Jugée hier par la Chambre criminelle : Aïda Mbacké, le temps des remords
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Par Justin GOMIS –
Aïda Mbacké, qui avait brûlé vif son mari en décembre 2018, jugée hier par la Chambre criminelle, est tourmentée par les remords. Rongée par la jalousie à cause d’une décision de son mari, qui avait décidé de convoler en secondes noces, elle a commis l’irréparable, détruit «sa vie». Elle déclare : «Lorsqu’on était tous les deux dans la chambre, je lui avais clairement dit que je préfère me suicider que de le partager avec une autre. Sous l’emprise de la jalousie, j’ai pris un liquide inflammable que j’ai versé sur nous deux. Ensuite, j’ai pris un briquet pour allumer le feu. J’aurais préféré mourir avec lui que de le partager. J’étais dévastée parce que je ne pouvais pas imaginer que j’allais partager mon mari avec une autre.» Il ne lui reste presque rien, peut-être une peine à purger, une vie à réparer sur les décombres d’un mariage qui a pris fin de manière tragique. «Je n’arrive plus à dormir la nuit. Je passe tout mon temps à prier pour mon défunt mari. Mon père et certains membres de ma famille ne m’adressent plus la parole. Je n’ai plus personne dans ma vie», enchaîne-t-elle, les larmes aux yeux. Son mari en torche humaine est la dernière image qu’il lui reste.
Aujourd’hui, elle reste suspendue à la décision du Tribunal qui va donner son verdict le 15 novembre prochain. Peut-être 15 ans ? C’est le réquisitoire du ministère public qui parle d’une dame qui aimait son mari d’un amour fou. «Le jour des faits, compte tenu de son état (elle était enceinte), elle a essayé de parler avec son époux, mais en vain. Elle a pris rendez-vous avec sa sage-femme. A son retour, elle a encore tenté de parler avec son mari qui refusait toujours d’aborder le sujet. Elle a commencé à avoir des ressentiments, jugeant que cette vie ne valait plus la peine d’être vécue. Elle a décidé de mettre fin à sa vie et à celle de son mari. Aïda Mbacké a saisi un liquide inflammable qu’elle a aspergé dans toute la chambre et sur le lit. Elle a activé le briquet et le feu s’est propagé. Le mari était tout en flammes pendant que Aïda était sortie pour aller dire à sa voisine que son mari voulait attenter à sa vie. Le mari est sorti en criant : «Aïda m’a incendié.» Par la suite, ils ont été évacués et pris en charge. Malheureusement, le mari a rendu l’âme. En aspergeant le liquide, alors que son mari était sur le point de s’endormir, je peux dire qu’elle n’avait d’autre intention que celle de donner la mort», argumente l’Avocat général. «Aïda, vu tout ce qu’elle a subi et compte tenu de son état, a été manipulée par une force invisible qui l’a poussée à commettre cet acte. Elle n’a pas agi avec discernement, parce qu’elle-même pouvait mourir. Ce sont des faits extrêmement douloureux. Si c’était à refaire, elle ne l’aurait jamais fait», poursuit-il en demandant au juge d’écarter l’assassinat et de la déclarer coupable de meurtre.
justin@lequotidien.sn