Insécurité institutionnelle en Afrique de l’Ouest : Après Embalo, Barrow échappe à un putsch

Le Président Adama Barrow a échappé, ce mardi, à un coup d’Etat. S’il n’y a pas eu de victimes, quatre soldats putschistes ont été arrêtés. Cette attaque va sans doute renforcer les chefs d’Etat de la Cedeao dans leur volonté de mettre en place une force anti-putsch lancée le 4 décembre dernier à Abuja. Par Bocar SAKHO –
Comme un effet papillon… Après la Guinée-Bissau, la Gambie a été secouée par une tentative de coup d’Etat. Dans un communiqué, Banjul a déclaré qu’un putsch avait été déjoué mardi. «Le gouvernement de la Gambie annonce que, sur la base de renseignements indiquant que certains soldats de l’Armée gambienne complotaient pour renverser le gouvernement démocratiquement élu du Président Adama Barrow, le Haut commandement (des Forces armées gambiennes) a rapidement monté une opération militaire hier (mardi)», révèle dans un communiqué Ebrima G. Sankareh, porte-parole du gouvernement et conseiller présidentiel.
Pour l’instant, quatre soldats ont été arrêtés et sont en train d’être interrogés par la Police militaire. Il s’agit du Caporal Sanna Fadera de la Marine gambienne, qui serait le cerveau du putsch, aidé de Mbarra Touray, Ebrahima Sanno et Sergent Djibril Darboe. En attendant, la traque des complices se poursuit. «Le gouvernement invite instamment les citoyens, les résidents et les membres des corps diplomatique et consulaire à vaquer normalement à leurs occupations ; la situation est totalement sous contrôle et il n’y a pas lieu de paniquer», rassure Banjul.
Malgré cette annonce, la capitale gambienne n’est pas paralysée. Plusieurs personnes contactées par Le Quotidien parlent d’une situation normale, car les Banjulois continuent à vivre leur vie en toute tranquillité. Comme si de rien n’était ! Si la sécurité a été renforcée autour de la «State house», située au cœur de Banjul, il n’y a pas par contre de mouvements militaires dans la ville.
Aujourd’hui, cette tentative de coup d’Etat montre la fragilité de la démocratie gambienne. Arrivé au pouvoir en 2017, après deux décennies de dictature de Yahya Jammeh, chassé du pouvoir par les forces de la Cedeao, Adama Barrow est dans une position fragile. Réélu en décembre 2021 pour un deuxième mandat, le Président gambien est sous la surveillance des soldats de la Cedeao. La sécurité présidentielle est surtout gérée par des éléments du Groupement d’intervention de la Gendarmerie nationale (Gign) du Sénégal. Cette présence de militaires étrangers dont au moins 625 soldats sénégalais, est de plus en plus mal vue par des «soldiers» et des citoyens gambiens. Pour certains, Adama Barrow est «un Président sous tutelle». «La présence des Forces de la Cedeao agace sérieusement les gens ici. Par contre, leur départ va sonner la fin aussi de son régime», répond un observateur gambien interrogé par Le Quotidien.
Pourquoi ? «Il n’a pas réussi à avoir une confiance totale avec les Forces armées nationales parce qu’il n’a pas pu totalement les «déjammehiser»», poursuit-il.
Aujourd’hui, cette tentative de putsch va renforcer ce sentiment de méfiance de l’Administration du Président Adama Barrow. Elle arrive surtout 24h après la réunion des chefs d’Etat-major des pays de la Cedeao à Bissau. Ils sont chargés d’affiner le projet de nouvelle force antiterroriste et anti-coup d’Etat de l’organisation régionale.
Il faut savoir que la création d’une force antiterroriste et anti-coup d’Etat a été validée lors de la 62e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao, tenue à Abuja ce 4 décembre. Elle naît de la multiplication de régimes militaires en Afrique de l’Ouest, à savoir le Mali, le Burkina Faso et la Guinée. Après un essai raté à Bissau en février dernier, Banjul y a échappé ce mardi. Jusqu’à quand ?
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