Consul général du Sénégal à Marseille, Abdourahmane Koïta est passablement agacé par les révélations sur les retards récurrents de versement de l’indemnité dénoncés par certains agents de cette représentation diplomatique. Il s’inscrit en faux contre cela et annonce que les indemnités du mois de mai ont déjà été payées. Dans cet entretien, le Consul général fait le point aussi sur ses missions et la situation des Sénégalais à Marseille.

M. le Consul général, des membres du personnel expatrié de votre juridiction nous ont saisis pour parler de retards récurrents dans le versement de leurs indemnités de logement. Quelle est votre réaction ?
En ma qualité de Consul général du Sénégal à Marseille, j’ai souhaité apporter les précisions qui s’imposent pour la bonne information de vos lecteurs et des Sénégalais. D’abord, nous (personnel consulaire et moi-même) sommes très surpris de découvrir cet article de presse qui ternit l’image de notre institution à bien des égards, alors qu’il existe une procédure réglementaire beaucoup plus légale pour saisir l’autorité de tutelle. En effet, l’Administration est un sacerdoce et les règles sont très claires : en cas de manquement dans le fonctionnement, tout agent peut saisir la hiérarchie par voie, uniquement, administrative. Cette disposition réglementaire est encore beaucoup plus vraie en diplomatie, où on a l’honneur de venir représenter son pays dans un esprit de loyauté. Il est écrit à tort dans l’article que «les membres du personnel ont saisi la ministre de l’Intégration africaine et des affaires étrangères pour essayer de sortir de cette situation fâcheuse». Je précise n’avoir jamais reçu de lettre pour transmission à l’autorité supérieure sur les questions des indemnités de logement. Par ailleurs, je suis consterné de voir dans l’article qu’il est évoqué des retards de paiement alors que les indemnités de logement de mai 2024 ont déjà été payées par le payeur des consulats généraux en début de mois. L’auteur de cet article n’a certainement pas mesuré les conséquences de son acte. Il a vraiment été imprudent par ce geste qui salit, de manière injuste, le personnel consulaire et ternit l’image de notre ministère, ainsi que notre Administration. Votre informateur est sous le sceau de l’anonymat. Toutefois, une enquête administrative est menée pour situer les responsabilités et tirer toutes les conclusions nécessaires pour une Administration de qualité.

Comment sont gérées ces indemnités de logement, parce que dans leur document, ils parlent de versement mensuel à Marseille contrairement aux autres juridictions consulaires ?
Je précise que les questions relatives aux indemnités de logement sont encadrées par des décrets pour les agents en service dans les postes diplomatiques et consulaires. La procédure de gestion comptable est la suivante : le ministère de tutelle affecte des crédits à un poste diplomatique ou consulaire, le chef de poste, en sa qualité d’ordonnateur secondaire, établit un ordre de paiement pour les agents sous sa responsabilité et l’agent comptable des consulats généraux procède au paiement desdites indemnités de logement. Il convient bien de faire observer que les règles de la comptabilité publique sont très claires : l’indemnité de logement est mensuelle à la base. Sauf que pour des raisons de souplesse budgétaire, le payeur des consulats généraux peut faire un paiement de plusieurs mois à la fois par dérogation.

Par ailleurs, je précise qu’il n’y a pas de traitement différencié pour les agents à Marseille par rapport à ceux des autres représentations consulaires du Sénégal en France. C’est l’agent comptable à Paris qui gère l’ensemble du personnel consulaire du Sénégal en France. Certes toute œuvre humaine est perfectible, mais nous travaillons avec l’agent comptable à Paris en bonne intelligence pour accompagner le personnel consulaire.

Est-il arrivé que des agents se soient retrouvés dans une situation où ils sont mis en demeure ou menacés d’expulsion par leurs bailleurs ?
Je n’ai pas connaissance d’une telle situation à Marseille. En tout cas, je n’ai jamais été saisi pour une mise en demeure ou une menace d’expulsion d’un agent consulaire qui serait liée aux versements des indemnités de logement. Au contraire, l’Etat du Sénégal, dans un souci constant de préserver son image à l’étranger, a consenti beaucoup d’efforts pour accompagner, en permanence, les agents en mission dans les représentations diplomatiques et consulaires. Je voudrais donc saluer les efforts financiers conséquents qui sont faits par notre Etat pour une diplomatie de qualité. Le Sénégal fait vraiment exception en Afrique subsaharienne pour avoir des représentations diplomatiques et consulaires dans toutes les régions géographiques du monde.

Au-delà de ces questions, si vous le permettez, quels sont les défis auxquels vous faites face à Marseille ?
Le Consulat général s’évertue au quotidien à faciliter l’intégration de nos compatriotes et accompagner les usagers de cette grande juridiction du bassin de la Méditerranée par une approche inclusive et participative, dans une logique de diplomatie de proximité. Par ailleurs, la diplomatie sénégalaise a un rôle essentiel à jouer pour attirer les investisseurs et faire la promotion de la destination Sénégal. A cet effet, il est important de cultiver une diplomatie économique et d’influence qui aura comme socle des représentations diplomatiques et consulaires de qualité répondant aux exigences de la nouvelle configuration géopolitique et du nouvel ordre mondial. Toutefois, pour réussir ces défis majeurs, il est extrêmement important et fondamental d’avoir une vision prospective de notre diplomatie sur un temps long, avec de nouvelles orientations.

Un autre défi majeur à relever reste la cartographie de l’ensemble de nos compatriotes établis dans la juridiction et la dématérialisation des procédures consulaires pour plus d’efficacité. En effet, une juridiction est un territoire qui regorge de beaucoup de données. La mobilisation de ces ressources humaines et matérielles est nécessaire pour le développement et la mise en relation entre les compétences et les besoins. La diaspora regorge de compétences et d’expertise, malheureusement peu mobilisées pour le Sénégal. Il est important de revoir les questions sociales de nos retraités. Enfin, la coopération décentralisée, le marketing territorial et la dynamique des territoires sont un axe important pour le Consulat général.

Comment se porte la communauté sénégalaise dans la cité phocéenne ?
Elle se porte bien, avec un ancrage historique. On a une importante communauté sénégalaise établie à Marseille, avec une certaine diversité socio-professionnelle et intergénérationnelle. Tous les secteurs d’activité sont représentés, avec des élus, des cadres, des techniciens, des ouvriers, des commerçants, etc., qui participent à l’économie du Sénégal par les flux financiers. Cette relation séculaire avec la cité phocéenne réside dans le fait que Marseille a toujours été la porte d’entrée des Africains en Europe. Rappelons que les villes de Marseille et Dakar sont jumelées depuis 1968 avec plusieurs domaines de coopération (la santé, l’éducation, la culture, l’urbanisme, etc.).
En dehors de Marseille, nos compatriotes sont aussi très fortement établis dans des villes telles que Montpellier, Nice, Cannes, Toulon, etc. Et les autorités locales de ma juridiction consulaire saluent le comportement exemplaire de nos ressortissants.
Par Bocar SAKHO – bsakho@lequotidien.sn