«Bajjen wax ma» est un concept mis en place par la styliste, Rama Cissokho. Autour des questions propres à l’éducation des femmes et des filles, la «bajjen» transmet des connaissances traditionnelles puisées dans la culture sénégalaise.Par Mame Woury THIOUBOU

– Le décor est soigné. Des nattes en raphia, des cruches en terre, des calebasses et marmites. Le tout renvoie à un temps ancien. C’est dans ce décor d’époque que la bajjen de la styliste et designer Rama Cissokho parle à son public. Vêtue d’un boubou en teinture, la tête encerclée par une étoffe traditionnelle, bajjen explique épisode par épisode, la place de cette figure féminine dans la maison. Au-delà de la bajjen, c’est le rôle de la femme qui est revisité à chaque épisode. Selon l’initiatrice, le monde a changé et les modes de vie ne sont plus les mêmes et le concept de Bajjen wax ma a été mis en place pour valoriser la culture sénégalaise. «L’éducation traditionnelle que recevaient les filles jadis, c’était auprès de leur bajjen», explique l’initiatrice. Figure féminine qui est une sœur ou une cousine du père, la bajjen est la gardienne des traditions familiales par excellence. C’est cette figure que les capsules Bajjen wax ma ressuscitent. Diffusées sur le réseau social tik tok, les vidéos ont tout de suite battu des records de vues. «Bajjen wax ma, c’est un espace qui nous amène à un questionnement sur tout ce qui est notre vie, notre quotidien, de la naissance à la mort», explique Rama Cissokho. Les temps ont changé, à qui revient l’éducation des filles ? La réponse à cette question coule de source et selon Mme Cissokho, la bajjen est la mieux placée. «C’est une femme qui est l’essence même de l’éducation au sein de la famille, gardienne du temple, elle est à même de répondre à nos interrogations», souligne Mme Cissokho.
Face aux spectateurs, la vieille femme est l’essence de la culture et de l’éducation au sein de la famille. Concept qui intègre plusieurs dimensions, Baj­jen wax ma présente des recettes traditionnelles à base de feuilles, destinées à remettre sur pied les nouvelles mamans et nouvelles mariées, les bébés, etc. Pour ce faire, le concept s’appuie beaucoup sur les plantes traditionnelles. Docteur en botanique, Mamadou Sidibé relève que «les peuples africains ont eu des relations avec les plantes depuis toujours, pour se soigner ou pour se nourrir». Normal alors de recourir à celles-ci à des moments particuliers de la vie. «En Afrique, l’avènement de la médecine moderne ne date pas de longtemps. Les populations utilisaient les plantes pour se soigner, quelle que soit la maladie.» Seul problème, selon le spécialiste, l’identification. «Certaines personnes utilisent les plantes mais ne parviennent pas à les identifier. Certaines plantes sont très proches du point de vue morphologique et cela peut être source de confusion. Certains, qui sont dans le domaine de la médecine traditionnelle, ne maîtrisent pas les plantes et c’est un réel danger», alerte Dr Sidibé.
Après quelques semaines, l’initiatrice du concept cherche encore le soutien des autorités. Mais Rama Cissokho ne désespère pas et pense déjà grand. «Je pense au-delà de l’Afrique, je vise plus large. Les Oc­cidentaux pourront venir parler de leurs bajjen, les Chinois également, etc.», dit-elle.
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