Les députés de la 15e législature ont fait une première incursion à l’Assemblée nationale, hier, où le parti Pastef règne désormais en maître absolu. L’élection du président de l’Assemblée nationale inscrite au premier point de cette journée a été bloquée pendant plus de 10 heures. En tant que doyen d’âge des députés, Alla Kane a été désigné pour diriger l’élection du successeur de Amadou Mame Diop à la présidence de l’Assemblée nationale. Par Ousmane SOW –

16 heures passées. Toujours pas de président de l’Assem­blée nationale en vue. Si les fauteuils de l’Hémicycle sont occupés, celui de la présidence reste désespérément vide. Convoqués à 10 heures précises ou du moins c’est ce qu’indiquaient les convocations officielles, les députés de la 15e législature ont inauguré hier leur mandat, non pas par une prise de parole magistrale, mais par un ballet de tergiversations, de coups de téléphone et d’échanges feutrés dans les couloirs et dans l’Hémicycle. Echarpes tricolores en bandoulière, ils s’affichent sous les flashes des photographes. Sourires figés, poignées de main vigoureuses et regards calculés, l’heure est à la démonstration. L’élection du président de l’Assemblée nationale inscrite au premier point de cette journée a été bloquée pendant plus de 10 heures. En coulisse, on parle de discussions de la majorité autour des commissions et les autres postes du bureau, mais aucune annonce ne filtre.

Les journalistes, relégués dans des tribunes bondées, guettent le moindre mouvement. Les gendarmes, en faction, filtrent les allées et venues. « Il n’y a plus de place en haut», lance l’un d’eux à un militant qui cherche désespérément une place. Dans les couloirs, les députés arpentent les allées ; les militants tuent le temps, échangeant des blagues sur la lenteur légendaire de l’Assemblée. Membre de l’Alliance des forces de progrès (Afp) et élu sur la liste nationale de «Jamm ak njariñ», le député Mbaye Dione a tiré sur certains de ses collègues députés qui tardent à trouver les solutions pour débuter les travaux de l’installation de la 15e législature. Pour le progressiste, il est totalement compréhensible que des discussions se tiennent entre les députés ainsi que des réglages. Mais il faut le minimum : communiquer avec les collègues. «Nous comprenons. Mais la patience a des limites», juge Mbaye Dione.

16h 50. Rien ne commence. Pourtant, beaucoup sont là depuis 10 heures. Fatigués mais disciplinés, ils attendent leur président qui sans doute s’impatiente lui aussi. Les regards s’attardent sur les téléphones, ils prennent alors  leur mal en patience. Les rares élus interrogés répondent par des phrases convenues. «On attend.» «Il n’est jamais trop tard pour bien faire les choses», nous répond avec un sourire, un militant venu, dit-il, «sur invitation» de son ami député nouvellement élu.

Derrière cette immobilité apparente, les tractations s’intensifient en coulisse. Les postes stratégiques se négocient âprement, rappelant que la politique n’est jamais un long fleuve tranquille. Les tribunes, quant à elles, bruissent d’impatience. Les gendarmes, toujours vigilants, veillent à maintenir l’ordre dans ce ballet d’attente. Dans l’Hémicycle, on aperçoit les nouveaux entrants, Abdoulaye Sylla, Tahirou Sarr et Anta Babacar Ngom, plongés dans leurs téléphones. L’ancien Premier ministre Amadou Ba, tête de liste nationale de la coalition «Jamm ak njariñ», échange quelques mots avec Cheikh Oumar Anne. A leurs côtés, Aïssata Tall Sall, élégante et impassible, échange avec Mamadou Mory Diaw, le maire de Matam.

Pastef, maître des horloges ? 
Un retard de plus de 10 heures. A ce stade, illustration d’une constante de la politique : le pouvoir se conquiert dans l’ombre. Le Premier ministre Ousmane Sonko, leader de Pastef, lui a fait une déclaration claire concernant son avenir au sein de cette institution. En dépit de son élection, il a annoncé qu’il ne siégera pas à l’Assemblée nationale. «Je reste à la Primature», a-t-il affirmé. Avant de préciser qu’il s’était rendu à l’Assemblée pour déposer sa lettre de démission en tant que député. «Ce qui m’amène ici, c’est déposer ma lettre de démission. J’ai un travail important à poursuivre à la Primature», a-t-il expliqué.
Le Premier ministre a ajouté qu’il avait un rôle à jouer auprès du président de la République, Bassirou Diomaye Faye, pour mener à bien les projets en cours. «Le Président a besoin de moi à ses côtés pour continuer le travail que nous avons entrepris. Je reste donc pleinement engagé dans cette mission», a-t-il affirmé. Avec ses 130 sièges, le parti Pastef de Ousmane Sonko contrôle la majorité absolue.