qui piaffent de voir les nouvelles autorités respecter leur promesse de faire appliquer la loi pénale à ceux qui, aux gouttières dans l’ancien régime, avaient profité de leur situation de rente pour accaparer des milliards, n’ayant pas à l’esprit que le régime qui semblerait opter pour les laisser faire n’est pas éternel.

En tout cas, ils auraient thésaurisé des fortunes inimaginables, se seraient approprié tant d’hectares de terres, que leurs héritiers et les héritiers de ceux-ci, puis les suivants dans l’arbre généalogique pourraient vivre sans travailler des centaines d’années durant, même en menant une vie super luxueuse.

La toute nouvelle juridiction, chargée notamment de faire dégorger ceux qui en ont trop avalé, a du pain sur la planche. Si cette juridiction réussit sa mission, ce que beaucoup souhaitent, les «goorgoorlous» traqués par le fisc pour la récupération de leurs maigres redevances fiscales diront ouf ! Car l’Etat pourra alléger leurs taux fiscaux. Les bandits à col blanc ne doivent pas être laissés en paix tant que leurs compatriotes «goorgoorlous» souffrent de pauvreté.

La balle dans le camp des susceptibles d’être poursuivis
Ce ne serait pas faire preuve de faiblesse, ni d’intention de pardonner des concitoyens qui ne mériteraient pas de pardon, mais plutôt faire preuve d’un certain pragmatisme en privilégiant l’éventualité de la récupération des valeurs en tous genres détournées, ceci compte tenu de la trésorerie de notre pays telle que décrite par les responsables de l’Economie en général, semble être ce qu’il y aurait de mieux à envisager.

La balle serait dans le camp des présumés coupables de malversations et de leurs complices éventuels. Il s’agit de ceux qui savent, en âme et conscience, mieux que tout le monde, si les faits qu’on leur reproche tiennent ou ne tiennent pas.

En tout état de cause, nier mordicus avoir commis des malversations et même de croire pouvoir s’en sortir même en comptant sur la protection d’un «coude» très lourd qui n’existe plus malheureusement pour eux , c’est se bercer d’illusions. Même si on ne le sait pas avec certitude, on devine que les proches des concernés qui sont dans le pétrin en souffrent comme eux. D’où l’intérêt et l’urgence de trouver une solution acceptable par les représentants de l’Etat qu’un réalisme pousserait à opter pour la restitution des biens dissipés contre l’élargissement de prison des bandits à col blanc.

Ces membres de la famille et du cercle d’amis de ceux qui sont dans le gouffre ne manquent pas de quelque chose à se reprocher, selon certains, qui leur reprochent de n’avoir pas tiré, quand il le fallait, la sonnette d’alarme. Dès lors que nous Sénégalais, adorons la vie «m’as-tu vu», le mode de vie que mènent certains dans la gouttière indique, à n’en pas douter, qu’ils pompaient dans les caisses de l’Etat d’une manière ou d’une autre.

Manifestement les concernés ne se doutaient pas du risque qu’ils pouvaient courir, et ce qui les attendrait au tournant, qui serait tout sauf une percussion de bamboula.

L’option de la médiation pénale peut être profitable aux individus en délicatesse puisqu’elle peut leur servir d’échappatoire, et à l’Etat puisqu’elle peut lui permettre de récupérer tout ou partie des biens publics spoliés, surtout qu’il en aurait bien besoin par les temps qui courent.

S’il est vrai que l’aspect punitif de la procédure pénale, qui a pour but de dissuader les mauvais esprits de commettre des faits nocifs à la société, il est tout aussi vrai que la veille à la sauvegarde des biens publics vaut aussi son pesant d’or. Donc aucun de ces deux aspects de la procédure pénale ne doit être laissé pour compte.

Dans tout ça, devant le magistrat en charge de l’appréciation d’une demande en médiation pénale où l’Etat est partie civile, trouver une solution est dans l’intérêt de l’accusé en même temps.
Maitre Wagane FAYE