Au lendemain du non-lieu définitif prononcé par la Cour de cassation de Paris, le Comité d’initiative pour l’érection du mémorial-musée le Joola n’a pas caché son amertume. Nassardine Aïdara, coordinateur de cette structure, espère néanmoins que les autorités vont accepter de déterrer ce dossier. «La réouverture du dossier du Joola, ici au Sénégal, donnera l’opportunité à toutes les personnes nommément citées dans l’ordonnance rendue par la Cour d’appel de Paris de laver leur honneur. Nous invitons en conséquence l’Etat du Sénégal à prendre ses responsabilités, à rouvrir le dossier du Joola et à juger sans délais les présumés responsables», déclare M. Aïdara, qui voit les derniers espoirs de voir les responsables de cette tragédie, qui a fait près de 2 mille morts, être jugés. Il rappelle que «l’ordonnance de non-lieu de la Cour d’appel de Paris et le rapport de la Commission d’enquête technique présidée par M. Seydou Madani Sy, médiateur de la République (à l’époque), ont énuméré suffisamment d’éléments et de preuves qui doivent inspirer la justice sénégalaise. Un tel drame, avec près de 2 000 morts ne peut rester impuni», insiste M. Aïdara. Il persiste : «Nous précisons que les personnes citées n’ont pas été innocentées ou blanchies. Elles ont tout simplement bénéficié de l’immunité de juridiction ou de privilèges dus à leurs rangs.»
Cette décision est aussi difficile à comprendre pour Alain Verschatse, le président de l’Association des familles de victimes françaises : «Vous irez raconter aux familles des victimes que leur enfant, leur proche a été tué à cause d’un représentant de l’Etat étranger, mais qu’on ne peut l’attaquer en raison de son immunité diplomatique. Je peux vous assurer que l’on a du mal à le comprendre. Et là, on ne parle pas d’une victime ou de deux, on parle de 2 000 victimes. On ne peut pas accepter de laisser partir une personne comme ça alors qu’elle a mis 2 000 personnes à la mort. Il faut que la France arrête de réfléchir de cette façon-là, que la justice arrête de se plier à la diplomatie française et que les relations étrangères, en l’occurrence les relations franco-sénégalaises, ne soient pas plus fortes qu’une justice qui devrait être indépendante. On a ici une justice qui n’est pas indépendante en France.» Selon Rfi, les familles des victimes françaises pourraient notamment porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’Homme.
Saisine de la Cedh
Il faut rappeler qu’une instruction avait été ouverte en France, il y a plus de quinze ans, après une plainte des familles de victimes françaises. En 2008, un juge d‘instruction français avait émis mandats d’arrêt à l’encontre de neuf personnalités sénégalaises, dont Mame Madior Boye et l’ancien ministre des Forces armées, Youba Sambou. Avant qu’ils ne soient annulés. Alors qu’au Sénégal l’affaire a été classée sans suite en 2003, car la justice sénégalaise avait imputé le naufrage au commandant du navire, qui a disparu durant le naufrage.