Initiative – Exposition, collection de mode : Le pari d’une renaissance du «Malikane»


«Et si le Malikane nous était conté.» C’est autour de cette invitation que Ramatoulaye Sissokho a défini un concept bien particulier. Puisant dans ses souvenirs d’enfance, elle remet au goût du jour cette étoffe particulière pour nos mamans et nos grand-mères. Le «Malikane», qui se distingue par son blanc cassé, est porteur «de recits anciens et d’une essence profondément enracinée». Pendant un moment arraché au temps, une exposition sur ce textile a été organisée au Musée des civilisations noires durant le mois de novembre. Et pour Ramatoulaye Sissokho, il s’agissait de rappeler au bon souvenir de tous, les vertus de cette étoffe. Utilisé pour les usages significatifs de la vie, le «Malikane» n’est pas que sénégalais. Un des premiers usages de ce tissu étant le «mbotou», cette pièce d’étoffe servant à attacher les bébés sur le dos de leurs mères. Des «faarou mbam» aux «guenio», ou autres vêtements de circoncis, le «Malikane» est une étoffe hautement symbolique, à laquelle on prête de nombreuses vertus, la pureté en premier. «Dans le kaléidoscope vibrant de la culture qui me définit, une étoffe se distingue, porteuse de récits anciens et d’une essence profondément enracinée. Le «Malikane», tissu cretonne d’Afrique de l’Ouest, transcende le simple statut de textile pour devenir le témoin vivant de notre histoire, le gardien de traditions séculaires qui ont forgé notre identité», énonce, comme une profession de foi, Ramatoulaye Sissoko, qui a organisé une exposition au Musée des civilisations noires, dans le cadre du programme que l’institution consacre aux femmes noires. L’exposition a questionné la place de ce tissu dans les rites et traditions de nombreuses sociétés traditionnelles, à travers des modèles, des métiers à tisser et une conférence.
Aujourd’hui, même si le Sénégal réalise des performances dans la production de coton, ses industries textiles restent malheureusement peu dynamiques. Les quelques usines qui fonctionnent encore, se concentrent sur d’autres étoffes, regrette Mme Sissokho. Elle appelle à un retour vers ce «Malikane» qui offre des garanties certaines en termes de santé et de préservation de l’environnement. C’est pour mieux valoriser le «Malikane» aussi que Mme Sissokho invite les designers sénégalais à se l’approprier. Elle fait d’ailleurs le premier pas en présentant une collection de tenues occidentales en «Malikane». L’intention est claire, il s’agit de montrer que cette étoffe s’adapte parfaitement à la mode contemporaine. Jupes, ensembles, robes etc., les propositions de Rama Sissokho veulent ramener ce tissu dans la garde-robe des jeunes femmes de ce pays. «Il faudrait que nous, designers, créatrices de mode, consommatrices, puissions utiliser cette étoffe», lance Mme Sissokho en guise d’invitation.
Son plaidoyer s’adresse aussi au secteur industriel. «Il serait bon que les usines tournent à nouveau pour fabriquer ce tissu.» «J’aurais voulu que l’exposition soit participative avec d’autres designers», regrette Mme Sissokho, comme pour dire que fort peu de designers tournent encore le regard vers cette étoffe dont le passage à travers les âges s’est accompagné de récits familiaux, de legs transgénérationnel, mais aussi de rites de passage dont elle reste le témoin privilégié. «Chaque fil, chaque teinte du «Malikane» raconte un chapitre de notre passé, une histoire transmise de génération en génération. C’est bien plus qu’un tissu, c’est une étreinte chaleureuse de notre patrimoine, un langage muet mais puissant qui parle de notre unité, de notre fierté et de notre appartenance à une communauté forte et résiliente», souligne Mme Sissoko dont l’initiative, Bajjen wax ma, a fini de remettre sur la sellette traditions culinaires et sciences écologiques de nos aïeules. «Bajjen wax ma, avec sa maîtrise artisanale, donne vie à ces récits. Chaque pièce confectionnée devient une œuvre d’art, une fusion magistrale entre tradition et modernité. C’est notre manière de célébrer et de perpétuer l’héritage du «Malikane», de façonner notre avenir tout en honorant nos racines», précise-t-elle.
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