La mesure d’interdiction de port du voile à l’Institution Sainte Jeanne d’Arc (Isja) a été le prétexte du combat médiatique mené depuis plusieurs mois contre cette institution, mais avec en arrière-plan le bénéfice d’un avantage essentiel pour des élèves suivant un cursus scolaire français au sein de cet établissement : une bourse universitaire française à terme.
Je voudrais commencer par un engagement ferme à défendre le port du voile à l’Institution Sainte Jeanne d’Arc (Isja), si on m’apporte la preuve que l’enjeu véritable de la polémique suscitée et entretenue par une vingtaine de familles, notamment franco-libano-sénéga­laises, ne porte pas essentiellement que sur le désir d’offrir une bourse française aux filles concernées. Toutefois, ce motif n’est pas assez mobilisateur ou pas du tout mobilisateur au point de rallier de grandes masses autour de cette cause, afin de s’en servir comme levier pour mettre une pression très forte capable de faire céder la direction de cet établissement. Enrober la cause elle-même d’un voile permet d’atteindre l’objectif véritable poursuivi. Voilà la raison pour laquelle les victimes de la mesure, face au risque de perdre l’opportunité d’avoir une bourse française, ont choisi l’angle d’attaque médiatique présentant la situation comme un rejet du voile qui serait synonyme de rejet de l’islam.
Je défie toute personne, porteuse d’un strict désir de Vérité, de me prouver que la majorité des filles voilées exclues de l’Isja ne sont pas également de nationalité française ou/et aspirent à l’obtention d’une bourse d’étude universitaire française après leur cycle secondaire.
Que je sache, le port du voile (musulman) n’est pas interdit dans une église (maison de Dieu et de prière), mais le port vestimentaire est réglementé en son sein et dans les différentes institutions tenues par des structures de l’Eglise (telles que les écoles), en fonction des objectifs poursuivis. Si une fille ou une femme voilée peut en toute liberté accéder à une église, s’y recueillir ou y prier, c’est la preuve que la tolérance est une réalité concrète dans la religion catholique.

Le bateau de l’émotion met les voiles
Une des principales remarques qu’on peut faire lorsqu’on observe sur les sites web d’actualité les quelques interviews de parents d’élèves concernés par cette affaire est qu’il s’agit essentiellement de membres de la communauté sénégalaise d’origine libanaise. Ils ont été les premiers à porter la charge médiatique dans ce combat contre cette institution scolaire. Les photos et vidéos d’illustration d’élèves voilées et de leurs parents le démontrent aussi.
Que l’on se comprenne bien, il ne s’agit pas dans cette analyse des faits de mettre à l’index une communauté ou un groupe de population qui, du reste, est un segment très dynamique de la vie économique nationale. Je suis à l’aise pour parler d’elle, d’autant plus que sa présence qualitative dans la vie nationale a suscité un tel intérêt pour moi il y a 20 ans, que je lui avais consacré un travail universitaire intitulé : «Les Libanais de Dakar : la greffe inachevée du cèdre au baobab» (le cèdre arbre symbole du Liban, est l’équivalent du notre baobab national). A cette occasion, j’ai eu le privilège de rencontrer d’éminents représentants de cette communauté, notamment le Professeur Albert Bourgi, politologue qui vit en France. Il me rapportait que sa fille disait partout dans son école en France qu’elle est Sénégalaise, au point qu’on a convoqué ses parents pour des explications (comment une jeune fille blanche pouvait se déclarer sénégalaise ?). Il lui a fallu leur expliquer qu’elle dit vrai et que la famille est bien sénégalaise. Cette anecdote renseigne sur le niveau d’intégration de bien des membres de cette communauté qui est littéralement une ethnie sénégalaise. Par ailleurs, j’ai eu le privilège de visiter le Liban il y a six (6) ans, dans un cadre professionnel et j’ai pu contempler ces fameux cèdres du Liban qui ont une très grande longévité.
Si par souci de transparence et pour la manifestation de la vérité, on communiquait la liste et la nationalité des filles voilées concernées par cette affaire, tout le monde serait bien édifié. Il aurait été bien que ceux qui ont pris l’initiative de médiatiser à outrance cette affaire communiquent ces informations pour une meilleure compréhension des enjeux et intérêts à peine dévoilés. Il serait tout aussi bien indiqué que la presse d’investigation s’intéresse à ces informations pour nous fournir une autre grille de lecture de ces événements.
Vivement le retour de l’investigation, de l’enquête dans le journalisme, de la prise de recul dans certains analyses et commentaires. Ces genres rédactionnels perdent du terrain dans un contexte où les temporalités médiatiques tendent de plus en plus à la vitesse, à l’accélération dans la délivrance du message. Par ailleurs, le temps des médias n’est pas celui de l’Etat, de l’Administration qui ont besoin de recul, de réflexion avant toute réaction. Cette opposition de temporalités fait que les représentants de l’Etat et de l’Administration, face aux pressions médiatiques et politiques, sont bien souvent obligés de servir une réponse d’attente sous des formes différentes. Elle permet de prendre le temps de la réflexion et le recul nécessaires pour la recherche de solutions durables. La solution à certains problèmes importants nécessite l’intervention de diverses structures ou spécialités permettant d’avoir une vue plus globale sur une question.

Qu’y a-t-il sous ce «voile» que je ne saurais voir ?
J’ai passé en revue de nombreuses contributions et réactions diffusées à ce propos dans la presse. La plupart d’entre elles tendent à titiller la fibre émotive et/ou religieuse. Je voudrais partager un extrait de la contribution (qui a attiré mon attention) d’un membre de cette communauté, Scandre Hachem, publiée sur le site de Dakaractu.com à la date du 16 mai 2019, sous le titre suivant : «La question du voile à l’Isja : de la discorde aux replis identitaires» (https://www.dakaractu.com/La-question-du-voile-a-L-ISJA-de-la-discorde-aux-replis-identitaires_a170286.html). Il écrit : «Nombre de ces élèves ont choisi l‘Isja pour la qualité de son enseignement et son projet pédagogique d’ouverture et de rigueur. Parmi elles, des raisons pratiques de proximité géographique ou parce qu’elles poursuivent le cursus d’enseignement français. Celles qui suivent  ce cursus verront la porte du lycée Jean Mermoz fermée. Il ne leur restera comme opportunité que l’école Sainte Marie de Hann…» Il ajoute : «Celles qui ont la nationalité française ne pourront plus disposer de bourse, celle-ci étant exclusivement réservée aux élèves qui sont inscrits dans un cursus français.» J’apprécie l’honnêteté intellectuelle contenu dans ces propos et qu’on a tenté de nous cacher tout au long de cette histoire, ou du moins l’enrober sous le voile d’un prétendu combat contre l’islam. S’ériger en victime d’une institution catholique offre l’avantage de mobiliser la Umma islamique en sa faveur pour faire pression sur l’Isja, au regard de la sensibilité de la question religieuse.
Personne ne doit s’autoriser à orienter tout un Peuple sur les chantiers glissants des divergences religieuses pour le seul intérêt de sa ou de ses filles, juste pour qu’elle(s) puisse(nt) disposer de bourse(s) française(s), après avoir suivi un cursus français. Vous n’avez pas le droit de jouer avec des allumettes autour de la poudrière et la boîte de pandore que peut être la question religieuse.
Il est certes légitime que des parents défendent les intérêts de leurs enfants. Je comprends la tristesse de ces élèves qui risquent de perdre l’opportunité d’avoir une bourse française, si elles n’ont pas suivi un cursus français qu’offre l’Isja, mais cela ne doit pas se faire au péril de la paix sociale d’une Nation encore en construction. Vous n’avez pas ce droit.
Il faut éviter de faire preuve d’ingratitude, sous le coup de l’émotion et face aux difficultés. Même si l’interdiction posée par les autorités supérieures de la congrégation des sœurs de Saint Joseph de Cluny était maintenue (sans dispositions transitoires), il ne faut pas oublier que les victimes de cette mesure, du moins certaines d’entre elles, ont fait une bonne partie de leur cursus dans cet établissement. Le devoir de reconnaissance devrait pousser à admettre qu’elles ont profité par le passé des avantages et des prestations de l’Isja. La rancœur ou le dépit amoureux, nés d’un divorce difficile (conflictuel), ne doit pas pousser à peindre en noir même les bons souvenirs vécus ensemble dans un mariage.
Quand Dieu ferme une porte devant vous, il en ouvre grandement une autre que seuls les yeux de la foi sont capables de distinguer. Il n’est pas indiqué de s’accrocher aux portes fermées. Il faut accepter les épreuves de la vie, en tirer les leçons. Que ce soit dans une perspective spirituelle ou temporelle, on note que les prophètes ont subi bien des épreuves dans leur vie et les grands Hommes de l’Histoire aussi. En se fermant derrière Me Abdoulaye Wade, les portes de la prison lui avaient ouvert les grilles du Palais présidentiel du Sénégal. De même, si le Président Macky Sall n’avait pas vécu dans des conditions modestes au cours de sa jeunesse, il n’aurait pas eu le cursus de vie adéquat qui l’a préparé à devenir aujourd’hui le 1er des Sénégalais.

Porter le voile 1 mois à l’Isja, l’équivalent d’1 an de bourse de sécurité familiale
Il suffit de visiter le site internet de l’Institution Sainte Jeanne d’Arc pour voir qu’elle offre un cursus sénégalais (avec à peu près les tarifs standards de l’enseignement catholique) et un cursus français (programme d’enseignement conforme aux textes de lois et règlements de la France), accessible aux élèves dont les parents sont d’un très haut niveau social. Il n’y a aucun mal à réussir dans la vie au point d’être en mesure d’assurer une excellente scolarité à ses enfants. C’est très louable.
Parcourez les frais de scolarité exigés pour ce cursus français et vous en serez convaincus. Les frais mensuels de scolarité s’élèvent à environ 100 mille F Cfa (si vous y incluez le coût de l’uniforme et les frais accessoires). Il est évident que vouloir faire instruire ses enfants au Sénégal suivant des standards français a un coût que l’Isja répercute aux parents. Ce montant est l’équivalent du salaire de beaucoup de travailleurs. C’est l’équivalent de trois (3) bourses d’étudiants dans nos universités. C’est aussi l’équivalent du montant annuel d’une bourse de sécurité familiale initiée par le Président Macky Sall au bénéfice des Sénégalais les plus démunis.
Ces comparaisons servent juste à tracer le périmètre de la catégorie de personnes concernées par cette affaire dite de l’interdiction du port du voile à l’Isja. Il s’agit de Sénégalais avantagés par la vie, de par leur niveau de revenus leur permettant d’inscrire leurs enfants dans un cursus scolaire français. Ils sont vraisemblablement binationaux, (ou disposent de plus d’une nationalité), je dirais Franco-sénégalais, puisque les avantages offerts par la 1ère nationalité (française) ou le cursus français sont l’enjeu de cette bataille et non sénégalo-français. Cela me conforte à dire que c’est une affaire française qui se déroule au Sénégal, et qu’on a présenté sous un voile religieux.
Pourquoi, moi, Sénégalais, devrais-je me mobiliser et prendre position dans une affaire dans laquelle des élèves (françaises) voilées réclament le droit de suivre un cursus français, de force dans une école catholique ? L’interdiction du port du voile au lycée français Jean Mermoz de Dakar n’a pas fait autant de vagues. Je n’évoque pas ici les débats en France autour du voile à l’école. Pourquoi donc autant de vagues et de crispations à l’Isja, pour une histoire de cursus français ?

Le voile ne tient pas sous le képi
Il est facile de pointer du doigt une institution scolaire tenue par une congrégation religieuse catholique qui décide d’interdire le port du voile et de lui reprocher de ne pas respecter la Constitution et les lois et règlements de ce pays en fermant les yeux sur d’autres faits. Nous sommes tous fiers de nos forces de défense et de sécurité au Sénégal du fait de leur professionnalisme et du havre de paix qu’elles ont réussi à nous garantir dans une des sous-régions les plus tumultueuses d’Afrique. Avez-vous remarqué qu’aucune femme membre des corps militaires et paramilitaires n’a jamais paradé en uniforme assorti d’un voile au défilé du 4 avril ? Toute fille qui portait un voile avant de rejoindre les rangs de ces forces de défense et de sécurité s’est conformée aux exigences règlementaires du port d’uniforme, sans que jamais personne n’invoque la Constitution ou un autre texte. Il doit en être ainsi. Dieu qui sonde les reins et les cœurs sait bien que ces forces de défense et de sécurité comptent bien des croyants dans leurs rangs.
Les références répétitives de la Constitution sénégalaise pour défendre certaines positions, estimant que le règlement intérieur de l’Isja est anticonstitutionnel, m’ont donné l’occasion de revisiter notre charte fondamentale. Compte tenu du fait qu’elle est rédigée en français, je reste convaincu que son contenu est accessible à toute personne lisant et parlant correctement cette langue, sans avoir nécessairement besoin de la «traduction» (ou de lecture expliquée) d’un juriste. La Constitution de 2001, modifiée par la loi constitutionnelle 2016-10 du 5 avril 2016, garantit la liberté de pratiquer sa religion, garantit également le droit de propriété en son article 15 (l’Isja appartient à une congrégation religieuse). Dans sa partie qui traite de l’Education, l’article 22 dispose que : «L’Etat a le devoir et la charge de l’éducation et de la formation de la jeunesse par des écoles publiques. (…) Les institutions et communautés religieuses ou non religieuses sont également reconnues comme moyens d’éducation.» Dans la partie traitant de la religion et des communautés religieuses, cette même Constitution dispose en son article 24 : «Les institutions et les communautés religieuses ont le droit de se développer sans entrave. Elles sont dégagées de la tutelle de l’Etat. Elles règlent et administrent leurs affaires d’une manière autonome.» Alors, pourquoi vouloir imposer à une institution religieuse catholique, de continuer à assurer l’éducation de ses filles, au mépris de son règlement intérieur ?
Pourquoi vouloir saper la rigueur que l’on reconnaît à une institution scolaire dont le sérieux est reconnu, en exigeant justement qu’elle fasse preuve de moins de rigueur dans l’application de son règlement intérieur ? Combien d’établissements scolaires imposent le port du voile au Sénégal, sans que personne ne trouve rien à redire ? C’est cette rigueur notamment dans le respect des standards d’enseignement du cursus français qui vaut encore à l’Isja d’avoir l’agrément ou l’autorisation de dispenser ce type d’enseignement pouvant ouvrir droit à une bourse française. Il suffirait qu’elle fasse preuve de moins de rigueur que ceux-là même qui posent cette exigence soient les premiers à lui tourner le dos, justement à cause d’une rigueur en perte de vitesse. Le cas échéant, il y a fort à parier qu’une baisse de rigueur irait avec peut-être une perte de l’habilitation à dispenser les enseignements du cursus français.

Le voile de la retenue et de la raison déchiré
En tout état de cause, les lois et règlements organisant les cursus scolaires et universitaires au Sénégal ne sont concernés dans cette affaire. C’est la raison pour laquelle j’ai trouvé bien curieuses et bancales certaines réactions, notamment de syndicalistes. Que je sache, la raison d’être d’un syndicat est de prendre en charge les intérêts matériels et moraux de ses membres. Le système du vedettariat imposé par les médias et la course vers «l’heure de gloire» y sont pour quelque chose. Il faut faire des déclarations captivantes pour que son image et sa citation puisse jouer des coudes à la Une des sites internet et journaux.
De manière générale, il est courant de convoquer des statistiques pour accorder un vernis scientifique à ses propos. «Les statistiques ne mentent pas, mais les menteurs aiment les statistiques», disait l’auteur américain Marc Twain. Nous préférons bien souvent faire des déclarations politiquement correctes à la place de déclarations véridiquement correctes. Jacques Ellul avait raison de parler de temps de la «pensée molle» et de «la parole humiliée».
Cette affaire d’interdiction du port du voile à l’Isja est en réalité principalement «française» en terre sénégalaise, contrairement aux réactions si chargées d’émotions qu’elles ont passablement commotionné le «désir de vivre ensemble». Une lecture froide de la situation s’impose.

Une stratégie médiatique à peine voilée
Les victimes de la mesure d’interdiction du port du voile à l’Isja ont pris l’initiative de la bataille médiatique sous l’angle voilé de la confrontation religieuse, suscitant réactions, émotions et condamnations parfois porteuses de menaces à peine dévoilées contre une communauté catholique minoritaire. La stratégie de la manipulation faisant appel au cœur, à la croyance pour masquer la réalité d’une situation est aussi vieille que le monde. Elle a même perdu de son suc à force d’utilisation pour justifier des guerres au cours de l’histoire de l’humanité et dans la vie politique.
Certains ont poussé le bouchon si loin au point d’appeler au retrait de l’agrément de l’Isja. Pour une vingtaine d’élèves voilées en cursus français, en quête de bourse française, on devrait compromettre l’avenir de plus d’un millier d’autres élèves musulmans pour leur majorité ? Retirer un agrément ou mettre sous administration provisoire une structure privée dans ce contexte de mise en œuvre du Plan Sénégal émergent (Pse) serait un très mauvais signal à l’endroit des investisseurs privés que l’on cherche à faire venir dans notre pays. Le projet du Président Macky Sall de construire une Cité du Savoir à Diamniadio fait partie des projets phare du Pse en matière d’éducation. Même si l’agrément de l’Isja lui est retiré, ce n’est pas cette congrégation qui ira porter plainte contre le gouvernement au Tribunal arbitral de la Banque mondiale pour les investissements. Elle s’en remettrait certainement à la Justice de Dieu. Toutefois, les investisseurs potentiels en tireraient les conséquences. Tout investisseur sérieux (notamment dans le secteur de l’éducation) qui envisage d’investir au Sénégal doit certainement suivre l’évolution de cette situation et le traitement réservés à des investisseurs déjà bien établis.
Qu’on le veuille ou non, l’enseignement catholique s’est imposé dans l’espace public sénégalais avec son label de rigueur et de qualité. C’est la raison pour laquelle de nombreux parents d’élèves y inscrivent encore leurs enfants et je pense qu’ils continueront à lui faire confiance, malgré cette parenthèse voilée de l’Isja. Je pense que ces parents d’élèves ne se sentent pas brimés dans leurs croyances et ne se sentent pas victimes d’une quelconque intolérance. Cette confiance en l’enseignement catholique sera certainement renouvelée tant que les labels de rigueur et de performance demeureront.
Il y a quelques semaines, j’ai aperçu dans les couloirs d’une école catholique de Dakar, fièrement affichée, la photo d’un ancien pensionnaire de l’établissement, un jeune ministre du gouvernement, actuellement en fonction (de confession musulmane). Comme pour le donner en exemple aux élèves. J’ai été séduit par cette satisfaction affichée. Le fruit a été à la hauteur de la promesse de la fleur.

Vous êtes minoritaires ! Voilez vos particularités ! On est où la ? Dans quelle démocratie ?
Je me demande encore comment une institution appartenant à la religion minoritaire qu’est la religion catholique au Sénégal peut bien opprimer des membres de la religion musulmane largement majoritaire. L’une des déclinaisons de cette stratégie de manipulation de l’opinion est bien celle-là dite de la victimisation. La triste réalité ici est que les véritables victimes d’oppression dans cette situation de l’Isja sont cette digne communauté catholique sénégalaise dénigrée pour une «intolérance» qui n’en est pas une, balayée par cette vague de critiques suscitée par l’action bien pensée et planifiée des familles de parents d’élèves exclues de l’Isja, pour des intérêts strictement personnels liés à l’enjeu d’obtenir une bourse française à des élèves franco-sénégalaises (ou suivant un cursus français) et qui sont issues de familles à l’abri du besoin.
C’est une posture dangereuse sur un sujet sur lequel les dérapages sont vites arrivés. La ceinture de pays en crise (notamment religieuse) qui délimite le Sénégal est bien illustrative, de même que la situation sécuritaire sous régionale. L’histoire du conflit au Liban est tout aussi illustrative. Ne donnons pas des prétextes déclencheurs ou d’embrasement aux extrémistes ! Nous ne le souhaitons pas, mais le cas échéant, les détenteurs d’une nationalité sénégalaise unique et exclusive seraient condamnés à être les potentielles victimes, faute de nationalité de secours, de nationalité de sauvetage ou de nationalité de repli.
Il est vraiment important que les initiateurs de cette bataille médiatique et leurs souteneurs arrêtent le recours à des arguments religieux sources de crises aux lendemains incertains. Le fumeur imprudent tenaillé par son désir incompressible de cigarette qui se promène dans une broussaille desséchée ne s’imagine pas toujours que son mégot peut embraser tous les villages et espaces environnants ainsi que les êtres vivants qui s’y trouvent. Ne nous laissons pas aveugler par nos désirs d’avantages terrestres au point d’ébranler des fondements et/ou de passer à côté de choses importantes dans la vie ! Il est urgent et opportun que les Sénégalais prennent conscience des véritables enjeux dans cette affaire.
La religion catholique est certes très minoritaire au Sénégal, mais le Christ Jésus nous dit bien : «Vous êtes le sel de la terre». On n’a pas besoin d’une grande quantité de sel pour donner du goût à une sauce, mais on ne peut pas s’en passer pour les bonnes sauces ou le bon goût tout simplement. Que seraient la terre et la vie sans sel ? Un adage ouolof dit bien : «lou doul deug dou yague» (la traduction littérale serait : ce qui n’est pas vrai est éphémère) ou cette déclinaison : «lou yag deug la».
L’Eglise catholique est vieille de plus de 2 000 ans. Elle est une des institutions les plus vieilles de l’humanité. En outre, si nous évoquons la date de ce jour du mois de septembre 2019 (repère historique du 1er Noël célébré), c’est en référence à l’année de naissance de Jésus Christ que le décompte du temps le plus convenu et le plus usité s’effectue. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter son calendrier, sa montre, son portable, sa tablette. Notre temps passera, notre génération et celle de nos enfants passeront, les paroles du Christ seront encore là, jusqu’à ce qu’il revienne comme il est parti, conformément à sa promesse. Qu’on le veuille ou non, on évoque le Christ à chaque fois qu’on se réfère à une date du calendrier grégorien ! Que vous l’aimiez ou pas, il vous aime ! Jésus aime toutes les voilées anciennes élèves de l’Isja (et leurs familles). Il les a couvertes de son voile divin tout au long de leur séjour dans cet établissement scolaire et continuera à le faire, notamment à travers les valeurs et vertus qu’elles y ont apprises.
L’Eglise catholique du Sénégal a été d’une très grande contribution qualitative dans l’édification de notre Nation, bien au-delà du secteur de l’Education. Elle est fière d’avoir donné au Sénégal (pays à très forte majorité musulmane) son 1er président de la République Léopold Sédar Senghor (pur produit de l’enseignement catholique) qui a accédé au pouvoir et régné grâce au soutien d’éminents chefs religieux musulmans. Le Président Senghor a bâti les bases solides de notre Etat que ses successeurs les Présidents Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall ont consolidées.
Je suis fier d’être ce catholique sénégalais qui porte sa Croix du Christ… même enrobée d’un voile vert, jaune et rouge, avec une étoile verte au milieu du jaune à l’image du drapeau national.

Ange MANCABOU
angemancabou@yahoo.fr