Le Président Macky Sall a assumé publiquement la fermeture des écoles Yavuz Selim Sénégal. C’est une grave erreur, une hérésie même, tant sur la forme que sur le fond. Quelques deux ou trois  autres chefs d’Etat africains, ont eu à laisser leur gouvernement prendre une décision similaire dictée par les desiderata d’un chef d’Etat étranger, en l’occurrence le Président turc Recep Tayyip Erdogan. Seulement, aucun de ces chefs d’Etat n’a eu à signer publiquement cette décision. Macky Sall aurait dû continuer de se taire, s’il ne pouvait pas faire comme ses pairs du Nigeria, d’Afrique du Sud, du Burkina Faso ou du Togo, qui ont clairement fait comprendre au régime d’Ankara, qu’il leur était plus facile de fermer l’ambassade de la Turquie dans leurs pays que de fermer des écoles fréquentées par des enfants. Macky Sall a fait la déclaration aux côtés de Michaelle Jean, Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif), à l’issue de l’inauguration d’un institut de formation financé à Dakar par l’Oif. Le Président Sall n’avait sans doute pas remarqué l’embarras de tous les officiels présents. En effet, au cas où il était pris de court par la question d’un journaliste sur ce sujet délicat, il aurait pu se limiter à une réponse du genre «le gouvernement est en train de trouver une solution à ce problème». Les apparences auraient été sauves. Mais le Président Sall a mis les pieds dans le plat, comme s’il piaffait d’impatience de révéler sa position. Cela a fait dire à certains de ses thuriféraires, qu’en faisant une telle déclaration «le chef de l’Etat a fait preuve de courage». Non, ce n’est pas du courage bien au contraire !, devrait-on leur rétorquer. Le courage aurait été de refuser le diktat qu’a exercé le régime turc sur les décisions du chef de l’Etat du Sénégal. Mais le plus aberrant est qu’il y en a, parmi ceux qui tentent de justifier la décision du Président Macky Sall, certains qui n’avaient pas hésité de s’offusquer de l’injustice qui était en train de s’abattre sur le Groupe scolaire Yavuz Selim. Il reste que certains voulaient encore croire, (comme s’ils étaient naïfs), que le chef de l’Etat serait étranger aux actes que posait le ministre de l’Education nationale, Serigne Mbaye Thiam. On doit avoir peur pour le Président Macky Sall. En effet, ceux qui sont prompts à applaudir ses décisions ne les partagent pas pour autant. Il est triste de le relever mais ce sont de telles attitudes hypocrites qui finissent par perdre un chef d’Etat.

7 Décembre 2016 – 7 décembre 2017 : un an, jour pour jour
Le Président Sall s’est placé dans une situation d’où il ne pourra plus revendiquer prendre ses décisions en toute souveraineté, dès l’instant qu’il admet, devant les caméras, avoir agi à la demande d’un chef d’Etat étranger ;  surtout que ladite demande est illégale et injuste et que tous les autres pays au monde auxquels le Sénégal pourrait se mesurer en termes de respect du droit, de la démocratie et de la justice, l’ont fermement refusée. Il s’y ajoute qu’il faut bien dire que le Sénégal est en train de filer du mauvais coton. Sa nouvelle idylle avec la Turquie de Erdogan ne manquera pas de lui causer des ennuis. Ce nouvel alignement diplomatique, mû par de nouveaux investissements turcs au Sénégal qui, il faut encore le souligner, ne sont pas des cadeaux mais des prêts que rembourseront les contribuables sénégalais, va, à terme, beaucoup gêner notre pays. Une Turquie dans sa toute-puissance, ne peut supplanter les investissements du monde libre dans notre pays, alors que le pays de Recep Tayyip Erdogan est au plus mauvais point de sa situation économique et financière. Le Sénégal ne détient pas d’atouts suffisants pour l’autoriser à coopérer équitablement avec deux camps diplomatiques et géopolitiques diamétralement opposés. Il y aura, forcément, à faire un choix dans une situation de tension politique exacerbée entre l’Union européenne et la Turquie ou entre les Etats-Unis d’Amérique et la Turquie. L’escalade diplomatique qui prend de l’ampleur entre ces différentes parties va placer le Sénégal dans une posture inconfortable, que notre pays risquera de payer chèrement. Macky Sall est en train de poser des actes qui l’ancrent, de plus en plus, dans le camp du Président Erdogan et, force est de dire que les alliés traditionnels du Sénégal ne resteront pas les bras croisés. Il va arriver un moment où ces alliés traditionnels du Sénégal n’auront plus le choix, quand par exemple Recep Tayyip Erdogan se permettra de les provoquer. Et il ne s’en privera pas ! Le Président Erdogan est l’invité d’honneur du Sénégal pour la cérémonie d’inauguration du nouvel aéroport de Diass. Le Sénégal offrira ainsi au Président turc une tribune pour faire un bras d’honneur à l’Amérique et à la France, des pays avec qui la Turquie est en délicatesse. Le Président Macky Sall sera bien comptable des provocations de Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier, qui ne fait pas mystère, à travers les médias officiels turcs, de sa volonté de supplanter la France par exemple, dans ses anciennes colonies africaines, ne manquera pas non plus, l’occasion de titiller les Etats-Unis avec lesquels il a engagé un bras de fer diplomatique. Dans son discours de Dakar, Recep Tayyip Erdogan se fera entendre. Diantre qu’est-ce que le Sénégal a-t-il à avoir dans de tels contentieux ? Il n’y a  pas de doute que Recep Tayyip Erdogan va croiser le fer avec les Etats à partir de Dakar. Il refuse toute idée de reporter la date de l’inauguration du nouvel aéroport, dont les travaux ont été achevés par une entreprise turque qui aura été payée rubis sur l’ongle grâce à des financements garantis par le Sénégal. Recep Tayyip Erdogan a choisi la date du 7 décembre 2017 et refuse d’envisager une autre date, en dépit de la demande de l’Association pour la sécurité de la navigation aérienne (Asecna) de différer d’au moins un mois, la mise en service du nouvel aéroport. Il n’est pas besoin d’être dans le secret des dieux pour savoir que si le Sénégal ignore ainsi les objections sécuritaires formulées par l’organisation internationale la plus habilitée à cet effet, c’est parce que l’invité d’honneur est resté inflexible sur son agenda. Recep Tayyip Erdogan tient aux symboles, comme tous les autocrates d’ailleurs. Il tient en effet à fêter un anniversaire au Sénégal, celui de la date où le gouvernement du Sénégal a officiellement choisi de satisfaire toutes ses demandes. On se rappelle que c’était le 7 décembre 2016, que le gouvernement du Sénégal avait officiellement décidé de fermer les écoles Yavuz Selim. Erdogan va fêter son anniversaire et cerise sur le gâteau, il pourra prendre une photo dans la cour des écoles initiées par son irréductible ennemi Fethulah Gülen. Qui ne se rappelle pas non plus que c’était le 7 décembre 2016 à Ankara, que Recep Tayyip Erdogan avait annoncé avoir saisi le Parlement de son pays de la réforme institutionnelle qui renforce ses pouvoirs. Il n’en sera donc pas à un symbole près ! On se demande même si le Président Erdogan, qui ne s’embarrasse pas de fioritures, n’exigera pas de rentrer avec quelques citoyens turcs qui contestent son pouvoir et que le Sénégal pourra lui livrer. Ce serait un beau présent rapporté d’Afrique. Au Pakistan, il avait ramené dans ses avions de «mauvais» citoyens turcs pour les jeter en prison. Erdogan clame urbi et orbi son amitié pour le Premier ministre du Punjab, Shahbaz Sharif, qu’il appelle régulièrement au téléphone et lui fait profiter d’importants investissements. C’est exactement le même modus operandi avec le Président Macky Sall. La France, l’Union européenne et les Etats-Unis observent, sans piper mot, ce jeu auquel se livre le Sénégal. Un tel jeu peut se révéler périlleux.