Le Sénégal va abriter la 4ième édition des Jeux Olympiques de la Jeunesse du 22 Octobre au 09 Novembre 2022 (JJ-841 jours). Ces jeux vont se dérouler sur 3 sites à savoir les villes de Dakar, de Diamniadio et de Saly. Ils verront la participation de 4676 athlètes (âgés de 15 à 18 ans dont 50% de filles et 50% de garçons) venus de 206 comités nationaux olympiques avec 35 activités sports. Ils vont aussi mobiliser 5000 volontaires.
Pour une organisation infaillible de ces compétitions internationales, un budget de 150 millions de dollars (environ 85,6 milliards de Francs Cfa) est mobilisé et «sera assuré en grande partie par une contribution du gouvernement, mais aussi par des partenaires privés» (source, Journal Le Monde).
L’organisation de ces Joj Dakar 2022 est certes ambitieuse, symboliquement enthousiasmante avec des héritages matériel et immatériel mais elle mérite d’être analysée en profondeur sous différents angles.
D’emblée, la pertinence de la candidature de Dakar à cette organisation est objectivement remise en cause. Ainsi, comment peut-on comprendre un pays qui ne dispose pas de politique sportive claire (surtout en direction de la petite catégorie), d’infrastructures sportives décentes, de ressources humaines et financières suffisantes etc. peut-il songer à accueillir un tel évènement international aussi dispendieux ? Ce budget que l’Etat a injecté pourrait à suffisance relancer le sport sénégalais qui a toujours souffert et agonise présentement de manque de ressources financières. Donc, vous conviendrez avec moi que la priorité était ailleurs.
Par ailleurs, la question de l’élaboration de l’héritage des Joj Dakar 2022 mérite d’être posée. Cette interrogation est tout à fait légitime du fait que toutes les villes ayant déjà organisé les Jeux Olympiques avaient conçu un héritage avec toutes les parties prenantes. Cet héritage devrait être élaboré en parfaite coordination par toutes les parties prenantes (Ministères en charge des Sport et des finances, Cnoss, les villes de Dakar, de Diamniadio et de Saly et les éventuels sponsors). Et jusqu’à présent, une communication en direction de ceci n’a pas encore été faite. Néanmoins, nous espérons être édifiés dans les prochains jours. Par ailleurs, je reste très perplexe quant au sérieux et à la sérénité de l’évaluation de cet héritage olympique. Oui, parce que si l’on prend l’augmentation des «sportifs», après les Joj, comme héritage matériel, je vous promets que le Cojoj ne dispose pas encore d’indicateur factuel pour l’évaluer. En effet, je suggère aux Cojoj Dakar 2022 d’évaluer ce paramètre en amont pour pouvoir l’apprécier à la fin des JOJ. Au-delà même de la conception de ce dit héritage, l’opinion des Sénégalais n’a pas été sondée afin de voir leurs positions face aux conséquences, autres que financières, que ces Jeux pourraient engendrer (perturbations du trafic urbain, insécurité, pollution etc).
La troisième et dernière question que j’aimerais soulever est en rapport avec le respect de la période prévue pour l’organisation de cet événement dans un contexte de pandémie de la Covid-19 marqué par une chute inédite de l’économie mondiale qui ne dit pas son nom. Et le Sénégal n’a pas échappé à cette règle. Par ailleurs, un budget de 1000 milliards de Franc Cfa (environ ¼ du budget national) est dégagé pour faire face à cette crise sanitaire. Au-delà de cette énorme ponction sur le budget national, une récession du Pib est prévue jusqu’à moins de 2%. Face à cette situation économique très précaire du Sénégal, à 842 jours de l’évènement, ne serait-il pas plus judicieux de repousser les Joj de Dakar 2022 ?
Cette repousse permettra non seulement au Sénégal de reprendre un nouveau souffle économique, mais elle donnerait aussi plus de temps aux parties prenantes et athlètes pour mieux se préparer afin d’éviter une froide humiliation organisationnelle et sportive. Pour ce faire, le Cojoj devra plus ouvrir l’étau en impliquant davantage tous les acteurs (universitaires, techniciens, journalistes, clubs, associations sportives etc).
FALL Cheikh Souleymane
Sociologue du sport
Université Gustave Eiffel (Paris)/ Ufr Sefs (Ugb) fallcheikhsouleymane@gmail.com