Que doit faire l’Etat du Sénégal pour avoir une industrie du livre digne de ce nom ? Il doit créer un «Fonds du livre et de la lecture». C’est la principale recommandation du Forum national du livre et de la lecture. Ce fonds, d’après les acteurs, serait alimenté par une taxation des grandes entreprises présentes dans le numérique. Par Malick GAYE –
Comment faire pour jeter les bases d’une véritable industrie du livre ? C’est la question à laquelle les acteurs du secteur ont tenté d’apporter une réponse. Durant deux jours, éditeurs, auteurs, autorités politiques et passionnés de la lecture étaient en conclave à Dakar pour réfléchir sur les axes suivants : «Le cadre législatif, réglementaire et institutionnel ; la création, l’édition et la diffusion ; le réseau de lecture publique, la distribution, les acteurs et l’accès au livre ; le livre numérique, l’innovation et le patrimoine ; les langues nationales, la formation et la coopération.» Le prétexte était le Forum du livre et de la lecture. Ainsi, plusieurs recommandations ont été formulées pour impulser le secteur.
Pour le cadre législatif, réglementaire et institutionnel, les acteurs ont proposé «la mise en place d’un Fonds pour le livre et la lecture». Un fonds qui devra être alimenté essentiellement par une taxation, notamment des Gafam, les géants du numérique. La «création d’une carte professionnelle pour formaliser le statut des acteurs du livre, renforçant leur reconnaissance officielle», a été aussi proposée. En ce qui concerne la diversité éditoriale, la valorisation de la bande dessinée et la facilitation de la publication en langues nationales, la création d’un fonds dédié a été mise sur la table. Les acteurs du livre ont souhaité la réduction des taxes à l’import-export, notamment sur le matériel, pour rendre le livre plus accessible. Pour la décentralisation et les infrastructures, il a été proposé de moderniser les bibliothèques communales, de créer des bibliothèques dans les écoles qui en sont dépourvues.
Pour la création, l’édition et la diffusion, les acteurs souhaitent avoir un appui de l’Etat plus conséquent. Ils veulent «des bourses d’écriture, l’affectation et la réhabilitation d’infrastructures de résidence d’écriture, par exemple la mise à disposition d’espaces institutionnels aux écrivains pour des résidences d’écriture, ex : Musée Senghor». Ils souhaitent aussi que l’Etat «favorise des activités de médiation des écrivains en résidence dans les écoles sénégalaises pour accompagner les élèves, contribuer à rehausser leur capacité rédactionnelle et promouvoir davantage les récits et livres sénégalais». Dans la même logique, les acteurs encouragent les médias dans le développement d’émissions de promotion du livre et de la lecture.
Pour booster la lecture et par la même occasion développer le réseau de lecteurs, il a éte recommandé de «renforcer le dispositif de lecture publique, ce qui passe par une multiplication des bibliothèques et des Centres de lecture et d’animation culturelle (Clac) -y compris dans les écoles, les universités et l’environnement des foyers religieux et des daaras-, dans les communes et les quartiers. Cela passe par la valorisation d’initiatives originales pour permettre l’accès au livre dans les terroirs, mais également le plaidoyer à destination des collectivités locales, des ministères de l’Enseignement supérieur, de l’Education nationale, de la Jeunesse et des sports, des Collectivités territoriales, entre autres».
Toujours dans cette logique de développer le secteur, les acteurs ont demandé l’érection, dans les meilleurs délais, d’une bibliothèque nationale et l’intégration de la dimension virtuelle à cette bibliothèque pour qu’elle soit une vitrine de la mémoire, de la créativité et de la souveraineté culturelle nationale, de la conservation du patrimoine matériel et immatériel, de la documentation des savoirs endogènes. Enfin, l’institution d’une Journée internationale du pulaar sous l’égide de l’Unesco, à l’image de la Journée de la langue soninké célébrée le 25 septembre de chaque année, a été proposée. Tout comme l’érection du wolof au rang de langue officielle, aux côtés du français, non pas en position de supériorité sur les autres langues nationales, mais en raison de son rôle fédérateur et de sa large portée communicationnelle.
Présent lors de la cérémonie de clôture hier, le ministre de la Culture a promis de porter le plaidoyer de la création d’une bibliothèque nationale. Amadou Bâ s’est dit ouvert à regarder la faisabilité de certaines taxes en faveur des acteurs. Il a aussi promis de mettre en place un dispositif de suivi des recommandations.
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