Sébastien Farcis, ancien correspondant en Asie du Sud pour Rfi, Radio France, Libération et les radios publiques suisse et belge depuis de nombreuses années, a été forcé de quitter l’Inde le lundi 17 juin. En mars 2024, les autorités lui ont retiré son permis de travail sans explications, ce qui l’a empêché de couvrir les dernières élections législatives, et l’a laissé sans possibilité d’exercer son métier. Après des semaines d’efforts à essayer de retourner la situation, il a dû rentrer en France.

Sébastien Farcis se trouvait à son bureau le 7 mars 2024, quand il a reçu un courriel du ministère indien de l’Intérieur. Ce courriel d’une seule ligne l’informe que sa demande de permis de travail journalistique est refusée. «Je me souviens que le mot «refusé» était écrit en majuscules. C’est le genre de moment que l’on n’oublie jamais. Le temps s’arrête, on relit cent fois cette ligne laconique, et on passe les heures qui suivent à se demander si ce n’est pas une erreur», explique Sébastien Farcis. Puis, il faut l’accepter : en une ligne, le gouvernement venait de lui interdire de travailler, de parler à la radio, de réaliser des reportages, le tout à la veille des Législatives. En une ligne, treize ans de sa vie en Inde s’étaient arrêtés.

Un permis de travail refusé sans aucune explication 
Sébastien Farcis n’a obtenu jusqu’à présent aucune justification de cette interdiction. Il continue donc à considérer qu’elle est «arbitraire et excessive». Pendant treize ans, le correspondant de Rfi en Inde a reçu toutes les autorisations nécessaires, respecté les règles, n’est pas allé travailler dans les zones restreintes sans permis. Il a même obtenu des permis pour aller dans des zones frontalières sensibles, ce qui indique que les services de sécurité semblent avoir approuvé ses activités, assure-t-il.

La presse étrangère dans le collimateur des autorités indiennes
La suspicion envers les journalistes étrangers s’est accrue en Inde : «nous avons été accusés de chercher à saboter la croissance économique de l’Inde, voire d’être financés par des gouvernements étrangers ou par Georges Soros pour cela», assure Sébastien Farcis. La Bbc a subi un énorme contrôle fiscal après avoir diffusé un documentaire critique sur le Premier minis­tre Narendra Modi. Le contrôle s’est aussi renforcé, après l’arrivée en 2019 d’un nouveau ministre de l’Intérieur, Amit Shah, connu pour ses méthodes autoritaires.
La durée des visas a été raccourcie à trois mois seulement parfois. Un nouveau permis a été rendu obligatoire il y a deux ans pour les résidents permanents comme Sébastien Farcis. Et c’est celui-ci qui lui a été retiré en mars dernier.

Un cas loin d’être isolé
Quatre autres journalistes occidentaux ont été interdits d’exercer leur métier depuis deux ans en Inde, dont une autre Française, ce qui est davantage que la Chine pendant la même période. Et cela montre que ce qui est arrivé à Sébastien Farcis semble faire partie d’une volonté plus large de censurer la presse étrangère, qui est l’une des dernières encore critiques en Inde. La presse indienne, elle, a déjà fait l’objet d’une répression plus forte ; les médias sont rachetés par des groupes économiques proches du pouvoir afin d’empêcher les critiques. Des journalistes sont envoyés en prison, pendant des années parfois, accusés de terrorisme pour avoir critiqué les autorités.
Rfi