Pour la majorité de la population sénégalaise, beaucoup de questions demeurent sans réponses, pour plusieurs pans de notre histoire. Or, sans une connaissance parfaite de celle-ci, aucun pays ne peut analyser son présent pour mieux se projeter vers l’avenir. Par pédagogie, notre Créateur a bien voulu nous signifier une telle exigence à travers les rappels historiques contenus dans le Coran, référence de bonne gouvernance et guide de toute l’Humanité et des musulmans, en particulier. L’écriture n’ayant pas été découverte en Afrique (j’en laisse la confirmation aux historiens), l’histoire racontée pour les pays qui composent ce continent, ne l’a été que par le biais des «communicateurs traditionnels», formés dans leurs groupes féodaux (ethniques et culturels) respectifs. Le plus souvent, ces derniers, loin d’être objectifs, travestissent au fil du temps, toute l’histoire héritée de leurs ancêtres, par peur de rapporter les faits dans leur exactitude. Est-ce un hasard si tous les prophètes de Dieu viennent des peuples qui ont eu le mérite d’avoir découvert l’écriture (après des années de sacrifices, dans des sociétés aussi organisées qu’administrées) ?
Dès lors, pour se rappeler, l’histoire nous enseigne que depuis 1960, à l’instar de la majorité des pays africains, le Sénégal, après une indépendance décidée par l’ancien colonisateur, n’a pas pris le soin d’organiser une conférence nationale pour expliquer la nouvelle ère que son Peuple était en train d’inaugurer. Les premiers dirigeants (choisis par une majorité de non-sachants) ont initié la République (nouvel ordre de gouvernance) sans y associer les autres grands responsables historiques que sont les guides des confréries qui avaient supplanté, dans les faits, les anciens rois et anciens administrateurs de nos sociétés pré-indépendance. C’est cette démocratie exclusive qui est à l’origine de l’absence non encore assumée d’une véritable Nation sénégalaise. Notre accession à la souveraineté internationale, début d’une compétition avec les autres nations du monde, n’a pas été et n’est pas, de nos jours, bien comprise par tous les Sénégalais. Mais comprendre aussi que la seule majorité ne suffit pas. Une véritable démocratie de progrès ne peut être conduite que par la majorité du Peuple, sachant s’entend.

Au-delà des difficultés d’une véritable cohésion ethnique, enveloppées dans le «masah’laha» entretenu par l’incroyable capacité de dissimulation des Sénégalais, l’analyse des confréries, véritables pouvoirs au Sénégal, me paraît très urgent pour l’instauration d’une République à l’image de celle créée par le Prophète Mouhamed (Psl).

L’absence de contenu (ou feuille de route) à la position d’autorité occupée par nos guides religieux, constitue pour ceux qui savent observer, un véritable obstacle à l’érection d’une véritable République, porteuse d’évolution socio-économique positive pour tous les citoyens. En effet, cette fonction définie par des vocables différents («Khalife général», «Serigne» ou «marabout»), associée à la constante perte des valeurs constatée chez la majorité des administrateurs et administrés de notre Etat, pose toute l’importance d’imaginer, de manière consensuelle, un rôle institutionnel à cette position privilégiée de «Guides spirituels» qui n’a aucune prégnance dans notre système global de gouvernance. A mon humble avis, ces guides religieux, qui bénéficient d’un respect sans aucune condition de la part de la majorité des Sénégalais, en leur qualité de gardiens des vertus, devraient incarner la vraie Société civile (différente de ce que veulent être les Ong) et jouer le rôle d’arbitre entre la classe politique aspirante aux hautes destinées de gouvernance de notre Nation et les citoyens qui ne demandent qu’à jouir de leur droit d’être bien gouvernés à travers un processus électoral et une Constitution dont ils sont les seuls et exclusifs détenteurs.

Cela nous éviterait l’intervention ex-post des guides religieux après que tout tombe en ruine. Il nous faut créer les conditions pour que ces derniers assument leur citoyenneté en acceptant de s’ériger en véritables parties prenantes à la gouvernance démocratique, dans le cadre d’une vraie Société civile (cadre d’organisation des citoyens non militants), équidistante, prévoyante et jouant le rôle de juge impartial du jeu politique. Pour ce faire, l’actuel Cadre unitaire de l’islam, associé au clergé catholique, doit être élargi à tous les mouvements se réclamant de la Société civile, aux fins de leur unification.

En effet, une Société civile digne de ce nom doit se distinguer des partis politiques (au nombre honteusement pléthorique) et se définir un agenda propre dans lequel sera inscrit un programme consensuel et avant-gardiste (résumant, après un diagnostic exhaustif et inclusif de notre système global de gouvernance étatique, toutes les propositions de solutions possibles, à confronter aux projets de sociétés des prétendants à la magistrature suprême).

Dès lors, il est important de rappeler que toutes les confréries ont été créées après le Prophète Mohamed (Psl) par des hommes, avec toute la considération que ces derniers méritent dans l’implantation de la religion islamique en Afrique noire et au Sénégal en particulier. Ces confréries ne se distinguent en rien de l’islam d’où elles tirent leur légitimité. Par conséquent, ceux qui ont le privilège d’en être à la tête ont comme seule mission de garantir la prégnance des vertus chez leurs disciples respectifs, comme le réclame l’islam qui repose essentiellement sur des prescriptions divines et obligatoires pour tout musulman, sans exception. Les confréries ne sont donc que des voies d’apprentissage de l’islam reposant sur cinq piliers ; il s’agit, pour tout musulman, de s’y conformer. Mais le plus important est que le Coran (contrairement à tous les livres portés par des messagers de Dieu) intègre la charia (droit musulman).

Ce qui suppose que cette religion repose sur la justice, qui induit automatiquement l’égalité entre les citoyens de l’Etat islamique dont le Prophète Mohamed (Psl) est le dépositaire exclusif et ce, par la seule grâce de notre Créateur commun. N’est-ce-pas la première «dictature éclairée» pour une meilleure gouvernance de nos sociétés humaines ? Toutes les prescriptions de l’islam sont donc au-dessus de tous ceux qui se réclament de cette religion dont le Prophète Mohamed (Psl). En tant qu’organisation socio-économique, une telle religion exclut toute forme de position de privilège et impose plutôt celle d’exemplarité incarnée par le Prophète, qui demeure le modèle exclusif de tout musulman, sans exception.

Par ailleurs, il est constaté que la laïcité, inscrite dans notre Constitution (document principiel traduisant notre commune volonté de vivre en commun), demeure une notion dont la signification est encore très vague pour l’écrasante majorité des citoyens sénégalais. Or, en référence à l’Etat islamique dicté au Prophète Mohamed (Psl), la laïcité est bien une réalité. En effet, dans ce premier modèle d’Etat, la liberté de culte est bien pratiquée ; la présence des juifs et des chrétiens, dans ce premier système d’organisation sociétale, en est une parfaite illustration. Par conséquent, la notion de laïcité, inscrite dans notre Constitution, fait de nos options religieuses et cultuelles des choix strictement privés qui ne peuvent être pris en compte dans la gouvernance de notre Etat. Le Coran nous le rappelle d’ailleurs : «nulle contrainte en religion» ; ce qui exclut alors toute forme de terrorisme religieux. La République, par contre, consacre à tous les Sénégalais, sans exclusive, la position de citoyen.

A mon avis, ce sont bien la charia et la zakat, ancêtres respectives du droit et de l’impôt, qui ont inspiré les principes fondateurs de la République. Par conséquent, dans tout Etat, islamique (Boundou et Fouta au Sénégal respectivement en 1693 et 1776) ou républicain (France en 1789), la Justice, prônée par la charia et le droit, ne justifie que l’égalité de tous les citoyens. Par conséquent, le Coran (dans l’organisation sociale islamique) et la Constitution (dans un Etat républicain) jouent le même rôle consistant à encadrer la liberté des individus qui composent leurs sociétés respectives et en font des citoyens justiciables parce qu’égaux devant les lois qui gouvernent tous et de manière équitable.

Face à de telles évidences, l’on se demande alors pourquoi nos guides religieux, censés devoir nous donner les bonnes orientations en islam, n’arrivent pas, malgré leur nombre et leur érudition, à nous éclairer sur la notion de laïcité inscrite dans notre Constitution (copiée de la France où elle est bien respectée) et inspirée de ce premier Etat islamique conduit par le dernier messager de notre seul Créateur. Ce constat bien partagé devrait questionner le niveau d’appropriation des concepts inscrits dans notre Constitution, d’autant plus que les citoyens, dans leur grande majorité, en sont exclus, pour n’avoir pas eu le privilège d’avoir fréquenté l’Ecole française. Pourquoi la République (assortie de sa devise «Liberté, Egalité et Fraternité») que nous avons copiée de l’Occident (sans en payer le vrai prix), n’a jamais été traduite dans nos principales langues nationales ? Pour dire, qu’il est plus qu’urgent d’harmoniser la compréhension de ce vocable qui, en réalité, si elle est bien comprise, est le fondement de toute bonne gouvernance. Rappelons, pour préciser, que c’est à l’issue de la révolution de 1789, menée contre la mal gouvernance de l’époque féodale, qu’est née la République. Loin d’être une création française, elle est la traduction d’une pratique de gouvernance sociétale, longtemps éprouvée par les populations latines, dans une période antérieure à la révolution française.

En conclusion, la répétition étant pédagogique, nous réitérons que la République marque l’avènement d’un nouvel ordre mondial et moderne de bonne gouvernance des sociétés humaines, fille de la révolution ayant permis d’éradiquer la mal gouvernance de la féodalité. En cela, elle constitue simplement une rupture entre la gouvernance féodale et autocratique du Roi-Homme et celle de la modernité ou de la citoyenneté, qui donne au Peuple, libre et soumis exclusivement à son seul Créateur, les prérogatives de sa propre gouvernance démocratique basée sur l’inclusion et le consensus, base de toute Paix.
Abdourahmane SY
Thiès / Quartier Sud-Antennes
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