Une fois encore, pour la vingt-et-unième édition, ce 20 décembre 2022, nous nous arrêtons un instant, le temps de commémorer l’anniversaire de la disparition du père de la Nation sénégalaise et fondateur du Parti socialiste, le premier président de la République du Sénégal, LSS.
Nous nous attelons ainsi à respecter une tradition instaurée par feu le président Ousmane Tanor Dieng, récemment arraché à notre affection dans la plus totale discrétion. Nous ne cesserons jamais de pleurer OTD, de nous référer à lui, à sa trajectoire, à Senghor, son modèle, à Abdou Diouf, son mentor. OTD tenait chaque année, à pareille époque, à perpétuer l’œuvre de Senghor, tant il considérait que sa pensée conserve une jeunesse immortelle et une source pour demain. Aujourd’hui, en ce jour du souvenir, c’est avec une très grande émotion et reconnaissance que nous nous tournons vers le père fondateur de notre parti, mais aussi vers celui qui a entretenu le legs durant toute sa vie, celui qui nous a donné la force de regarder demain, notre regretté mentor OTD. Le président OTD avait réussi à faire de la journée du souvenir, un temps fort de la vie du parti, un moment solennel pour nous recueillir et nous abreuver de l’œuvre et de la pensée du poète-Président LSS.
La meilleure façon de célébrer Senghor, c’est de revisiter sa pensée à travers ses nombreux et riches écrits. Vous conviendrez avec moi, chers lecteurs, que la véritable richesse d’une Nation, la véritable richesse d’un parti politique, se mesure à la qualité de ses anciens dirigeants et de ses militants, à travers leurs œuvres et praxis, pour l’amélioration des conditions de vie et d’existence des populations sénégalaises, africaines, ainsi que pour toute l’humanité. Car la pensée et l’action de ces hommes exceptionnels déterminent une mémoire collective qui nous guide pour le futur, constituant une conscience historique et une source idéologique.
Si l’on s’inscrit dans l’histoire de la marche de notre pays, de notre continent et celle du monde hors duquel il nous est impossible de cheminer, les questions liées au contexte, sous le prisme de la pensée de Senghor, peuvent se décliner à travers les urgences et défis de notre époque.
Le Président Senghor a toujours soutenu que le mouvement de la Négritude, lancé par Aimé Césaire, Léon Gontran Damas et lui-même, a pour socle commun avec le socialisme, le fait que l’un et l’autre ont pour fondement la prise de conscience des différentes formes d’aliénation de l’homme et la volonté de libérer celui-ci de toute forme d’oppression qui porte atteinte à sa dignité et à son existence. C’est sous ce rapport qu’il faut analyser sa critique du capitalisme, vecteur d’un ordre inégal, plus soucieux d’accumulation du profit que de promotion de l’homme. N’est-ce pas que le pseudonyme Sédar signifie en Sérer «l’homme digne qui ne baisse jamais la tête». N’est-ce pas aussi que Senghor considérait que «l’argent est un funeste compagnon».
Considérant la domination de l’économie de marché dans les échanges internationaux ainsi que certains effets concomitants de la mondialisa-tion/globalisation, la tentation était grande d’en inférer que les frontières entre les doctrines et les idéologies se sont effacées et qu’il faille s’en remettre aux mécanismes et lois du marché, en laissant une main invisible régler la marche du monde.
Toutefois, les crises congénitales cycliques du système néolibéral, particulièrement la crise financière des subprimes de 2008 et ses impacts négatifs sur les sociétés humaines, celle gravissime du Covid-19, du changement climatique et de la guerre en Ukraine, ont recentré les paradigmes vers un monde plus humain où le rôle des puissances publiques devient prééminent, articulé sur la réduction des inégalités, la protection des personnes vulnérables, la lutte contre le changement climatique. Ces différentes crises multiformes ont fini de démontrer la nécessité de développer l’interventionnisme pour les solutions de sortie et du renforcement du rôle public de l’Etat.
Or, l’actualité de la pensée de Senghor est prégnante de nos jours, dans un contexte mondial refroidi par les impacts considérables de la crise financière de 2008, de la pandémie du Covid-19, du changement climatique sur la vie des sociétés, mettant en branle la fragilité du système mondial axé sur «l’échange inégal». L’endettement des pays pauvres, généré par l’échange inégal et les menaces qui planent sur l’humanité du fait du retour au protectionnisme prôné par les droites au pouvoir dans les pays riches, risque encore davantage de creuser les inégalités entre les pays du Nord et ceux du Sud. Aussi, le dialogue Nord-Sud pour l’annulation de la dette publique africaine et le réaménagement de la dette commerciale pour un nouvel ordre économique plus humain basé sur le multilatéralisme, devient-il une nécessité absolue aujourd’hui plus qu’hier.
Nous voilà en plein vers un nouvel appel pour un retour aux valeurs du socialisme ou de l’humanisme dans le monde actuel, le socialisme tel que le définissait le poète-Président LSS, je le cite : «C’est moins qu’une doctrine, qu’une méthode d’action, qui a pour but de développer l’homme dans tous les domaines, en se basant sur deux principes majeurs : d’une part sur la rationalité et, partant l’efficacité, d’autre part, sur la justice sociale, fondée elle-même sur la solidarité humaine.»
Si le socialisme comme épanouissement de l’homme se réalise sur les valeurs de justice sociale et de solidarité humaine, il le fait dans le cadre d’un plan de développement économique pour une transformation sociale véritable. La planification si chère aux socialistes qui est une représentation d’une situation et de ses possibilités d’évolution suivant un modèle dynamique. Au demeurant, la politique économique et sociale du Président Macky Sall, à travers le Pse avec le Pap 1 pour bâtir une croissance endogène et le Pap 2A pour renforcer les bases et les branches de l’émergence, remplit tous les critères pour la transformation sociale dans notre pays ; ces critères sont basés notamment sur l’égalité des chances, la justice sociale, l’équité territoriale et la solidarité humaine, autant de principes conformes à nos valeurs socialistes. C’est pourquoi le Parti socialiste du Sénégal réaffirme son ancrage dans Bby et son engagement déterminé auprès du Président Macky Sall pour la réalisation des objectifs contenus dans le Pse 2 réajusté, vers une société sénégalaise unie et prospère. Le Parti socialiste approuve également le Pres, pour faire retrouver à notre économie, une croissance vigoureuse. C’est le lieu encore de réitérer, en raison des menaces en tous genres qui guettent l’humanité, l’appel du Parti socialiste au regroupement des forces pour réunir les conditions minimales afin de vaincre les périls. Dans un monde en crise multiforme évoluant dans des sociétés politiques fragmentées à l’intérieur des pays où l’on observe un réinvestissement vers des valeurs pan humaines, la mutualisation des offres politiques à travers des alliances programmatiques devient une nécessité historique. Babacar Sine théorisait non la compromission, mais le compromis dynamique, essentialiste dans un monde où les menaces en tous genres et les chocs exogènes nous imposent le rassemblement. Si bien que les regroupements politiques et le dialogue politique et social pour une société sénégalaise unie et prospère, demeurent un objectif de premier ordre pour une meilleure gouvernance démocratique, le dialogue étant consubstantiel à la démocratie.
La situation mondiale actuelle et ses conséquences sur la survie de l’humanité, sérieusement menacée par les effets dévastateurs de la pandémie du Covid-19, du changement climatique et de la guerre en Ukraine, nous instruit à aller vers un regroupement des forces pour un pacte de stabilité, de croissance et de souveraineté économique. Le socialisme démocratique dont nous nous réclamons est affirmation de notre attachement aux libertés, à l’expression des droits individuels et collectifs, à la démocratie participative ; il est encore reconnaissance de la propriété et de l’entreprise privée. Il est enfin choix délibéré et justifié de recours à des réformes fondées sur la concertation, la consultation des citoyens et la recherche de solutions consensuelles aux questions qui engagent le devenir de nos sociétés .
Cependant, nos actions de développement, pour pertinentes qu’elles soient, ne seront pas viables si elles restent circonscrites dans le cadre de nos micro-Etats réducteurs. Le Président Senghor dénonçait la balkanisation de l’Afrique, mais, en même temps, parlait de socialisme africain dans le but d’adapter les principes universels à nos cultures et réalités en prônant l’intégration économique, culturelle et politique du continent, magnifiquement exprimée dans notre hymne national, pour dire que les poètes fondent ce qui demeure.
Mais, au-delà du développement de l’homme et de tous les hommes, il y a le primat du culturel, majestueusement exprimé dans une formule légendaire comme les poètes savent le faire, «la culture est au début et à la fin du développement».
Si nous évoquons la culture et sa place centrale dans nos pulsions et dans nos actions quotidiennes, c’est pour mettre en évidence son corolaire, le dialogue des cultures menant à la civilisation de l’universel, ce dialogue matérialisé de nos jours à travers la mondialisation.
Chers lecteurs, vous l’aurez compris, il est impossible, le temps d’une contribution à une réflexion, d’aborder tous les aspects d’une pensée aussi vaste et aussi riche que celle de LSS, soucieux de placer l’homme au cœur du développement et du progrès. Mais, devant l’impossibilité de cet exercice, nous avons tenu néanmoins à partager avec vous ces quelques repères.
Kadialy GASSAMA
Economiste
Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque