Les premières pluies sont tombées à Bambey et ont fait ressurgir de vieilles doléances. La ville de l’ancien ministre, Aïda Mbodj, présente un visage hideux. Sur la toile, la publication d’images prises juste après la pluie du 27 juin passionne les habitants. Si certains mettent à nu la mauvaise gestion des 1,9 milliard de francs Cfa alloués à la commune suite aux inondations de 2012, d’autres, à l’instar des investis, s’inquiètent que des centres de vote soient sous l’emprise des eaux de pluie et redoutent le pire : une incidence sur la participation des électeurs au scrutin du 30 juillet !

Longtemps hantée par les inondations, Bambey craint le pire. Dans cette localité située au cœur du Baol, sur la route qui mène vers Diourbel, les premières pluies sont tombées. Il n’y a pas eu de morts certes, mais les habitants sont peinés de ne plus pouvoir vaquer correctement à leurs occupations. Aminata Sow, une jeune ménagère, se rend au marché de cœur las. Pieds dans l’eau, pagne hissé jusqu’aux genoux, elle brave ainsi les petits océans sales et nauséabondes qui se sont formés un peu partout dans les rues de la ville depuis les premières pluies. Dans les quartiers Dvf, Léona Sud, Nord et un peu au centre-ville, la situation est encore pire. Excédés, les jeunes de ces quartiers déversent leur colère sur les autorités de la ville. Parmi eux Mamadou Ndiaye, un jeune responsable de Benno bokk yaakaar, à Bambey. «L’Etat du Sénégal avait mis 1 milliard 973 millions de francs Cfa pour éviter les inondations. Et c’était sous le magistère de Aïda Mbodj que les travaux ont débuté. Elle-même avait dit devant les médias ce que le gouvernement de Macky avait fait pour résoudre ce problème des inondations, qu’aucun gouvernement ne l’a jamais fait. Et que l’Etat avait joué son rôle. Où sont passés les 2 milliards ?», s’interroge-t-il, exigeant par ailleurs à la municipalité de Bambey de fournir des explications détaillées sur la question. Plus radical dans ses propos, Khaly Ndiaye désigne, lui, le coupable : «C’est la municipalité de Bambey. Ils (les dirigeants) nous mentent, nous manipulent et volent notre argent», dit-il d’un ton plein de reproches.

Des centres de vote sous les eaux à Dvf et Léona
Outre les rues, certaines écoles comme Annexe (en Dvf) et Cheikh Awa Balla Mbacké (Léona) sont aussi colonisées par les eaux. L’état de ces lieux, habituellement utilisés comme centres de vote, inquiète le plus les investis comme Modou Ndiaye, tête de liste de la coalition Joyyanti. Pour lui, c’est «scandaleux». Mais à l’opposé de son camarade Apériste qui accuse la mairie, Modou Ndiaye impute la responsabilité à l’Etat : «Il y a eu le plan décennal de lutte contre les inondations et la commune de Bambey faisait partie de celles retenues pour en bénéficier entre 2012-2013, juste avec l’avènement de Macky Sall au pouvoir. L’argent n’a pas été remis aux autorités locales. Le projet a été exécuté par l’Etat du Sénégal. C’est l’Onas qui s’en est occupé… A l’époque, c’était le ministre Khadim Diop, ensuite Mansour Faye qui ont piloté le dossier», explique-t-il, réclamant par ailleurs que lumière soit faite sur les presque 2 milliards du projet. «Est-ce que tout cet argent a été mis dans ce projet ? Ce que je vois ne vaut pas 2 milliards. Seuls deux quartiers en ont bénéficié. Léona et Wahaldiam, les autres quartiers ne sont-ils pas concernés par les inondations ? Dvf est pourtant le plus grand quartier, mais il n’y a rien du tout.» Autant de questions que ce responsable politique, habitant Dvf, pose et invite les autorités à poser. «Où sont nos députés, où sont nos ministres ? Pourquoi ils ne parlent pas de cela ? Le problème de Bambey est sérieux. Comment se fait-il que cet ouvrage puisse coûter 1,9 milliard et que Bambey patauge jusqu’à présent ?» Pour le moment, seuls les quartiers Wahaldiam, Naar Ga et la Cité Douane sont épargnés des inondations. Dans l’esprit des petits Bambeyois, les interrogations se poursuivent. «L’argent a-t-il été détourné, volé ou s’est-il volatilisé ? La mairie a-t-elle fait son travail ? Où se trouve le problème ? Où sont les coupables ?» Questions politiques ou non, toujours est-il qu’à l’heure où la campagne bat son plein et que les têtes de liste courtisent l’électorat de Bambey, la météo annonce une saison très pluvieuse cette année.

Curage tardif…
Ndiamé Dieng dénonce le problème du curage tardif des caniveaux. «Est-ce que le curage des caniveaux a été fait par la mairie avant l’hivernage ? Qui est responsable du suivi des travaux ? Quelle action a été faite pour éviter les inondations ?», s’interroge-t-il. En ce qui concerne le curage des caniveaux, un autre révèle que certaines personnes se permettent de mettre des déchets de poisson et des déchets solides dans les canaux d’évacuation des eaux pluviales. Résultat : ces canaux n’arrivent plus à acheminer correctement l’eau de la pluie. «Il est du devoir des élus locaux de répondre aux besoins de la population et de déployer des moyens pour lutter contre les inondations et celui des populations d’entretenir les infrastructures répondant à ce problème», rappelle-t-il comme une leçon de morale qu’il destine à ses concitoyens.

… voirie inondée, bassin plein, le problème va au-delà
Toujours est-il que les flaques d’eau continuent de coloniser Bambey, au point où elles en deviennent presque des éléments du décor. Habitué à les voir, Amadou Fani Ndiaye sait à coup sûr qu’il se sentira dépaysé le jour où ils disparaîtront. «Le problème de notre ville va au-delà des inondations. Bambey manque de tout : de l’électrification publique aux infrastructures dignes de ce nom…», peste-t-il d’une voix chargée. Au côté du rail où il y a beaucoup d’eau, les gens sont bien peinés. Chez les Diallo par exemple, la voix du chef de famille s’élève pour revendiquer un meilleur sort. «L’eau inonde même la voirie. Nous avons mal du sort de Bambey, nous méritons mieux», soutient M. Diallo. Les riverains du bassin de rétention situé à Keur Sacoura sortent également le même cri du cœur. Bientôt le bassin de 15 000 m3, installé dans cette zone, sera plein. Ils exigent qu’on arrête de pomper l’eau et préconisent la création d’une nouvelle station de pompage à Guinaw Rail, d’agrandir le bassin existant à Leona, et l’extension des réseaux de canalisation. Parmi la pléthore de mines sombres, un visage optimiste s’affiche : «Le maire et ses compagnons sont en train de faire un travail remarquable. Et d’ici un temps, la ville changera de visage.» Un vœu séculaire !