L’insuffisance de revenus, les coûts élevés des services, les taux d’intérêt élevés, la mauvaise qualité de service, les conditions contraignantes d’accès au crédit : Telles sont les principales raisons invoquées par les populations exclues du système financier, selon les résultats de l’Enquête nationale auprès des populations non incluses (Enpni), présentés jeudi par l’Observatoire de la qualité des services financiers (Oqsf).

Des Sénégalais demeurent réticents à intégrer le secteur financier formel. Pour comprendre les raisons, l’Observatoire de la qualité des services financiers (Oqsf) a mené entre 2017 et 2018 une Enquête nationale auprès des populations non incluses, c’est-à-dire qui n’ont pas accès aux services financiers proposés par les banques, les Systèmes financiers décentralisés (Sfd) ou les services de la monnaie électronique.
Sur un échantillon de 2 676 personnes physiques interviewées non incluses, les 85,2% déclarent n’avoir jamais eu de relation commerciale avec une institution financière, contre 14,8% qui disent avoir une relation avec une institution financière. 51% des enquêtés ont eu antérieurement un ou plusieurs comptes dans un Sfd, 42% dans une banque et 6% dans un service de la Poste.
Sur les causes de la non inclusion financière, ces enquêtés ont évoqué l’insuffisance de revenus pour un taux de 44,3%, les coûts élevés des services 19,3%, les taux d’intérêt élevés 15,8%, la mauvaise qualité de service 12,8%, les conditions contraignantes d’accès au crédit 12,3%.
L’étude a également mesuré le degré de connaissance des populations non bancarisées par rapport aux institutions de microfinance. A ce propos, les résultats montrent que les Sfd les plus connus des enquêtés sont : la Cms avec 31,2%, la Pamecas 27,4%, Microcred 19,6% et Acep 14,9%. L’Oqsf a essayé de voir aussi quel est le degré de connaissance des populations par rapport aux banques et établissements financiers. Et l’Enpni renseigne que la Cbao est plus connue des populations non incluses avec un taux de 69,1%, suivie de Ecobank qui se retrouve avec 61,4%, la Bicis 48,7%, la Sgbs 32,7% et de la Bhs 22,0%.

Méconnaissance des 19 services bancaires gratuits
Par rapport aux opérateurs de transfert par téléphone, ceux qui sont les plus connus des populations exclues du système financiers sont : Wari qui vient en tête, avec un taux moyen de connaissance de 93,1%, suivi de Orange money 80,9%, Joni Joni 76,0%, Tigo cash 40% et Poste one 22,2%.
Les collaborateurs de Habib Ndao, secrétaire exécutif de l’Oqsf, ont aussi mesuré le degré de connaissance des mesures réglementaires, notamment la connaissance du droit de compte et des 19 mesures de la Bceao relatives aux services bancaires gratuits. Et sur ce point, les résultats montrent que 49,5% des personnes rencontrées connaissent le droit au compte. 4,6% seulement des populations non incluses déclarent avoir connaissance des 19 services et opérations bancaires offerts à titre gratuit, qui touchent les fonctionnements d’un compte bancaire.
A ce propos, estime Dr Diop, expert financier à l’Oqsf, des efforts communicationnels restent à faire pour une vulgarisation de ces 19 mesures, malgré les actions de l’Oqsf dans ce domaine.

La thésaurisation, pratique la plus utilisée
Concernant les autres pratiques financières utilisées, l’Oqsf indique que la thésaurisation est la pratique financière la plus utilisée par les personnes non incluses. 61,8% des enquêtés l’utilisent. «Les institutions financières doivent ainsi revoir les stratégies commerciales qui permettent de rassurer ces populations, afin qu’elles n’utilisent plus cette pratique», recommande Dr Diop qui présentait les résultats. Lesquels informent que 35,7% des interviewés utilisent le mobile money et 14,5% font recours à la tontine.
Parmi les motifs évoqués sur la non-détention d’un compte, il y a l’insuffisance de revenus, 71,3%, la préférence pour l’autogestion, 16,4%. Cela veut dire, d’après l’expert financier, qu’il y a «une méfiance par rapport aux institutions, parce que si on préfère autogérer son argent, c’est qu’on n’a pas confiance à l’institution». Les frais et agios trop élevés sont également avancés comme raisons. S’y ajoutent la méconnaissance des produits et services offerts, les conditions financières exigées à l’ouverture du compte qui peuvent décourager la bancarisation de ces populations.
Parmi les principaux facteurs justifiant le refus d’ouverture de compte, l’Oqsf note l’insuffisance de revenus pour 41,7%, le dossier incomplet 41,7% et l’absence de réponse motivée 12,5%. Pour les critères déterminants dans le choix éventuel d’une institution financière, il est établi que 69,1% des populations non bancarisées invoquent la sécurité des avoirs. 49,5% des enquêtés disent qu’ils sont prêts à ouvrir un compte si on leur garantit un crédit. La crédibilité de l’institution, la faiblesse des coûts, la proximité/l’accessibilité des agences, la qualité de services constituent aussi des motifs. S’agissant des critères de choix d’une institution financière, la majorité des personnes interrogées, c’est-à-dire 51,6%, optent pour l’ouverture d’un compte dans un Sfd contre 46,5% dans une banque et 1,8% à la Poste.
L’Oqsf prône, entre autres recommandations, l’amélioration de la politique de communication des institutions financières, l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme national d’éducation financière de masse…
Les résultats de cette enquête ont été présentés dans le cadre d’un atelier de sensibilisation et de formation des journalistes économiques du Sénégal sur l’inclusion financière.