Le Pape François, en visite de deux jours au Maroc, et le Roi Mohammed VI ont surpris leur monde en signant un appel commun, à savoir préserver Jérusalem comme «patrimoine commun des trois religions monothéistes». Ce qui n’aura pas l’heur de plaire à Israël.

Pour une surprise, c’en est vraiment une. Et cela ne va pas plaire aux autorités israéliennes, du tout. Puisque le secret a été bien gardé, selon certaines indiscrétions. Après avoir en effet posé ses pieds à Rabat, ce samedi, le Pape François, en visite de deux jours au Maroc, n’a pas du tout manqué de s’entretenir de la question de Jérusalem avec le Roi du Maroc, Mohammed VI. Ce qui a accouché de la publication, dans l’après-midi de ce samedi même, à la suite de leur rencontre, d’un appel commun sur le statut de la ville de Jérusalem.
Le document signé en présence de hauts dignitaires du Vatican et du Maroc, dont le prince héritier, Moulay El Hassan, insiste sur le fait qu’il est «important de préserver la Ville sainte de Jérusalem/Al Qods Acharif comme patrimoine commun de l’humanité» mais également «comme lieu de rencontres et symbole de coexistence pacifique, où se cultivent le respect réciproque et le dialogue». «Nous souhaitons, par conséquent, que dans la Ville sainte soient pleinement garantis la pleine liberté d’accès aux fidèles des trois religions monothéistes et le droit de chacune d’y exercer son propre culte», ont lancé le chef de l’Eglise catholique et celui qui porte le titre de «commandeur des croyants». Ainsi, les successeurs de Pierre et de Hassan II expriment leur reconnaissance de «l’unicité et la sacralité de Jérusalem/Al Qods Acharif» et aussi le fait d’avoir «à cœur sa signification spirituelle et sa vocation particulière de Ville de la Paix». Et ils nourrissent l’espoir de voir à Jérusalem s’élever de la part des fidèles, «la prière à Dieu, Créateur de tous, pour un avenir de paix et de fraternité sur la terre».
Le Maroc avec le Roi Mohammed VI, pour rappel, préside le comité Al Qods, créé en 1975, au sein de l’Organi­sation de la coopération islamique (Oci). Cet appel coïncide avec la survenue d’une tension nouvelle entre les Israéliens et les Palestiniens à la suite d’échanges de tirs récents.

Arrivée du souverain pontife sous une
pluie battante
Auparavant, le Pape François était arrivé à Rabat à 14 H sous une pluie battante. A bord de sa papamobile, protégé de la pluie et sous bonne escorte de la sécurité marocaine et de sa garde rapprochée, il a arpenté avec le Roi Mohammed VI vêtu de sa djellaba, à bord de sa limousine et flanqué aussi de la sécurité du Palais royal, certaines artères de Rabat accueillis et ovationnés par de nombreux sujets de Sa Majesté qui avaient pris d’assaut les rues de la capitale marocaine. Les deux délégations, en cortèges très parallèles, mettront une vingtaine de minutes avant d’atteindre la Tour Hassan, une ancienne mosquée du XIIème siècle, qui abrite les mausolées des deux défunts rois marocains, Mohammed V et Hassan II, et où les attendait depuis plus de trois tours d’horloge un public de 12 mille personnes, d’après les autorités marocaines, dont l’écrasante majorité avait les habits trempés. Ces derniers, pour s’abriter de la pluie, utilisaient des coussins des chaises ou des sacs poubelles pour les plus perspicaces.

Le Pape invite
les croyants à
«vivre en frères»
Devant ce nombreux public et le Roi Mohammed VI, le souverain pontife, dans un discours lu en espagnol, a défendu «la liberté de conscience» et «la liberté religieuse». L’évêque de Rome appellera les croyants à «vivre en frères» avant d’affirmer : «La liberté de conscience et la liberté religieuse, qui ne se limitent pas à la seule liberté de culte mais qui doivent permettre à chacun de vivre selon sa propre conviction religieuse, sont inséparablement liées à la dignité humaine.» Le chef de l’Eglise catholique a également estimé qu’il est «indispensable d’opposer au fanatisme et au fondamentalisme la solidarité de tous les croyants, ayant comme références inestimables de notre manière d’agir les valeurs qui nous sont communes». A ce sujet, pour lui, «une préparation appropriée des futurs guides religieux est nécessaire, si nous voulons raviver le véritable sens religieux dans les cœurs des nouvelles générations».

«Tous les terroristes ont en commun
l’ignorance de la
religion»
Quant au Roi Mohamed VI, qui avait précédé son hôte au pupitre, il s’est exprimé tour à tour dans son speech de tolérance et de paix entre les religions, lu en arabe, espagnol, anglais et français en un temps record de dix minutes. Tout en prônant la lutte contre le radicalisme par l’éducation, le souverain âgé de 55 ans dira que «les radicalismes, qu’ils soient ou non religieux, reposent sur la non-connaissance de l’autre, l’ignorance de l’autre, l’ignorance tout court». Avant de poursuivre : «Ce que tous les terroristes ont en commun n’est pas la religion, c’est précisément l’ignorance de la religion. Il est temps que la religion ne soit plus un alibi pour ces ignorants.»
Après avoir visité le mausolée de Mohammed V et signé le Livre d’Or, le successeur de Benoît XVI s’est rendu avec son hôte à l’Institut Mohammed VI, qui forme des Imams marocains et des étrangers dont des Européens. Ici, deux étudiants, dont le jeune Français Aboubakar Midouche, se sont exprimés devant les deux chefs d’Etat. Ce dernier, qui a choisi de devenir imam après les attentats de Paris de 2015, déclare avoir «pris conscience qu’il fallait que des voix s’élèvent et que des hommes s’engagent contre cette idéologie de la mort».
Le Pape François a bouclé sa première journée de visite au Maroc au centre de Caritas de Rabat où il a rencontré des migrants.