C’est parti pour la 30e édition des Journées cinématographiques de Carthage. La cérémonie d’ouverture, qui s’est déroulée ce samedi à la Cité du cinéma, a été un moment d’hommage au défunt président des Jcc, Najib Ayed. Le doyen des festivals arabes et africains propose cette année aussi, un dialogue entre les cinémas du Maghreb et ceux de l’Afrique au sud du Sahara. Au total, 170 films dont 44 en compétition officielle seront au programme du 26 octobre au 2 novembre.

Les 30es Journées cinématographiques de Carthage, c’est parti. Le coup d’envoi a été donné ce samedi à la magnifique cité de la culture de Tunis. Mais le spectacle a d’abord démarré sur la grande avenue de la ville, l’Avenue Bourguiba, assaillie par un public désireux d’admirer ses stars et starlettes. Tapis rouges, paillettes et glamour ont été au cœur de la soirée d’ouverture de cette édition dédiée au défunt président, Najib Ayed. Le coup d’envoi de cette fête du 7e art africain et arabe a été donné par la Directrice générale du Centre national du cinéma (Cnci), Chiraz Latiri.
Auparavant, le président du Grand jury, le sénégalais Alain Gomis, a salué un festival «qui entretient le dialogue entre les différents cinémas africains». le double étalon du Yennenga, accompagné de Fukada Kodji, le réalisateur japonais, de l’acteur algérien, Hassan Kachach, du réalisateur tunisien, Mahmoud Ben Mahmoud, de la réalisatrice marocaine, Meriem Ben Mebarek, de la cinéaste, Tsitsi Dengarembega, et la réalisatrice libanaise, Yasmin Khallat, tous membres du Grand jury, souligne également que le Festival de Carthage «continue de développer des identités culturelles fortes, indépendantes et qui prétendent toutes à l’universel». Entre discours et spectacles, notamment la troupe japonaise Sannin Bayashi ou encore la diva chilienne Martha Contreras, la cérémonie a été riche en émotion.
Au total, les Jcc proposent du 26 octobre au 2 novembre une sélection de 170 films dont 44 en compétition officielle dont 12 longs-métrages et 12 courts-métrages de fiction en plus de 12 longs-métrages et 8 courts documentaires. Comme chaque année, l’Avenue Habib Bourguiba, principale artère de la capitale, vivra aussi au rythme d’un large programme d’animation dédié aux pays hôtes durant toute la durée du festival, à travers un large choix de concerts de rue, de spectacles de danse et de performances d’arts vivants.

Dialogue des cinémas africains
Vieilles de 53 ans, les Jcc sont le doyen des festivals arabes et africains sur le continent. Fidèle à sa vocation de dialoguer avec les nouveaux cinémas, l’édition de cette année propose un large focus sur quatre pays, le Japon, le Chili, le Nigeria et le Liban. Pour le Pr Magueye Kassé, enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et critique de cinéma, la programmation de cette édition 2019 montre que l’Afrique est un continent de ressources humaines de qualité qui peuvent réfléchir sur leur propre destin tout en s’ancrant dans un message universel. «Si vous voyez les pays invités à cette édition, il y a le Chili qui a connu une dictature féroce sous Pinochet, le Japon qui a un cinéma extraordinaire qu’on ne présente plus et un cinéma qui s’ancre aussi dans la modernité avec des problèmes contemporains tels que le japon les vit maintenant. Le Nigeria qui produit plus de 1000 films par an, de qualité discutable parfois, mais en même temps qui ne doit pas éclipser de très bonnes productions nigérianes. Le Liban qui a été frappé dans les années 70 par des catastrophes dont les responsables sont des dirigeants qui n’avaient pas de soucis de la stabilité du Liban et depuis quelques jours, on a vu ce qui s’y passe. Ne serait-ce que sous ce rapport du focus sur ces pays, il y a de quoi ancrer ce cinéma dans le temps du monde, à côté des films en compétition».
Carthage est également un lieu de convergence entre les cinémas de l’Afrique du Nord et ceux du Sud. «Quand Néjib Ayed est venu à Dakar l’année dernière, puisque le Sénégal était pays invité, il a toujours affirmé que les deux identités sont complémentaires. On ne peut pas parler de l’Afrique sans parler de l’Afrique du Nord et de l’Afrique au sud du Sahara.» Selon le Pr Kassé, M. Ayed était un fervent partisan de cet accompagnage des cinémas. «Quand on pense à l’Egypte, on pense à Youcef Chahine. La Tunisie, Tahar Cheriaa. Ce sont des pionniers qui ont eu cœur de montrer au monde un cinéma africain de qualité qui est devenu classique mais en même temps, sur ce terreau, peut se bâtir un autre cinéma qui a cœur de faire cette jonction entre le Nord et le Sud et c’est tout le travail que Nejib a eu à mener», souligne le Pr Kassé.

Hommage à Nejib Ayed
Le Carthage de cette année est particulier. Il s’inscrit sous le signe des hommages rendus à son président Najib Ayed, décédé en août dernier. Ses enfants Ahmed et Nadia ont reçu un Tanit d’or «en signe de reconnaissance de son engagement pour le cinéma, et de son combat incessant pour la culture, en les incitant à reprendre le flambeau et marcher sur les pas des aînés». A la tête des Jcc pendant trois sessions, Najib Ayed a marqué de son empreinte ce rendez-vous. Pour le Pr Maguèye Kassé, l’homme incarnait l’ouverture d’esprit et l’enthousiasme pour le cinéma arabe et africain. «Il croyait beaucoup au potentiel du cinéma africain à délivrer un message et marquer son identité dans un paysage cinématographique complexe, avec de grandes productions hollywoodiennes, des productions de facture discutable puisque ce sont des films à grand public mais surtout et c’est pour ça qu’il militait, un cinéma d’auteur, un cinéma de réflexion, critique par rapport à nos réalités sociales, culturelles et économiques. Et en même temps, un cinéma africain qui place notre continent au cœur de discussions nouvelles. Puisque l’Afrique, du Nord, au sud du Sahara, n’a jamais cessé d’interpeller le monde et il fallait un message très fort délivré par le cinéma africain pour montrer au monde que l’Afrique n’est pas seulement ce continent de désespoir. C’est aussi un continent de ressources humaines de qualité qui pouvaient réfléchir sur leur propre destin tout en s’ancrant dans un message universel.»
Najib Ayed n’est plus mais son héritage est entre les mains de cette jeune génération qu’il a eu à cœur d’assister et d’intégrer dans toutes ses actions. Moussa Touré a bien connu l’homme. «La première fois que je suis venu en Tunisie, c’est Néjib qui organisait un festival à Sousse sur la jeunesse. C’est quelqu’un qui s’est toujours intéressé aux jeunes. Il a mis en place beaucoup de cinémathèques dans ce pays. Et il a été un des premiers à réfléchir sur comment booster la production», témoigne l’auteur de La Pirogue, qui remporté le Tanit d’or des Jcc en 2012.