Jimmy Mbaye, ce virtuose de la gratte

C’est au Panthéon des seigneurs de la gratte que repose désormais Mamadou Mbaye dit Jimmy. Ce virtuose, qui aura caressé de sublimes notes pour le Super Etoile et touché les extrêmes au son de sa guitare, laisse derrière lui une œuvre titanesque qui est là pour rester et faire écho dans l’éternité. Des générations de mélomanes et de fans de musique à naître, seront sûrement envoûtés par les accords et symphonies que l’as du Super Etoile brossera de ses doigts. La perte est immense pour le monde culturel sénégalais et on peut bien comprendre les mots de Baba Maal, Mbaye Dièye Faye et Youssou Ndour. C’est un artiste d’exception et un humain de très grandes qualités qui vient de jouer ses dernières notes, puisse le Maître des univers l’accueillir au royaume des justes.
Jimmy Mbaye a son nom aux côtés de légendes comme Hendrix, Eric Clapton, Keith Richards, John McLaughlin, Charlie Christian, B.B. King, Grant Green, Django Reinhardt ou en plus proche de nous, Prince. Je dis toujours que beaucoup de nos génies ont la malchance d’être nés au Sénégal. Ailleurs, ils auraient été célébrés à la hauteur de leurs accomplissements. Ce n’est pas dans ce beau panier de crabes qu’est notre pays qu’on laisse les identités remarquables fleurir, encore moins qu’on reconnaîtrait du mérite à des compatriotes. Petite parenthèse, c’est la deuxième fois en moins d’une année que des officiels se posent par le biais d’une conférence de presse pour cracher sur leur pays avec l’argument osé d’une falsification des chiffres et comptes du pays. Quelle tristesse !
Jimmy Mbaye aura su faire voyager par son art, il aura montré que le talent est ce cadeau de Dieu qui, s’il est poli à la perfection, permet de toiser les sommets. Par la musique du Super Etoile et les notes jouées par Jimmy Mbaye, un universel a pu être créé et transmis. Un art aura donné vie à des gens, il aura émancipé des êtres et il aura été vecteur d’union. Le leader du Super Etoile, Youssou Ndour, confesse que l’une des dernières volontés de Jimmy Mbaye aura été de prêcher pour de l’Union. Tant dans sa propre famille que dans son cercle artistique, les notes d’harmonie qu’il diffusait au bout de sa gratte ne seront pas vaines. Il est des hommes qui, par leur impact autour d’eux, en auront changé des milliers. On dit qu’ils sont rares ceux qui connaissent la valeur d’une vie, car à travers le souffle sincère d’un individu, plusieurs arrivent à exister.
Je finis cette chronique en écoutant un hommage d’artistes, et non des moindres, au groupe Led Zeppelin en 2012 au Kennedy Center. «Strairway to Heaven» était jouée dans une prestation époustouflante d’une dizaine de minutes. Cette chanson dont les membres du groupe Led Zeppelin ont souvent confessé ne pas trop aimer la jouer en live, reste un hymne universel. Tout haut, Jimmy Mbaye emprunte tranquillement ses marches vers le meilleur des paradis, en laissant derrière lui tout un héritage culturel au Sénégal. Quelle tragédie que de se dire que ce génie de la gratte ne pourra plus bercer nos oreilles de son talent en live. La mort est le naufrage de toute œuvre dans cette vie. Que le Sénégal parvienne à le célébrer à la hauteur de son génie !
Par Serigne Saliou DIAGNE / saliou.diagne@lequotidien.sn